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François Bayrou |
François Bayrou n’en démord pas, il veut
la proportionnelle pour les prochaines élections législatives qui suivront la
présidentielle de 2022.
Comme les choses n’ont pas bougé depuis l’élection
d’Emmanuel Macron voici trois ans et demi malgré les promesses de ce dernier d’instiller
une dose plus ou moins grande de proportionnelle dans la loi électorale, le
leader du MoDem a décidé de tenter de lui forcer la main avec une campagne qu’il
orchestre en sous-main et menée frontalement par son parti.
Lors de plusieurs entretiens récents dans
les médias, il est revenu sur cette question de manière récurrente et la
dernière fois dans les colonnes du Monde de ce jour (lire ses propos ci-dessous).
Le centriste plaide désormais –parce qu’il
n’est plus possible de changer le découpage des circonscriptions à un an et demi
du scrutin – d’appliquer le système retenu par François Mitterrand en 1986, c’est-à-dire
la proportionnelle par département avec un seuil de 5% pour avoir des élus.
Le problème est que personne ne sait si
Macron souhaite rouvrir le débat sur la proportionnelle dans le contexte de
crise sanitaire et économique actuelle et après le mouvement de foule des
gilets jaunes, surtout s’il est favorable à l’initiative de Bayrou qui semble
avoir choisi de monter au combat pour forcer la main du pouvoir exécutif et
rallier le plus de députés possibles pour réussir à faire voter un texte le
plus rapidement possible alors que cette question ne semble pas à l’ordre du
jour du gouvernement.
S’il faut reconnaitre que le président du
Mouvement démocrate se bat depuis toujours pour l’instauration d’une dose de
proportionnelle pour les législatives, il faut rappeler que ses propositions
sur le système et la dose exactes à adopter, ont varié dans le temps en fonction
des résultats que pouvaient obtenir son parti qui, rappelons-le, a une force
électorale autour de 9%-10%.
Et il semble évident qu’il veut, pour
2022, être en position de juge de paix de la majorité présidentielle si celle-ci
gagne et leader de l’opposition si elle perd – et être un des animateurs de la
campagne électorale – ce que le scrutin proportionnel peut lui permettre,
notamment en gagnant en autonomie alors même que tous les députés du groupe
MoDem à l’Assemblée nationale doivent leur siège à Emmanuel Macron.
Au-delà de ses troupes, il pourra compter
sur celles du RN et de LFI ainsi que sur un nombre indéterminé de députés LaREM
pour que son initiative se concrétise.
Mais le dernier mot reviendra, de toute
façon à Emmanuel Macron.
► Voici les propos de François Bayrou
dans Le Monde:
- Est-il encore temps, à vos yeux, de réformer le mode de
scrutin législatif à moins d’un an et demi de l’élection présidentielle?
Cette crise est, de très loin, la plus grave depuis la guerre. L’urgence
absolue, c’est évidemment la solidarité et la reconstruction de notre économie.
Mais pour sortir de ce drame, il faut aussi retrouver la confiance du pays. Or,
l’explosion de l’abstention, les « gilets jaunes », les
manifestations parfois violentes, c’est une terrible perte de confiance à
laquelle il faut répondre.
- Quelles sont pour vous les causes d’une telle crise ?
Le déséquilibre qui donne tous les pouvoirs aux uns et aucun aux autres. Le
président de la République élu au suffrage universel est le pivot de nos
institutions. Il détient d’immenses pouvoirs. Et c’est juste. Mais des
élections législatives dans la foulée de l’élection présidentielle, organisées,
elles aussi, en 577 scrutins majoritaires, cela aggrave le déséquilibre.
Les vainqueurs ont tout, les minoritaires presque rien. Marine Le Pen, dont
tout le monde sait que je ne partage pas les idées, a recueilli 34 % des
voix au second tour de l’élection présidentielle et revient à l’Assemblée avec
six sièges, 1 % de la Chambre ! En 2007, j’avais obtenu quelque
19 % des voix au premier tour et nous avons eu trois députés. En termes de
justice, cela a un effet désastreux. Pour les électeurs non représentés, les
élus ne sont plus légitimes. Et c’est tellement brutal que toute vie politique
pacifiée devient impossible. Les oppositions sont amenées à ne jouer qu’en
contre. La majorité croit qu’elle peut passer en force. Dès qu’elle le fait,
comme le débat est disqualifié, c’est dans le pays que se lève la révolte. Et
donc tout est bloqué.
- Dans un pays confronté à une crise sanitaire, économique,
sociale et psychologique, cette question est-elle un sujet de préoccupation
pour les citoyens ?
Pour affronter une crise aussi grave, la première condition est de réunir les
forces du pays. Or, ce système politique rend toute réunion impossible. Il faut
donc le changer.
- Il paraît impossible, compte tenu des délais, d’opérer un
redécoupage des circonscriptions électorales. Dès lors, comment procéder ?
Il n’y a qu’une possibilité réaliste, c’est la loi qu’avait fait voter François
Mitterrand : un scrutin départemental, à la proportionnelle, avec un seuil
à 5 % des suffrages exprimés. L’enracinement des élus est assuré par le
lien avec le département. Et je rappelle qu’en 1986, avec ce scrutin, il y
a eu une majorité. Les critiques crient à la IVe République. Ils
réfléchissent toujours comme si c’était à l’Assemblée que se formaient les
gouvernements. Or, de Gaulle, dans son discours fondateur, à Bayeux,
en 1946, résout cette question : dans les institutions nouvelles,
dit-il, le pouvoir ne proviendra pas du Parlement et des jeux partisans, il
sera détenu par le président de la République. C’est lui qui formera le
gouvernement « en tenant compte des nuances de l’Assemblée
nationale ». Et il a toutes les armes pour empêcher les blocages
ultérieurs.
- Quelles armes ?
Il forme et dirige le gouvernement dont aucune décision ne peut être prise sans
son accord, le gouvernement est protégé par le 49-3, le président a le pouvoir
d’organiser un référendum et il peut dissoudre l’Assemblée. L’instabilité est
devenue impossible.
- Où en est l’état des réflexions au sein de la majorité
présidentielle sur ce sujet ?
Cette ouverture à une loi électorale juste est dans le programme présidentiel.
Sans doute y a-t-il des gens moins convaincus. Mais ceux qui pensent comme moi
que c’est un sujet vital pour la nation, pour qu’elle retrouve une démocratie
de confiance, ceux-là doivent prendre les choses en main.
- Qu’envisage le président de la République ?
Je sais que c’est une réflexion importante pour lui. Mais on ne peut pas
attendre du seul président de la République qu’il impose une loi électorale. Au
début du quinquennat peut-être. Mais, aujourd’hui, il serait accusé de
manœuvre. Pour que les Français soient assurés de l’honnêteté de la démarche,
il faut donc que l’initiative vienne de la base, des forces politiques du pays,
y compris les minoritaires. Je suis pour une initiative commune des forces
politiques intéressées, majorité ou opposition, sans exclusive. C’est
l’assurance que personne ne pourra mal interpréter cette décision.
- Ce changement sera-t-il porteur d’une recomposition
politique ?
C’est en tout cas le seul moyen de former les larges rassemblements dont le
pays a besoin pour vaincre cette crise.
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