La «clarification» à l’Assemblée nationale comme l’appelle Jean-Christophe Lagarde – dont le parti, l’UDI, vient d’en être une des victimes collatérales suite à l’éclatement du groupe Agir-UDI-indépendants –, avec la création de deux nouveaux groupes montre un réel délitement du «en même temps» macronien mais pas de l’axe central qui réapparait sous sa forme originale.
Ainsi, désormais (en attendant
d’éventuelles nouvelles «clarifications»…), nous avons à l’Assemblée un pôle de droite libérale
(composé essentiellement de soutiens à Alain Juppé durant les primaires de LR
en 2016) avec le groupe Agir ensemble, un pôle de centre-droit avec le groupe UDI,
un pôle du centre avec le groupe MoDem, un pôle de gauche éventuel – s’il se comporte comme si ces initiateurs ont dit qu’il
ferait, sinon il ne sera qu’un regroupement d’opportunistes, pour certains
d’avant les élections et pour d’autres d’après – avec
le groupe Ecologie, démocratie, solidarité et pôle hétéroclite derrière le
Président de la République avec le groupe LaREM où l’on trouve des élus
centraux avec la partie la plus importante se trouvant au centre/centre-gauche,
une partie se trouvant au centre-droit et quelques personnalités venant de la Gauche
et de la Droite qui ont rejoint une majorité présidentielle mais qui reviendront,
à n’en pas douter, dans le giron de leur camp d’origine une fois qu’Emmanuel Macron
ne sera plus à l’Elysée.
Quand on parle du délitement du «en même temps», il s’agit bien
entendu de l’entreprise de ce même Emmanuel Macron et non pas d’une notion qui
peut définir ce qu’est le Centre bien que nous préférons le définir comme un
humanisme du juste équilibre.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit,
de sa volonté initiale de créer un rassemblement autour d’un «mouvement» où se
retrouveraient des femmes et des hommes qui accepteraient de dépasser leurs
clivages politiques afin de réaliser un programme, notamment constitué de
nombreuses réformes, afin de permettre à la France de sortir de ses blocages et
de (re)trouver le chemin de la modernité et du progrès.
Une sorte de gaullisme du XXI° siècle
dans le sens où ce dernier est également né de moments de crise (le premier
étant la défaite de 1940 et le deuxième, l’effondrement de la IV° république dû
à la crise algérienne) où la démocratie était en danger.
En 2017, ce sont bien les dangers
imminents que représentaient Jean-Luc Mélenchon et, surtout, Marine Le Pen pour
la démocratie républicaine qui ont permis l’élection d’Emmanuel Macron ainsi
que le rassemblement qui fut baptisé «En marche!».
D’où la capacité du macronisme, dans
un premier temps de ratisser large pour que se constitue un rassemblement de
«bonnes volontés».
Mais, bien évidemment, dès le départ
et malgré toutes les précautions prises (et, sans doute, quelques velléités de
ratisser trop large…) nombre d’opportunistes se sont agrégés à ce
rassemblement, ce qui peut se constater aujourd’hui.
Sans oublier ceux et celles qui, tout
simplement, ont interprété différemment le «en même temps» et pas simplement en
lui donnant une connotation de gauche, du centre ou de droite et qui se
retrouvent parfois en porte-à-faux avec la ligne de la formation présidentielle.
On l’a bien vu avec le gaullisme avec
tous ceux qui s’en sont réclamés (nombre de «gaullistes de gauche» ont quitté
le général assez vite, par exemple) et s’en réclament encore aujourd’hui et qui
sont souvent d’accord sur presque rien sauf la «grandeur de la France» notion
aussi rassembleuse que coquille souvent vide.
Du coup, lorsque les difficultés
surviennent ou, simplement, que le temps passe, tout ce qui différencie à
tendance à prendre le pas sur tout ce qui rassemble, cette fameuse entropie qui
touche également le politique...
D’ailleurs, si des élus aux tropismes
de gauche et de droite sont partis pour fonder les deux nouveaux groupes à
l’Assemblée, il existe toujours à l’intérieur même de LaREM des courants qui
s’opposent et se confrontent plus ou moins fortement et dont certains se sont
plus ou moins structurés comme en témoigne la dernière initiative venue de la
gauche du parti avec la création de l’association En commun.
Et il n’est pas du tout exclu que
d’autres députés s’en aillent vers d’autres horizons ou formations, anciennes
ou nouvelles.
Est-ce que cette «clarification» est
la bienvenue?
Evidemment pas pour l’entreprise
d’Emmanuel Macron qui a sans doute rêvé d’ancrer son mouvement dans le temps,
ce qui, au vu de ce qui s’est passé ces trois dernières années, semblent une
éventualité peu réelle même si un parti macronien peut continuer à exister mais
certainement pas sur les bases d’un rassemblement aussi large.
De ce point de vue, tous ceux qui
estimaient qu’elle était vouée à l’échec sur la durée semblent avoir eu raison.
Pour ce qui est de l’axe central,
c’est tout différent.
Ce rassemblement plus ou moins
informel qui s’est constitué au cours de la dernière décennie avec une
accélération ces cinq dernières années et qui va de la droite libérale à la
gauche réformiste en passant par le centre progressiste n’est pas monolithique
et ne le sera jamais.
Ce qui fait sa force est, à la fois («en
même temps»?!), ses débats contradictoires sur les mesures à prendre (ou leur
graduation) et sa convergence sur les valeurs et les principes à défendre, le
socle étant la défense sans réserve de la démocratie républicaine libérale
représentative et participative.
Cet axe central est également, à la
fois, un regroupement de gens qui partagent les mêmes visions progressistes
mais aussi qui s’unissent pour empêcher la montée des populismes et des
extrémismes qui sont (re)devenus des menaces très réelles en ce premier quart
de XXI° siècle.
Ses différences sont en quelque sorte
transcendées par un même combat qui est de mettre en place cette nouvelle
démocratie républicaine de progrès et capable d’encaisser le choc de toutes les
attaques dont sont l’objet la liberté, l’égalité, la fraternité et le respect.
Il n’en reste pas moins que ces
courants ne sont pas solubles en un seul.
De Gaulle s’était déjà cassé les
dents en son temps avec sa volonté de réunir le plus largement possible autour
de sa personne, Macron est en train d’en faire la même amer expérience.
Mais, comme de Gaulle, Macron a un
atout dans sa manche afin de garder un certain liant à LaREM qui devrait lui
permette de gouverner sans difficulté jusqu’en 2022: le pouvoir qui permet
d’attirer beaucoup de monde derrière soi.
Mais l’avenir semble moins à LaREM
qu’à l’axe central.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC