Regards Centristes est une série d’études du CREC qui se penchent sur
une question politique, économique, sociale ou sociétale sous le prisme d’une vision
centriste. Vingtième numéro consacré au positionnement
du Centrisme face au respect de l’enfant et à ses droits.
Le Centrisme est un humanisme d’où son intérêt pour l’enfant,
personne à part entière, et son statut dans la société en tant que personne
particulière.
De cela il affirme que l’enfant a des droits inaliénables,
qu’il a droit au respect.
Ce respect s’articule autour de deux notions indissociables:
le devoir impératif de sa protection par la société et la garantie qu’elle lui
permette de vivre son individualité dans la dignité et la reconnaissance.
De celles-ci découlent un certain nombre de droits
inaliénables contenus, entre autres, dans la Convention internationale des
droits de l’enfant (CIDE) adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le
20 novembre 1989 (et entrée en vigueur le 2 septembre 1990).
Dans son préambule elle proclame que «l’enfance a droit à
une aide et une assistance spéciales».
Cette convention a été évidemment une victoire majeure pour
le statut de l’enfant et entre complètement dans le champ du combat humaniste
que porte le Centrisme.
C’est une évolution essentielle pour la reconnaissance d’un
temps de l’enfance spécifique et pour la protection des enfants dans le monde
entier. Elle a, de plus, permis de faire progresser de manière décisive la
vision de la société sur l’enfance qui n’est plus perçue aujourd’hui comme une
condition de «petite personne» face au monde des grandes personnes mais comme
composée de personnes à part entière qui ne dépendent pas, pour leurs droits,
du bon vouloir des adultes.
Si les centristes sont très attachés à cette convention et à
la protection des enfants en général, c’est parce qu’ils sont des humanistes
avant tout. Ainsi, les deux courants principaux du Centrisme, le libéralisme et
la démocratie-chrétienne mettent en avant la reconnaissance de l’enfant comme
une personne.
En plaçant la liberté et les droits qui en découlent comme
son principal étendard, le libéralisme œuvre pour l’émancipation de l’enfant et
demande à ce qu’il jouisse des mêmes droits que les adultes autant qu’il est
possible de le faire. En s’appuyant sur la parole de Jésus et cette fameuse
sentence aux apôtres qui s’interposaient entre lui et des enfants, «Laissez les
petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi; car c’est à leurs pareils
qu’appartient le Royaume des Cieux» (Evangile selon Saint-Matthieu), la démocratie-chrétienne
s’est toujours montrée attentive à la protection de l’enfance et au statut
central de l’enfant dans notre humanité. De plus, de par son attachement au
personnalisme (individu doté de droits et inséré dans la communauté), elle a
fait une place particulière à l’enfant dans son combat politique.
Mais si les droits reconnus aux enfants dans cette
convention sont fondamentaux, une plus grande avancée pourrait se produire si
un respect de l’enfant et de l’enfance existait réellement. Car, tant dans la
condition des enfants que dans la place qu’on leur fait dans la société, non
seulement beaucoup de droits reconnus dans la convention demeurent lettre morte
ou vœux pieux mais la protection effective des enfants demeurent souvent un
exercice de rhétorique qui se traduit peu dans les faits à travers le monde
alors que tous les pays de la planète ont ratifié ce texte (à l’exception de la
Somalie et… des Etats-Unis).
En France demeure une indigne pauvreté qui touche nombre d'enfants.
De même, les violences faites aux enfants sont encore excessivement nombreuses
et l’on attend encore la mobilisation de toute la société pour les éradiquer le
plus possible. Ainsi, on s’aperçoit que la plupart des enfants maltraités ne
sont pas signalés aux autorités compétentes, ce qui aboutit à des drames
terribles. Quant à reconnaître que l’enfant est une personne et qu’il peut décider
ou être acteur de la décision qui le concerne, cela reste bien souvent virtuel
quand ce n’est pas totalement exclu pour des motifs contestables. Sans parler
du monde que nous laisserons à nos enfants où la violence, la pollution et le
pillage des ressources naturelles ainsi que la pauvreté en sont les craintes
majeures.
Tout cela témoigne, au mieux, d’un inintérêt pour l’enfant,
son présent et son futur, au pire, d’une irresponsabilité et d’un irrespect
impardonnables qui impactent l’enfance des personnes en détresse mais aussi
toute leur vie d’adulte. Pourtant, selon certains, l’enfant serait roi dans nos
sociétés occidentales. Ce qui fait beaucoup rire (jaune) tous ceux qui
s’occupent des enfants, notamment de ceux qui vivent dans le désamour, la
maltraitance et dans la pauvreté. Comme le rappelle le sociologue François de
Singly, «l’enfant a changé d’identité non parce que les adultes s’inclineraient
devant l’enfant-roi, mais parce que tout individu jeune ou non est ‘roi’ dans
une société individualiste».
Il reste donc de nombreux combats à mener pour les enfants
même si l’on peut se féliciter des avancées faites depuis le début du XX°
siècle. Toutes celles qui restent à faire ainsi que la pérennité de celles qui
ont été faites passent et passeront par ce respect, cette valeur essentielle
que les centristes doivent mettre au cœur de leur projet politique et sociétal.
Mais il faut des décisions politiques fortes qui ne sont pas
au rendez-vous, parfois même on assiste à des régressions.
Ainsi, par exemple, après la suppression de «défenseur des
enfants» par Nicolas Sarkozy (qui n’est plus qu’un adjoint du défenseur des
droits depuis 2011) il n’existe plus de ministère de l’Enfance actuellement
mais seulement un secrétariat d’Etat à la Protection de l’enfance (qui a été
créé avec un retard coupable par Emmanuel Macron qui n’avait pas souhaité la
mise en place d’une administration particulière lors de sa prise de fonction en
2017) avec cette réduction de l’enfant dans les sphères publique et privée à sa
simple protection et non à son émancipation qui passe, à la fois, par sa protection
mais aussi par l’étendue de ses droits et de ses capacités à pouvoir concrètement
les pratiquer.
C’est loin d’être le cas en France où, s’appuyant sur les
valeurs qui le fondent, le Centrisme demande que de nouvelles avancées soient
faites dans ce domaine et que les textes soient réellement appliqués et non
montrés comme des trophées qui n’ont aucune réalité dans la vie quotidienne.
Mais cela n’est pas suffisant.
Afin de respecter les enfants et
leurs droits, comme l’explique un document de l’UNICEF de 2009 toujours aussi
pertinent et d’actualité, il convient ainsi de prendre en compte
systématiquement «l’intérêt supérieur des enfants en tant que critère primordial
de gouvernance» dans toutes les décisions politiques:
«Chaque aspect de la gouvernance peut
affecter les droits de l’enfant. Que les décisions concernent la fiscalité ou
le commerce, la diplomatie ou l’endettement, il n’existe pas de politique, loi,
budget, programme ou plan qui soit ‘neutre pour les enfants’. Le premier défi
pour les États parties consiste donc à évaluer les conséquences sur les enfants
de toute la gamme de leurs actions législatives et administratives. Le second
consiste à s’assurer que les budgets, politiques et programmes appliquent les
principes de la Convention sous tous ses aspects. Au niveau national, les
budgets et les programmes, en particulier, devraient classer par ordre de
priorité les services qui sont essentiels pour faire respecter le droit des enfants
à la survie, au développement, à la protection et à la participation. Ces
efforts devraient permettre de mobiliser et coordonner les ressources des secteurs
publics et privés tout en surveillant la situation des droits de l’enfant à
l’intérieur des pays et des communautés. Dans la coopération pour le
développement, les pays donateurs et les pays récipiendaires doivent examiner
si l’aide se révèle efficace pour les enfants. Dans les districts et les communautés,
les administrations locales doivent veiller à ce que les initiatives de développement
favorisent l’inclusion et la participation et que les opinions des femmes et
des enfants soient prises en compte dans les lois, pratiques, politiques et programmes.
Le renforcement et l’application
des lois en faveur des droits de l’enfant représentent un autre défi. Il sera
peut-être nécessaire à cette fin de créer au sein des gouvernements des structures
permanentes chargées de promouvoir les droits de l’enfant et de coordonner les
mesures prises entre secteurs. La promotion de responsables indépendants
chargés des droits de l’homme, comme des médiateurs pour les enfants par
exemple, peut également renforcer le suivi des droits de l'enfant à l’intérieur
des pays et des communautés. Une meilleure compréhension de la situation des
enfants, reposant sur des preuves tirées de données, de recherches et de
l’évaluation, est aussi un élément capital pour évaluer l’efficacité de la mise
en œuvre de la Convention.»
On assiste même à des retours en arrière souvent affligeant
avec la mode pour ces «spécialistes» qui viennent délivrer un discours
rétrograde faisant la part belle à l’irresponsabilité de l’enfant (alors qu’il
s’agit bien de l’irresponsabilité des adultes à son encontre), au besoin de remettre
de l’autorité dans son éducation (il est nettement plus facile de punir plutôt que
de comprendre et d’accompagner en diffusant et transmettant des valeurs humanistes,
notamment, par des comportements adéquats), à refuser de le considérer comme un
citoyen égal à tous les autres.
Il faut donc, au plus vite, remettre l’enfant au centre de
la politique avec une administration dédiée à ses droits et à sa protection
mais aussi de mener toute une réflexion sur les politiques publiques qui
fassent de l’enfant une personne et non un être en devenir qui, certes, à des
spécificités propres mais qui n’est pas moins un individu à part entière.
C’est tout le fondement d’une politique de l’enfance
centriste.
Comme l’écrivaient dans une tribune publiée en novembre 2019
dans Le Monde, Claire Brisset, ancienne Défenseure des enfants et Jean-Pierre Rosenczveig,
ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny:
«Il faut en France un ministre de l’enfance, pas de la ‘protection
de l’enfance’. L’enfance doit (re)devenir un objet à part entière des
politiques publiques. Ne fût-ce que pour donner sens et cohérence à nombre
d’initiatives intéressantes: lutte contre la pauvreté, scolarisation à 3 ans,
dédoublement des classes… Pour beaucoup, les plus jeunes restent incapables de
penser et d’exprimer un point de vue. L’Etat doit redevenir crédible aux yeux
des collectivités territoriales et du secteur associatif, en assumant ses
propres responsabilités. On n’y tend pas et notre droit reste centré sur
l’adulte. L’enfant n’est pas seulement ‘l’avenir de l’homme’, il est ici et
présent.»
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
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