Regards Centristes est une série d’études du CREC qui se penchent sur une question politique, économique, sociale ou sociétale sous le prisme d’une vision centriste. Vingt-et-unième numéro consacré au positionnement du Centrisme face à la santé et à ses relations tumultueuses avec l’économie, sachant qu’un système de santé ne peut fonctionner sans être financé mais qu’il ne peut vampiriser toutes les ressources tout en étant essentiel au bon fonctionnement d’une économie qui réclame une force de travail en bonne santé pour être la plus performante possible.
Combien d’argent un individu devrait-il consacrer à sa
santé?
Combien d’argent une société devrait-elle dépenser pour son
système de santé?
Les réponses à ces questions semblent, a priori, assez
faciles à donner.
Tout ce qui est nécessaire pour qu’un individu soit en bonne
santé; tout ce qui est nécessaire pour que sa population soit en bonne santé.
Parce qu’un individu préfèrera sans aucun doute dépenser
toute sa fortune pour demeurer en vie sachant que mourir riche ne lui sera
d’aucun réconfort.
Parce qu’une société a comme but principal d’assurer
l’existence et la sécurité de ses membres dont la mission de les maintenir en
bonne santé notamment pour qu’ils puissent être des citoyens actifs et
efficaces.
Bien entendu, il peut y avoir des exceptions à ces comportements
individuels et sociaux mais ils représentent la règle et elle s’applique
concrètement toujours et partout quand cela est possible.
Alors pourquoi cela ne semble pas le cas, pourquoi les populations
ont souvent le sentiment que l’on sacrifie la santé par rapport à d’autres
priorités (économiques ou sociétales) ce qui provoque des crises récurrentes
dans tous les pays du monde avec des pics radicaux comme lorsque les personnels
des hôpitaux publics, soutenus largement par l’opinion publique, revendiquent
et manifestent face à ce qu’ils estiment être le délabrement du système de
soins alors même que l’on a jamais dépensé autant d’argent pour se soigner dans
les pays développés et avancés?
Alors pourquoi même avec le «principe de préparation» et
toute la technologie médicale nous ne sommes pas capables de faire face à une
crise épidémique comme celle du covid19?
Et pourquoi, face à des crises sanitaires nous sommes
souvent pris au dépourvu malgré le «principe de précaution» et une connaissance
médicale qui n’a jamais été aussi développée.
Parce que la santé doit être financée, qu’elle n’est jamais
«gratuite», que «quelqu’un» – patient, assuré, contribuable – doit payer pour
que les soins soient prodigués, que les personnels médicaux soient rémunérés,
que les médicaments soient produits, que les infrastructures soient bâties,
etc.
On comprend que ce «quelqu’un» c’est toujours les individus,
individuellement ou collectivement (Etat, entreprise, sécurité sociale, etc.).
Et si nous sommes d’accord pour payer ce qu’il faut pour
notre propre santé et celle de nos proches, nous ne le sommes pas pour payer
pour les autres ou pour un «système» qui nous semble souvent une usine à gaz…
jusqu’à ce que nous ayons besoin de lui!
De même, nous reconnaissons que si la santé est primordiale
comme dans les fameux adages de bon sens commun du style «Quand la santé va,
tout va bien», nous devons également nous nourrir, nous vêtir, nous déplacer,
nous divertir, etc. et que tout cela coûte également de l’argent et qu’il faut
faire des choix qui ne sont pas toujours en faveur de ce système de soins.
Mais, nombreux sont ceux qui voient dans le couple santé et
économie, une association infernale qui ne peut produire que des oppositions où
l’une ne peut dépouiller que l’autre.
Une vision erronée puisque l’une ne peut pas aller sans
l’autre.
Non seulement, santé et économie ne sont pas antinomique
mais elles sont complémentaires quand elles ne sont pas indissociables.
Ainsi, la santé n’est pas seulement une charge pour
l’économie d’un pays mais est une source de profit (par exemple, avec
l’industrie pharmaceutique).
De même, un système de santé efficace est indispensable pour
que l’économie fonctionne au mieux de ses capacités grâce aux soins dispensés qui
permet une population en bonne santé, donc une force de travail plus efficace.
Et l’on pourrait multiplier les interactions entre le deux
termes.
Une population en bonne santé est donc indispensable pour
une économie dynamique qui elle-même est indispensable pour pouvoir maintenir
une population en bonne santé.
Affirmer que l’on peut avoir un système de santé efficace
sans prendre en compte la dimension économique est un mensonge.
Dire que la santé n’est qu’un secteur économique comme un
autre et qu’il doit seulement obéir aux mêmes règles en est un autre.
Quant à savoir quel budget nous devons consacrer à la santé,
cela implique que nous fassions des choix en toute connaissance de cause.
Car si la santé est un secteur économique qui peut rapporter
gros, c’est aussi une charge pour la collectivité.
Et demeurer en vie, comme on l’a dit plus haut, c’est aussi
manger à sa faim, avoir des revenus, avoir un minimum de confort matériel,
c’est être protégé par des forces de sécurité intérieures (police) et
extérieures (armée).
On ne peut donc consacrer toutes nos dépenses pour le
système de soins.
En revanche, on peut décider d’y consacrer une plus ou moins
grande part de la richesse nationale, ce qui se fera toujours au détriment
d’autres secteurs.
Il y a donc un choix collectif qui doit être fait mais qui
ne doit pas léser les individus.
Et ce choix collectif doit prendre en compte tous les paramètres
et pas seulement celui d’une médecine optimum puisque celle-ci a un coût qui
peut être ou devenir prohibitif.
Sans oublier que rentrer dans une «société médicalisée»
poserait bien des questions sur la liberté de choix de chacun et sur le
contrôle que cela inclurait.
Aujourd’hui, pour rappel, la France consacre un peu moins de
12% de son PIB aux dépenses de santé et les Etats-Unis, un peu plus de 17% ce
qui est en dessous des prévisions faites à la fin du XX° siècle qui prévoyaient
leur explosion avec des pourcentages au-delà de 20%.
Le Centrisme dans cette problématique s’appuie sur ses
valeurs humanistes pour garantir un accès de base à la santé pris en charge par
la communauté.
Ainsi, si dans une démocratie sociale, l’accès aux soins médicaux
est essentiel, il ne faut pas confondre cette exigence sociale avec la mise en
place d’une couverture médicale qui s’étendrait sans limite à toute la sphère
du bien-être (à moins que la société, correctement informée, soit d’accord pour
en supporter toutes les conséquences, c’est-à-dire tous les coûts).
Car, si la santé est un secteur économique performant, c’est
aussi, par le biais d’une assurance maladie mutualisée, un coût pour la collectivité.
Et ce coût doit être appréhendé de manière concrète et non
pas théorisé comme un droit déconnecté de la situation économique et sociale
d’un pays.
En un mot, il doit être maîtrisé.
En revanche, ce n’est pas le cas pour le secteur de la santé
qui doit être libre de se développer et proposer des services rémunérés à la
population, sans évidemment se substituer aux soins garantis par une assurance
maladie.
Des choix doivent constamment être faits et ceux-ci
conditionnent évidemment la société dans laquelle nous vivons. Le Centrisme
reconnaît cet accès à la santé mais, dans sa vision responsable et lucide de
l’organisation de la société, il ne peut cautionner une dérive sans fin des
dépenses collectives de la santé sachant que cela ne peut, à terme, que
déséquilibrer une société libérale sociale vers un collectivisme liberticide et
vers une économie incapable d’éponger ces coûts de plus en plus faramineux.
Néanmoins, il estime que la santé n’est pas un secteur
économique comme les autres et que la simple logique des chiffres et des
équilibres comptables ne peut être la seule règle de son fonctionnement.
In fine c’est bien le plus de santé possible avec le maximum
d’efficience et au coût le plus juste qui est la doctrine du Centrisme en ce
qui concerne le système de soins.
Enfin, n’oublions pas que la santé, à côté du secteur
médical stricto sensu, est également tributaire de tout ce qui concoure à
l’hygiène.
Des rues propres et une eau potable ont permis une
population en meilleure santé plus que tous les médicaments du monde.
La peste peut être soignée par des traitements efficaces
désormais mais si sa disparition de certaines zones géographiques provient
avant tout de mesures d’hygiènes qui l’empêchent de trouver un terreau
favorable pour s’implanter.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
Dans la même collection:
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