La crise épidémique du covid19 est un objet politique au sens strict du terme et il ne pouvait en être autrement évidemment.
Néanmoins, son aspect sanitaire pourtant crucial de manière
tout aussi évidente, a souvent été supplanté par les querelles idéologiques et
il est triste de constater que certains membres du corps médical en ont profité
pour faire plus de la politique que de la santé avec cette récurrence que l’on
constate dans toutes les crises avec des experts qui se mettent en avant pour
dire la bonne parole qui n’est plus alors que la leur.
Cette crise est donc devenue un champ d’affrontement
partisan dans la plupart des pays et qui dépasse souvent la simple
confrontation entre pouvoir en place et opposition.
Dans les régimes dictatoriaux ou autoritaires comme en Chine
ou en Biélorussie, on fait une véritable chasse aux sorcières où sont visés
tous ceux qui ne pensent pas comme il faut, c'est-à-dire qui n’épousent pas la
version officielle, demandent des comptes et livrent une autre narration de
l’épidémie et des responsabilités du pouvoir.
Dans les régimes démocratiques, on voit que la bataille a
largement débordée sur le terrain idéologique comme c’est le cas dans les deux
exemples que l’on va étudier plus précisément, la France et les Etats-Unis parce
qu’ils sont les plus emblématiques d’une impossibilité pour les politiques de
travailler ensemble.
Mais avant de nous pencher sur ces oppositions partisanes,
disons que la controverse a également frappé le monde de la médecine.
Pour ceux qui s’en étonnent et demandent pourquoi nombre de
spécialistes et de sommités se contredisent, voire se traitent de noms
d’oiseaux, rappelons que le milieu médical est, depuis toujours, un lieu
d’intense rivalités, à la fois sur nombre de questions scientifiques ou de
pratiques (la médecine, ne l’oublions pas, est d’abord un art avant d’être une
science) mais aussi, et de manière parfois pathétique, personnelles avec des
inimitiés et des égos qui n’ont rien à envier au monde politique!
Ajoutons à cela que les médecins, comme tous les autres
citoyens, ont légitimement des préférences politiques, voire sont parfois
engagés en tant que militants dans le combat politique.
Dès lors, quand ils mélangent les deux approches, ce n’est
certainement pas fait pour éclairer la population, surtout lorsqu’elle n’est
pas au courant de ce biais idéologique.
Ayant dit cela, voyons en quoi une telle crise sanitaire a
été si vite instrumentalisée politiquement que ce soit par la Gauche, la Droite
et le Centre.
Nos deux exemples, français et américain, sont représentatifs
de l’extrême polarisation partisane.
Que ce soit en France ou aux Etats-Unis, le débat a été très
rapidement phagocyté et instrumentalisé par la volonté de s’en prendre à l’autre
camp et à prétendre détenir la vérité face aux soi-disant mensonges de ses adversaires.
Bien sûr, on pense d’abord à Donald Trump qui a – après avoir
dénié la réalité de l’épidémie et attendu, selon ses propres termes, un «miracle»
pour qu’elle disparaisse – accusé les démocrates de l’avoir créé pour empêcher
sa réélection tout en estimant qu’il faisait un «travail fantastique» pour
lutter contre celle-ci.
Mais, en France, sous couvert de meilleurs traitements et de
vérités médicales, les controverses idéologiques ont rapidement pris le pas, en
particulier avec le remède proposé par le controversé professeur Raoult qui a
reçu le soutien de l’extrême gauche et de la droite face à un gouvernement qui
demandait les preuves scientifiques (et qui les attend toujours comme le corps
médical!)
Ce ne sont que deux exemples parmi beaucoup d’autres mais
qui représentent bien cette volonté de s’opposer à tout prix et à désigner le camp
adverse comme le responsable, sinon de l’épidémie, tout au moins de sa gestion.
Lentement mais sûrement, à coups de déclarations fracassantes,
des pétitions, de tribunes dans les médias, tout a été sujet à opposition
idéologique et/ou politicienne: traitements, vaccins, protections (masques, gel
hydroalcoolique), gestion des hôpitaux, gestion de la médecine de ville,
confinement et déconfinement, aides, application web de suivi des malades, etc.
Sans oublier évidemment la fameuse tarte à la crème du «monde
d’après», nouveau champ de bataille idéologique.
Comme si nous devions reconstruire une humanité dévastée qui
n’existe souvent que dans les rêves ou les cauchemars de doctrinaires et de
songe-creux en mal de reconnaissance, voire dans des opportunistes qui se repaissent
de toute crise qui passe pour tenter de donner vie à leurs fantasmagories ou,
tout simplement, pour obtenir une reconnaissance médiatique.
Et ils sont nombreux…
Une autre évidence est que, comme par hasard, les lignes de
démarcation ont immédiatement épousé avec une belle rectitude, celle de
l’échelle gauche-centre-droite et celle entre majorité et opposition.
Bien sûr, cette tendance n’a fait que s’accentuer d’autant
que la population veut dans son désarroi et de manière compréhensible des
réponses et des responsables même si les unes et les autres n’existent pas
toujours et que, de toute façon, elles et ils sont l’objet d’une propagande et
d’une désinformation qui empêchent toute clarification pour l’instant.
Il nous faudra du temps pour démêler le vrai du faux et dégager
un discours qui ne soit pas totalement contaminé par les idéologies et les partis-pris.
Reste que, ni en France, ni aux Etats-Unis, un consensus, sans
même parler d’union nationale ou même simplement de civilité bienveillante, n’a
vu le jour.
On ne parle pas de la scélératesse des extrêmes avec un
Mélenchon accusant le gouvernement et le président de la république d’avoir instauré
une dictature, lui l’amoureux transi de Chavez et Castro, ou avec une Le Pen
qui prépare un «livre noir» sur les «mensonges» des mêmes gouvernement et
président, mais simplement de la volonté manifeste de la Droite et de la Gauche
de tirer un bénéfice politique de la crise en critiquant toutes les décisions
de ceux-ci.
De même, ce n’est pas les propos scandaleux du courant radical
des conservateurs américains, accusant les liberals (tout ce qui n’est pas d’extrême
droite pour eux) de privilégier de sauver des vies plutôt que de sauver l’économie
nationale, qui montrent l’impossible unité outre-Atlantique, mais les réflexes
constants venus pour la plupart du Parti républicain de critiquer avec des arguments
populistes et démagogiques toutes les décisions prises par le camp adverse
(comme par exemple celles prises par les gouverneurs démocrates) en en espérant
un gain électoral et pour empêcher la dégringolade dans les sondages de Trump.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC