François Bayrou |
Les Américains qualifient la période faste et d’essor d’une personnalité politique de «momentum» (littéralement élan ou dynamique).
Au moment où LaREM devrait perdre sa majorité absolue à l’Assemblée
nationale avec le départ de quelques députés et où, pour poursuivre la
politique du gouvernement, la majorité aura absolument besoin des voix du
Mouvement démocrate, son président, François Bayrou ne voit-il pas le sien se
dessiner, enfin.
Car le voici bientôt capable de poser ses conditions et de
demander que l’on suive plus à la lettre ses «conseils» qu’il affirme prodiguer
sans cesse à une oreille attentive d’Emmanuel Macron.
Et ceux qui doutent qu’il ne profite de la situation ou qui
déclarent que cela ne l’intéresse pas, ne connaissent pas l’homme ou sont en train
de créer un écran de fumée pour noyer le poisson et éviter de trop l’exposer.
Parce qu’il est une évidence que l’on ne peut nier sauf à
réécrire l’histoire: Bayrou est un homme ambitieux qui a toujours voulu le
pouvoir.
Ne s’est-il pas présenté trois fois pour devenir président
de la république, la plus haute fonction politique du pays?
Et s’il ne s’est pas présenté en 2017 alors que les astres
semblaient favorables à une victoire centriste, c’est simplement parce qu’un
jeunot lui a piqué la place qu’il convoitait depuis si longtemps.
Un jeunot qu’il a d’ abord raillé avant de le rallier pour
pouvoir encore exister politiquement et qui lui a fait un cadeau qu’il pourrait
regretter pour les deux ans qui restent de son quinquennat: 46 députés qui vont
désormais être indispensables pour gouverner.
Dès lors, personne de sensée et un petit peu au courant de la
politique ne peut croire sérieusement que François Bayrou ne va pas utiliser
cette position de force pour lui et ses idées.
Bien entendu, il n’a pas intérêt à surexploiter son nouveau
statut, aller au clash, ni à faire du chantage qui se retourneraient sans doute
contre lui et son parti.
En tout cas dans un futur proche.
En revanche, il se peut que sa petite musique lancinante qui
n’était souvent qu’une musique d’ambiance fort lointaine voire un bruit de fond
à peine perceptible devienne un morceau phare de la playlist de la majorité
présidentielle.
De même, s’il parvient à se débarrasser de l’affaire des attachés
parlementaires européens du MoDem qui lui a valu une mise en examen, son ambition
de Matignon retrouvera à n’en pas douter une nouvelle jeunesse.
Il est sans doute trop tôt pour savoir ce qui va se passer
ou faire des prédictions sérieuses mais il est évident que le président du
MoDem doit réfléchir à comment utiliser du mieux possible sa nouvelle position
tout en en abusant pas.
Interviewé aujourd’hui sur France Inter, bizarrement,
personne ne lui a posé la question et il ne l’a pas abordé de front, affirmant
juste que «la division est mortelle» et ajoutant:
«La certitude qui est la
mienne, c’est que, si on accepte la division ou si on la recherche, à ce
moment-là on se condamne à mort. On l'a vu à d'autres époques avec d'autres
partis et je recommande qu'on ne l'oublie pas.»
Voilà en tout cas une nouvelle phase du quinquennat d’Emmanuel
Macron qui va s’ouvrir et, pour la première fois réellement, François Bayrou
pourra avoir un rôle central concret et non virtuel.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC