Valéry Giscard d’Estaing |
Ce sont évidemment les trois principales formations centristes et centrales ainsi que leurs leaders respectifs qui sont celles et ceux qui se réclament le plus du giscardisme et se posent en légataires, dépositaires ou continuateurs de ce courant de pensée politique: l’UDI (avec Jean-Christophe Lagarde), le MoDem (avec François Bayrou) et plus étonnamment, LaREM (avec Emmanuel Macron).
Pour savoir qui peut légitimement se prétendre héritier (et s’il y en existe un), il n’est pas inutile de rappeler quel était réellement le positionnement de celui que l’on surnommait Giscard ou VGE, au choix.
L’homme a toujours été libéral et de droite, en témoigne son parcours politique mais également les formations politiques auxquelles il a appartenu ou qu’il a créées ainsi que ses alliances politiques.
Pour autant, il a également était un moderniste et un progressiste, tout au moins dans la première partie de sa carrière politique, ce qui lui permettrait aujourd’hui d’être à la droite de l’axe central qui réunit les réformateurs libéraux de droite, les libéraux réformateurs de gauche et les libéraux sociaux progressistes du centre.
Ce positionnement lui conduisait à plutôt faire alliance avec la droite et de faire partie de la majorité qui soutenait le Général de Gaulle jusqu’en 1969 puis Georges Pompidou jusqu’en 1974, date à laquelle il a été élu président de la république avec les partis gaullistes et quelques formations de droite et de centre-droit.
Mais allié ne veut pas dire identique à cette droite plutôt nationaliste et conservatrice qui, in fine, caractérisait principalement les majorités gaullistes et leurs leaders.
Dès lors, il lui fallait agréger autour de lui les forces libérales et progressistes du pays jusqu’à la frontière de gauche représentée par le Parti socialiste et les Radicaux de gauche qui, à l’époque, avaient signé avec le Parti communiste, le Programme commun de gouvernement.
C’est en ce sens qu’il s’est tourné vers le Centre dont il n’était pas issu et dont son parti, les Républicains indépendants était assez éloigné, ne comptant guère de centristes en son sein, certains de ses membres se trouvant même à la droite de la Droite comme un Roger Chinaud.
Mais son libéralisme tempéré et son progressisme réel ainsi que sa volonté de réformer la France et la faire entrer dans le modernisme, sans oublier son européanisme, attira à lui l’entière galaxie centriste (une partie avait déjà rejoint Pompidou entre 1969 et 1974) avec ses figures emblématiques de l’époque comme Jean Lecanuet ou Jean-Jacques Servan-Schreiber.
C’est d’ailleurs ces derniers qui furent à l’origine de l’UDF, cette union de partis dans une confédération dont l’objectif – comme LaREM pour Emmanuel Macron aujourd’hui – était d’être le parti présidentiel derrière Giscard.
L’UDF, créée en 1978 avant les élections législatives, pouvait être une sorte de condensé de l’axe central de l’époque mais sans la frange sociale-libérale de gauche et avec un résidu d’une droite dure.
Reste que son ancrage au centre (et non du Centre) était sa réalité.
Dans le même temps, Valéry Giscard d’Estaing se positionna comme celui qui voulait réunir autour de lui deux Français sur trois, donc d’être central à défaut d’être centriste (étiquette qu’il ne revendiqua d’ailleurs jamais formellement comme c’est le cas d’Emmanuel Macron).
Pour autant, il est considéré comme le premier président centriste de la V° République par certains comme Macron est considéré comme le deuxième et qu’un parallèle entre les deux hommes est fait et ne manque pas d’arguments convaincants même si, ne l’oublions pas, le premier vient de la Droite et le second de la Gauche.
Enfin, il ne faut pas évacuer la fin de carrière politique de VGE qui revint vers la Droite (il adhéra même à l’UMP de Jacques Chirac et soutint Nicolas Sarkozy) et s’affirma in fine plus conservateur que libéral mais en ne reniant jamais ses réformes passées ainsi que son attachement à la construction européenne (en témoigne la «Constitution européenne» rédigée sous sa direction et signée par les chef d’Etat de l’UE en 2004 mais rejetée par référendum par les Français et les Néerlandais en 2005).
Dès lors, où se trouve principalement les héritiers du giscadisme?
Sans doute d’abord à l’UDI.
Cette formation créée en 2012 par Jean-Louis Borloo et actuellement dirigée par Jean-Christophe Lagarde a été bâtie à l’image de l’UDF première mouture, en tant que confédération réunissant plusieurs partis allant de la droite dure (CNIP) au centre-gauche (La gauche moderne) en passant par la droite modérée (Territoires en mouvement, Part libéral démocrate) le centre-droit (Parti radical puis Nouveau Centre qui rejoint la confédération plus tard), le centre (Force européenne démocrate et Alliance centriste) plus quelques transfuges de l’UMP et du MoDem.
Cela donna alors un melting pot politique qui se positionnait, en plus, exactement sur la même ligne que l’UDF.
D’ailleurs, l’UDI recevra un message d’encouragement de Valéry Giscard d’Estaing mais ce dernier demeurera membre de l’UMP ce qui montre que l’ancien président de la république était passé à autre chose (et ne portait pas en son cœur beaucoup des membres de l’UDI comme c’était le cas avec le MoDem et, en particulier, François Bayrou).
Le problème est que l’UDI n’est plus aujourd’hui une UDF bis, ayant perdu pratiquement toute sa diversité et étant devenue un parti monolithique qui se trouve sur une ligne politique entre droite et centre-droit sous la houlette de Jean-Christophe Lagarde.
Néanmoins, elle reste celle qui a le plus de ressemblance avec l’UDF telle que voulue par Giscard ce qui n’est pas le cas du MoDem beaucoup plus démocrate-chrétien et ayant un certain tropisme social-démocrate ou que LaREM dont une grande partie de la culture politique vient de la gauche (même si sa diversité la rapproche de l’UDF ce qui n’est pas le cas du MoDem à la ligne politique aussi monolithique que celle de l’UDI).
En revanche, au niveau des dirigeants de ces formations, ce ne sont, ni Lagarde, ni Bayrou qui ont une proximité avec VGE mais bel et bien Emmanuel Macron avec son «en même temps» qui se propose de réunir ces «deux Français sur trois» de la formule giscardienne.
De même, le but poursuivi par Emmanuel Macron et proche de celui de Valéry Giscard d’Estaing, mettre la France à niveau de la modernité et capable de lutter à armes égales avec les autres pays majeurs de la planète tout en approfondissant l’Union européenne dans un sens plus fédéral et intégrateur.
C’est d’ailleurs en ce sens – qui n’a rien d’une récupération politicienne – qu’il faut écouter et lire les hommages appuyés de l’actuel hôte de l’Elysée à son prédécesseur car ils sont tous les deux centraux même si Macron est plus centriste que Giscard.
Et, d’une certaine façon, Giscard est un inspirateur de Macron et Macron un continuateur de Giscard.
C’est comme cela qu’il faut comprendre ce passage de l’hommage de l’actuel président à l’ancien:
«Au moment où se tourne, avec la mort du président Giscard d’Estaing, une page de l’Histoire de notre pays, soyez sûrs que je mettrai avec vous tout en œuvre pour faire vivre cette flamme du progrès et de l’optimisme qui ne cessa de l’animer. »
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
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