Une grossière erreur (volontaire?) qui a permis à tous les
ennemis de la démocratie de l’instrumentaliser afin de prendre le pouvoir grâce
à une majorité dans les urnes puis de supprimer cette même démocratie au motif
que les électeurs auraient voté dans ce sens.
En réalité, la démocratie est le règne de la liberté et de
l’égalité des chances, le tout dans le respect de chacun.
Et cela change tout.
Foin de «peuple» et de «majorité» pour la justifier.
Car, si elle ne dépend, ni du peuple, ni de la majorité pour
exister et fonctionner, la démocratie est alors le régime «naturel» qui ne peut
être supprimé car ce «naturel» est sa reconnaissance indépassable en dehors
même de tout élément extérieur à l’individu.
Pas naturel au sens qu’il existe dans la nature mais parce
qu’il est celui où l’individu est le mieux à même de se réaliser et de vivre sa
vie, ce qui permet à la communauté d’être la plus équilibrée possible.
Ce «naturel» s’exprime, dans le cadre de la société par
cette notion fondamentale issue des Lumières, les «droits de l’humain» (que
certains, dans une démarche aussi vieillotte que misogyne continuent à appeler
«droits de l’homme…).
Ces droits sont attachés à l’humain indépendamment de son
appartenance à la société et sont donc «naturels» en ce qu’ils préexistent à
cette appartenance et ne peuvent donc pas être supprimés par ladite société,
même par une décision «démocratique» à la majorité, plus, même par un vote
unanime car elle ne dépend pas du bon vouloir d’une communauté, fut-elle
unanimement d’accord pour se passer de ces droits mais bien de ce qui constitue
l’individu lui-même et, à ce titre, ne peut lui être retirer ou dont on peut le
priver parce que ce serait le nier dans son individualité.
Si l’on utilise le terme de «droits» pour qualifier les attributs
spécifiques qui s’attachent à l’humain pour mieux les considérer comme
irréfragables, inattaquables et incontestables, qu’il n’est pas possible et
permis de supprimer, c’est afin de les protéger et de garantir l’essence même
de ce qu’il est qui est, bien entendu, au-delà même d’une simple notion
juridique.
Ceci a une conséquence primordiale.
Ainsi, quel que soit le résultat d’une élection, celle-ci ne
peut jamais aboutir à la suppression du droit de vote et de la liberté
d’expression de même qu’aux droits fondamentaux de l’humain (que l’on appelle
communément «droits de l’homme»).
Droits de l’humain qui sont la bête noire de tous les
adversaires de la démocratie qui ne manquent jamais de les attaquer au motif fallacieux
qu’ils seraient soi-disant des dangers pour la cohésion de la communauté (alors
que ce sont leur dévoiement qui en sont la cause).
Toute société qui déciderait ces suppressions serait donc
illégitime et l’individu serait en droit de se révolter et de lui résister.
D’où d’ailleurs l’existence de nombreux régimes illégitimes
sur la planète.
Cela signifie également que quelle que soit la faction qui
l’a emporté, elle doit garantir les libertés de la minorité et revenir devant
les électeurs aux dates prévues par les textes dont la constitution.
Aucune majorité n’est donc légitime à supprimer la
démocratie mais aucune minorité, non plus, n’est légitime à bloquer le
fonctionnement de la démocratie.
Car c’est bien la majorité qui gouverne et aucune minorité
ne peut lui dénier ce pouvoir issu des urnes si il est exercé conformément aux
règles démocratiques générales (qui sont souvent contenues dans des
constitutions ou des lois dites fondamentales mais qui peuvent être également
implicites dans celles-ci).
Ces règles sont celles que j’ai explicité plus haut, c'est-à-dire
toutes celles qui garantissent l’existence d’une démocratie et qui en font le
régime «naturel».
Cela signifie que tous ceux qui ne respectent pas ces règles
se mettent «hors la loi», non pas parce qu’ils transgressent des normes mais
parce qu’ils dénient à chacun ses droits et ses libertés, c'est-à-dire la Loi
avec un grand L du respect de la dignité humaine.
Nous ne sommes pas dans une sorte de débat idéologique mais
dans le très concret de ce qu’est la démocratie et qui la rend «naturelle»: la
possibilité de chacun de vivre son projet de vie dans le cadre de lois qui lui
garantissent ses droits et ses libertés.
Les adversaires de la démocratie prétendent qu’ils ont le
droit de la détruire, notamment s’ils sont majoritaires parce que la démocratie
n’est qu’un régime politique comme un autre, donc qu’il n’a aucune légitimité
supérieure.
Voilà bien une prétention qui est aussi surréaliste que
d’affirmer avoir le droit de tuer parce que la vie et la mort sont deux états
de l’individu sur Terre et que la vie ne saurait avoir une légitimité
supérieure…
Comme la vie de chaque individu que la société se doit de
protéger, elle se doit de respecter et protéger sa dignité et son
individualité.
C’est en cela que la démocratie est un régime «naturel» et
c’est en cela que la société doit empêcher que l’on confisque à tout individu
sa dignité et son individualité comme interdire qu’on lui confisque sa vie.
Parce que le tenant de régimes autoritaires ou totalitaires
estime que son droit et sa liberté lui permet de supprimer ceux de l’autre,
donc il s’estime plus important que cet autre, plus égal que tous les autres.
On comprend bien l’inanité d’un tel raisonnement qui ne
s’appuie sur aucune légitimité autre que la capacité à être plus fort et plus
violent, donc à imposer une volonté à un autre qui n’est pas la sienne.
Dès lors, ce n’est qu’en respectant chacun dans ses droits
et ses libertés que l’on respecte son individualité, donc sa nature profonde.
C’est en cela que la démocratie est le régime «naturel».
Cela ne signifie malheureusement pas qu’elle est
indestructible.
Non, elle est aussi fragile que la nature, aussi à la merci
de sa destruction par certains.
Comme la nature, elle doit donc être protégée des actions
humaines qui peuvent l’anéantir.
Il ne faut donc pas faire une interprétation erronée de ce
que j’entends par «naturel» en ce qui concerne la démocratie.
Il ne s’agit pas de justifier la démocratie par la nature
humaine ou par les comportements humains en prétendant que ce régime serait le
plus adaptée à celle-ci et à ceux-là.
Parce qu’alors, comme Hobbes ou Platon, on pourrait trouver
toutes les objections à la démocratie démontrant que les humains ne sont pas
faits pour la liberté dans la responsabilité et avancer de multiples raisons
fort convaincantes parfois.
Non, le côté naturel de la démocratie n’est pas dans ce
qu’il est au plus près de ce qu’est l’humain avec toutes ses qualités mais
aussi ses défauts, ses capacités et ses manquements.
D’autant qu’il est évident que si l’on établissait un régime
en rapport aux comportements humains sans médiation d’une autorité de
«régulation», il y a fort à parier que nous ne serions pas dans en démocratie…
Sans oublier que, sans être défendue, la démocratie ne peut
survivre.
Le «naturel» vient de ce qu’elle est le seul système capable
d’offrir à tous un cadre qui leur permettent le meilleur vivre ensemble dans la
liberté de chacun, c'est-à-dire dans la possibilité de chacun d’être au mieux
ce qu’il est et ce qu’il veut être.
D’autres systèmes permettent à certains de se réaliser
pleinement, voire, peut-être à la communauté de bénéficier d’avantages de
meilleure qualité que ne peut offrir la démocratie.
Mais aucun d’entre eux n’est en capacité d’offrir à tous,
sur un pied d’égalité, la possibilité de construire et mener son projet du
mieux possible.
Ici, je suis bien conscient de l’objection principale qui va
être faite à cette thèse: la réalité actuelle de la vie dans les pays
démocratiques ne démontre pas de manière indiscutable qu’elle permet réellement
d’offrir cette capacité.
Oui, c’est vrai mais c’est aussi vrai que ces pays ne sont
pas des modèles de démocratie, c'est-à-dire qu’ils sont des démocraties
inachevées ou des pays où le processus démocratique n’a pas encore fini de
structurer correctement la société.
Cette réalité n’empêche pas que, dans l’absolu, la
démocratie avec ses règles, ses valeurs et ses principes, soit le meilleur
système possible et le seul qui puisse revendiquer le qualificatif de «naturel»
en regard de ce qu’il est le seul à pouvoir offrir à tous ceux qui vivent sous
son régime d’être en possibilité d’utiliser au mieux pour ses intérêts et ceux
de la communauté, son individualité.
A contrario, on voit bien que les régimes autoritaires et
totalitaires n’ont rien d’humaniste en ce qu’ils créent des coercitions
empêchant l’individu de pouvoir se réaliser en toute liberté et en toute
responsabilité.
Dès lors, il est également possible de qualifier par ce
biais, la démocratie de naturelle tout simplement parce qu’aucun régime qui lui
est opposé ne peut avoir cette qualité, pire, est à l’opposé de pouvoir y
prétendre.
Par quelque bout qu’on prenne cette problématique, on abouti
toujours à ce que la démocratie est bien «naturelle» mais qu’elle est aussi le
seul régime politique naturel.
Ce rappel n’est pas inutile en ce début de troisième
millénaire où la démocratie est attaquée de toutes parts avec la montée du
populisme et de l’autoritarisme mâtinés de nationalisme qui revendiquent être
les seuls à même d’incarner le peuple et la nation.
Car, même si cette imposture était vraie, elle ne changerait
rien en ce que la démocratie est le seul système de gouvernement légitime dans
le monde, hier, aujourd’hui et demain, parce qu’il est le seul qui garantisse à
chaque individu d’être ce qu’il est dans le respect de l’autre, de ce qu’il est
et de son existence.