► Voici cette lettre intitulée «La France se bat contre le ‘séparatisme islamiste’ - jamais contre l’Islam»
Madame, Monsieur,
Si, depuis plus de 130 ans, le Financial Times constitue partout dans le monde
un quotidien de référence, c’est parce qu’il se distingue par la publication
d’articles fondés sur des faits robustes, des analyses nourries. Pour tous ses
lecteurs – et j’en suis, s’informer avec le FT, c’est avoir la certitude
d’accéder à des données fiables, sans que l’on ait besoin d’en vérifier la
véracité. Personne ne peut donc imaginer que, dans ces pages, des propos tenus
publiquement par le chef d’un Etat membre de l’ONU, du G7 puissent être
déformés.
C’est pourtant ce qui s’est passé dans un article paru dans votre édition
d’hier. Sur la base de fausses citations [confondant «séparatisme islamique» -
un terme que je n’ai jamais employé, et «séparatisme islamiste» - qui se trouve
être une réalité dans mon pays,] j’ai ainsi été accusé de stigmatiser, à des
fins électorales, les Français musulmans ; pire, d’entretenir un climat de peur
et de suspicion à leur égard.
Je n’évoquerai pas la rigueur discutable d’un article où le discours d’un
chef d’Etat est placé sur le même plan que les propos rapportés d’un
commentateur anonyme, ni même les sous-bassements idéologiques qui le fondent.
Je veux simplement rappeler à vos lecteurs quelques faits simples, dire la
situation de mon pays et quels défis il doit relever.
Depuis plus de cinq ans et les attentats de Charlie Hebdo, la France fait face
à une vague d’attentats perpétrés, au nom d’un Islam qu’ils dévoient, par des terroristes.
Plus de 300 femmes et hommes, des policiers, des militaires, des enseignants,
des journalistes, des dessinateurs, des Juifs, un prêtre, des jeunes assistant
à un concert ou prenant un verre en terrasse, des enfants devant une école, de
simples citoyens, ont été lâchement assassinés sur notre sol. Et ces derniers
jours, un attentat, qui heureusement n’a pas fait de victime, a à nouveau visé
les locaux de Charlie Hebdo ; un professeur d’Histoire-Géographie, Samuel PATY,
a été décapité ; à Nice, deux femmes et un homme ont été assassinés dans une
église.
Face à ce mal qui ronge notre pays, notre Nation fait bloc avec résilience,
avec volonté.
D’abord en tenant bon sur ses principes. Si la France est attaquée
prioritairement par les terroristes islamistes, c’est parce qu’elle incarne la
liberté d’expression, le droit de croire ou de ne pas croire, un certain art de
vivre aussi. A maintes reprises, le peuple de France s’est levé pour dire qu’il
ne cèdera rien de ses valeurs, de son identité, de son imaginaire. Rien de ces
droits de l’Homme qu’un jour de 1789, il proclama pour le monde.
Notre Nation fait bloc également en traquant les terroristes où qu’ils se
trouvent. L’armée française est exemplaire de courage au Sahel et son action
contre les groupes terroristes bénéficie à toute l’Europe. Nos services de
renseignement, nos services de police, qui ont payé un lourd tribut, sont en
première ligne, déjouent chaque année plusieurs dizaines d’attentats. Tout
l’appareil d’Etat est mobilisé sur la base de lois discutées et votées au
Parlement. Car nous ne renonçons pas non plus à la démocratie et à l’Etat de
droit.
Mais dès 2015 est apparu, et je l’ai dit avant même de devenir Président de la
République, que les vocations terroristes prospéraient sur un terreau. Dans
certains quartiers autant que sur Internet, des groupes liés à l’Islam radical
enseignent aux enfants de France la haine de la République, appellent à ne pas
respecter les lois. C’est cela que j’ai appelé dans un discours le «séparatisme».
Vous ne me croyez pas? Relisez les échanges, les appels à la haine diffusés au
nom d’un Islam dévoyé, sur les réseaux sociaux qui ont finalement abouti à la
mort du professeur Samuel Paty il y a quelques jours. Allez visiter les
quartiers où des petites filles de trois ou quatre ans portent le voile
intégral, sont séparées des garçons et, dès le plus jeune âge, sont mises à
part du reste de la société, élevées dans un projet de haine des valeurs de la
France. Dialoguez avec nos préfets qui sont confrontés sur le terrain à des
centaines d’individus radicalisés dont on craint, à tout moment, qu’ils
prennent un couteau et aillent tuer des Français. C’est contre cela que la
France entend aujourd’hui lutter. Contre des projets de haine et de mort qui
menacent ses enfants. Jamais contre l’Islam. Contre l’obscurantisme, le
fanatisme, l’extrémisme violent. Jamais contre une religion. Nous disons: «pas
chez nous!». Et c’est notre droit le plus strict de Nation souveraine. De
peuple libre. Face aux terroristes qui veulent nous fracturer, nous restons
unis. Nous n’avons pas besoin que des articles de journaux cherchent à nous
diviser.
Je ne laisserai donc personne affirmer que la France, son Etat, cultive le
racisme vis-à-vis des musulmans.
La France, et nous sommes attaqués pour cela, c’est la laïcité, c’est-à-dire,
pour les musulmans comme pour les chrétiens, les juifs, les bouddhistes, tous,
la neutralité de l’Etat – qui jamais n’intervient dans les affaires
religieuses, et la garantie d’exercer son culte. Et nos forces de l’ordre
protègent les mosquées comme elles protègent les églises ou les synagogues. La
France est un pays qui sait ce qu’il doit à la civilisation islamique : ses
mathématiques, sa science, son architecture en portent et l’emprunte, et j’ai
annoncé la création à Paris d’un institut visant à donner à voir cette grande
richesse. La France est un pays où les responsables musulmans, prennent la
parole à l’unisson lorsque le pire survient, pour appeler à lutter contre
l’islamisme radical et défendre la liberté d’expression.
On peut feindre de ne pas voir ces réalités le temps d’un article. On ne peut
les ignorer durablement. Car comme l’écrivait Averroès «l’ignorance mène à la
peur, la peur mène à la haine, et la haine conduit à la violence».
Ne cultivons donc pas l’ignorance, en déformant les propos d’un chef d’Etat.
Nous ne savons que trop là où cela peut nous mener.
Préférons toujours la rigueur lucide, le travail rigoureux. Le savoir instruit.
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