Les propos de Stéphane Séjourné, député européen et proche
d’Emmanuel Macron sont, de ce point de vue, très clairs:
«J’ai dit au président et à Stanislas Guerini que j’étais
prêt à œuvrer au rapprochement des formations politiques de notre majorité. Les
deux piliers que sont LaREM et le MoDem doivent désormais s’organiser en
fédération. Le travail doit se poursuivre ensuite avec Agir, Territoires de
progrès, les Radicaux, la République des maires ou encore l’UDE. »
Propos compétés par ceux du même Guerini, délégué général de
LaREM actuel:
«Ce que nous devons construire, ce
n’est pas la fusion-acquisition des partis. Nous devons fédérer, au-delà des
partis, les gens de bonne volonté, les associations, think tanks, élu(e)s,
citoyens et citoyennes qui veulent se mettre au service du pays avec nous.»
Et de préciser que LaREM est le Modem seront «les piliers historiques» d’une «maison commune» qui sera également «ouverte» à Agir et au parti radical, le but est étant de «rassembler ceux qui veulent s’élever, alors que tout dans la vie partisane nous pousse à nous rabaisser».
Cette fédération ou cette maison commune, comme on veut, bien entendu pour le nouveau président du groupe LaREM à l’Assemblée, Christophe Castaner, ne peut se faire qu’avec à sa tête le parti présidentiel: «nous sommes le groupe central de la majorité et nous assumerons cette place.»
Voilà qui est dit!
A cette volonté, le président du groupe MoDem à
l’Assemblée avec la bénédiction évidente
de François Bayrou affirme sans détour que c’est sa
formation qui doit être le rassembleur du Centre:
«À la tête du groupe MoDem, mon rôle est de rassembler le
plus largement possible tous les députés qui appartiennent à cette grande
famille du Centre et qui sont aujourd’hui répartis dans plusieurs groupes, de
la majorité et de l’opposition. Je tends la main. Si demain des parlementaires
d’autres groupes que le MoDem veulent nous rejoindre, on les accueillera à bras
ouverts. Mon groupe a vocation à s’élargir pour élargir la majorité. L’objectif
n’est pas de faire du débauchage, mais que les parlementaires se sentent à
l’aise. Et d’éviter la création d’un onzième ou douzième groupe, quand quatre à
cinq sont déjà issus de la majorité! Il faut arrêter ce spectacle désolant. Si
on peut avoir un peu moins de groupes, nous travaillerons mieux et les Français
nous respecterons mieux. Je veux que nous soyons en ordre de marche d’ici au 1er
octobre.»
C’est d’’ailleurs dans cette optique que le MoDem s’apprête à lancer un nouveau groupe à l’Assemblée nationale.
Baptisé «Union des centres», il a vocation à rassembler tous les députés de la famille centriste et au-delà, le tout sous sa direction et d’être une sorte d’avant-garde qui pourrait préfigurer ce que serait le MoDem lors des prochaines présidentielle et législatives, c'est-à-dire une réincarnation de feue l’UDF!
Avant même sa création concrète, plusieurs élus LaREM, UDI et d’autres provenances ont annoncé vouloir le rejoindre.
On le voit, les grandes manœuvres ont bien débuté dans la majorité présidentielle.
De son côté, l’UDI qui cherche constamment un positionnement politique, se vend au plus offrant, en l’occurrence LR puisque LaREM l’ignore superbement (il faut dire que les attaques frontales et sans nuances de Lagarde et de ses proches contre le Président de la République et le gouvernement ont de quoi la refroidir) tout en caressant toujours l’espoir de récupérer les déçus de la majorité mais aussi tous ceux qui, à droite, ne rejoignent pas Macron et refusent le mouvement de radicalisation et de suivisme du RN.
Reste qu’il n’est pas sûr que LR puisse lui offrir grand-chose au vu de ses problèmes et que certains des membres du parti de centre-droit pourrait se montrer sensibles à la volonté du MoDem de recréer l’UDF alors même que, déjà, un de ses députés a accepté de faire partie du groupe Union des centres qui devrait voir le jour bientôt et qui sera piloté par les amis de François Bayrou.
Yannick Favennec, pour ne pas le citer, s’est même enflammé
sur les réseaux sociaux, tweetant:
«Et si nous écrivions ensemble une nouvelle page de l’histoire
du Centre en France ? ‘L’Union des Centres’ à l Assemblée nationale : la
nouvelle UDF du 21ème siècle?»
Reste que l’UDI lorgne désormais plus vers la Droite que vers le Centre dans un mouvement qui rappelle celui de Les centristes (parti d’Hervé Morin devenu simple appendice de LR et prônant souvent des positions plus à droite que lui, même si un de ses membres compte bien se rattacher à l’Union des centres du MoDem…).
Et les propos du sénateur Jean-Marie Bockel, «je crois que le rassemblement des centres se fera et doit se faire autour de l’UDI», font partie de la catégorie du vœu pieux voire même d’une absence de toute connaissance réelle du paysage politique actuel…
Quand au Mouvement radical il ne sait plus très bien où il est – dedans ou dehors la majorité, à sa droite voire parfois à sa gauche – et tente d’exister ce qui ne va pas de soi alors qu’il se rétrécit comme peau de chagrin à l’image de son président, Laurent Hénart, qui a perdu la mairie de Nancy lors des dernières municipales alors même qu’il était soutenu par tous les partis centristes.
Celui-ci pourtant explique:
«J’entends que certains veulent élargir la majorité
présidentielle. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Une opération
d’alliance électorale uniquement pour les départementales et les régionales, ça
n’a pas de sens aux yeux de nos concitoyens sans une vision partagée de la
société et des choix collectifs sur le long terme. Les Français
sanctionneraient une alliance politique qui leur apparaîtrait comme un simple
replâtrage. Si les lignes doivent bouger et si des alliances plus profondes
doivent être scellées, alors il faut vouloir un débat de fond et lui donner du
temps.»
Pourtant le problème est que le temps est ce qui manque le plus aux radicaux…
Oui, nous sommes dans une phase de recomposition du Centre et celle-ci pourrait bien dégénérer en guerre des centres alors que les régionales auront lieu l’année prochaine, répétition de la présidentielle et des législatives qui se tiendront dans moins de deux ans.
Les journées parlementaires et autres universités d’été qui viennent de se tenir ou qui se tiendront dans les prochains jours sont l’occasion pour tous les protagonistes de cette recomposition et d’une éventuelle guerre de fourbir leurs armes et de faire des déclarations sans ambiguïtés.
On rappelle que les premiers à dégainer ont été les amis de François Bayrou qui, par la voix du président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale s’est dit prêt à accueillir tous les députés qui voulaient le rejoindre provoquant l’ire des responsables de LaREM comme celle du nouveau président du groupe du parti présidentiel, Christophe Castaner.
Et Mignola a eu beau essayer d’arrondir les angles, cela n’a pas suffit surtout qu’il a, à nouveau, ouvert grandes les portes de son groupe à tous ceux qui souhaitent le rejoindre.
Une attitude que le ministre des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, pourtant lui aussi membre du Mouvement démocrate, a plus ou moins condamné:
«Un certain nombre de gens, sans avoir de difficulté particulière avec LaREM, avaient envie d'aller dans un autre groupe, cela doit se limiter, je serai vigilant. (…) Il faut éviter ce genre de mouvements là.»
Des propos qui montrent bien le malaise qui existe dans la majorité présidentielle et qui pourrait facilement dégénrer.
Et ce n’est pas la création d’un intergroupe proposée et voulue par le Premier ministre, Jean Castex qui apaisera les tensions (d’autant que LaREM n’en veut pas tandis que le MoDem verrait bien Mignola le présider!).
Tout juste les présidents des trois groupes de cette majorité (LaREM, MoDem et Agir) ont eu une réunion de travail avec Castex à l’issue de laquelle Christophe Castaner a fait une déclaration lapidaire:
«Nous poursuivons l’ambition de dépassement de 2017. Avec Patrick Mignola et Olivier Becht, nous entendons bien construire au quotidien une relation forte et intense au service du projet présidentiel.»
Fermez le ban!
Que peut-il sortir de cette compétition?
Les optimistes diront une dynamique basée sur de nouveaux équilibres qui permettront à la majorité présidentielle centriste et donc au Centre d’être pluriel dans le bon sens du terme, c'est-à-dire être un lieu de débat et d’échanges qui permet des décisions plus fortes et consensuelles.
Les pessimistes rappelleront qu’en général elle provoque de la division ainsi que de la cacophonie et qu’in fine elle ne bénéficie à personne sauf aux adversaires politiques.
Surtout, si elle se transforme en guerre ouverte, certainement rien de bon pour le Centre qui pourrait bien vivre à nouveau ses vieux démons traditionnels de la décomposition et du morcellement avec rupture et confrontation exacerbée où aucun parti incriminé n’y trouverait son compte.
D’où une attention particulière qui doit être portée à ce qui, au départ, ne pouvait apparaitre que comme des petites manœuvres politiciennes et des questions d’égos même si celles-ci et ceux-ci ne sont pas absents, loin de là…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
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