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lundi 23 novembre 2020

Vues du Centre. Populisme: bataille perdue pour son soldat Trump mais victoire dans sa guerre contre la démocratie?

Par Alexandre Vatimbella et Aris de Hesselin

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.           
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste.
Alexandre Vatimbella est le directeur du CREC.   

Partisans armés de Trump
Le chiffre est là, brut de décoffrage, glaçant: autour de 74 millions de voix (soit autour de 47% des suffrages exprimés) se sont portées sur un populiste démagogue haineux lors de la présidentielle américaine.

Et si Donald Trump a perdu sans l’ombre d’un doute par un écart qui devrait se situer au-dessus de six millions de voix, n’en déplaise à tous les adversaires de la démocratie dans le monde, de monsieur Poutine à madame Le Pen qui refusent de reconnaître la victoire de Joe Biden – ce qui en dit long sur ce que fera la cheffe du RN lors de la prochaine présidentielle en France si elle perd, pire, ce qu’elle ferait si elle gagnait –, est-ce bien le cas du populisme?

La réponse est, à la fois oui et non mais plutôt non que oui!

Explications.

D’abord sur la performance électorale de Trump, bien meilleure que prévue par les sondages, les politistes et autres politologues même si, une nouvelle fois, au fur et à mesure que tombent les résultats, l’écart se rapproche de ce qu’il avaient prévu.

Un score des plus étonnants (des millions de votes supplémentaires par rapport à 2016) puisque, comme le rappelle fort justement le magazine Time, sa campagne a été désastreuse (trop clivante, sans programme, géré par des incompétents, ne s’adressant qu’à sa base fanatisée), les résultats de sa présidence catastrophiques, son personnage indigne avec ses mensonges, ses insultes, ses compromissions et maintenant ses attaques frontales contre la démocratie, d’autant qu’il n’a jamais réussi au cours des quatre ans de son passage à la Maison blanche a obtenir au moins 50% d’avis favorable dans les baromètres de popularité.

Oui, Trump a été battu mais il a fait mieux que résister.

Certains affirment même que sans la crise de la covid19 et le fait qu’il ait attrapé le virus –  qui sont selon eux les raisons principales de sa défaite –, il aurait pu être réélu ce qui semble quelque peu exagéré puisque les sondages d’avant l’épidémie le donnaient déjà largement distancé par le centriste Joe Biden même si cela aurait pu être le cas.

Néanmoins, pour atténuer cette étonnante constatation, il parait illusoire de prétendre qu’il aurait pu gagner le vote populaire et aurait donc «volé» une deuxième fois la victoire au peuple à l’aide d’un système électoral indigne d’une démocratie moderne.

Reste que l’évidence est là: cette élection a démontré l’existence d’un pourcentage important de la population américaine – beaucoup plus élevé qu’on ne l’estimait jusqu’alors – sensible au populisme, à l’extrémisme, aux thèses conspirationnistes, voire même militante, prête à voter pour des aventuriers de la politique et à les soutenir au-delà d’une simple adhésion partisane, afin de crier sa haine et sa rage de la démocratie quand elle ne va pas dans son sens et ses uniques intérêts.

Et c’est là que le populisme, dans ce marigot, peut, en toute liberté, fleurir, grossir et essaimer comme il l’a déjà fait et s’apprête à le faire aux Etats-Unis mais aussi dans d’autres démocraties.

Si, évidemment, ce populisme ne date pas de l’ère Trump, ni même de l’ère du Tea party (né en 2009, essentiellement en réaction à l’élection d’un président noir, Barack Obama) ou de celle du reaganisme ou de la présidence de George W Bush, ni même des dérives républicaines depuis l’ère Nixon puisque, déjà, en 1964, le candidat républicain à la présidence, Barry Goldwater, maniait le populisme et l’extrémisme dans un rhétorique qui lui permit de gagner la primaire de son parti, ce premier quart du XXI° siècle marque une remontée en puissance d’un phénomène que l’on avait pas connu aussi important dans le monde depuis les années 1930 et dont les Etats-Unis n’ont jamais été à l’abri, bien au contraire, car il est consubstantiel à la vision même d’une nation qui promeut aussi fortement la suspicion envers toute forme de gouvernement (et les élites) et met un tel point d’honneur à honorer dans son imaginaire tous les malfrats qui ont défié les lois, de Jesse James à Al Capone, véritables icônes populaires au moment de leurs méfaits et encore aujourd’hui ainsi que ceux qui ont fait fortune quels que soient les moyens employés.

Sans oublier que cet imaginaire prend appui sur la révolte des colons contre le pouvoir du roi d’Angleterre en 1776 qui, par certains aspects, était populiste, révolte qui déboucha sur l’indépendance du pays.

Dès lors, on ne peut parler d’une défaite pour le populisme même si le réveil des défenseurs de la démocratie qui se sont rendus aux urnes pour voter en masse est un revers pour un mouvement qui, s’il est en plein essor, n’a pourtant pas réussi cette fois-ci à convaincre assez d’électeurs du bien-fondé de ses agissements et à dégoûter ses adversaires de se rendre aux urnes.

Mais cette défaite peut être annonciatrice de futures victoires que ce soit aux Etats-Unis ou dans d’autres démocraties à travers le monde parce qu’elle démontre qu’il en fallut de peu au populisme pour s’approprier quatre ans de plus le pouvoir dans la plus grande et vieille démocratie de la planète, ce qui aurait prouvé que l’élection de Trump en 2016 n’était pas un accident alors que son revers laisse un espoir qu’il était un égarement.

Les prochaines élections dans des pays comme la France, l’Italie ou l’Espagne seront à ce titre des moments-clés pour savoir si le populisme est en train de progresser voire de s’imposer tout comme l’avenir des populistes déjà en place comme en Hongrie, au Brésil, en Inde ou aux Philippines.

 

Alexandre Vatimbella et Aris de Hesselin

 

 

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