vendredi 7 août 2020

Une Semaine en Centrisme. LaREM-MoDem: complémentarité ou compétition?

A deux ans des prochaines élections nationales (présidentielle et législatives) et face à une nouvelle réalité politique (la perte de la majorité absolue à l’Assemblée nationale du groupe LaREM) quels vont être les rapports entre le parti d’Emmanuel Macron et celui de François Bayrou et, surtout, quelles doivent être leurs stratégies respectives dans leurs relations.

D’abord, il faut bien poser le tableau:

1) Il n’y a des députés du Mouvement démocrate que parce qu’Emmanuel Macron l’a voulu en donnant des circonscriptions à François Bayrou en retour du soutien de ce dernier à la présidentielle.

2) En allant seul aux législatives, ce même MoDem n’aurait pu obtenir, au mieux, qu’un à trois députés au leu des 42 que son groupe possède actuellement.

3) François Bayrou a toujours estimé que le positionnement et le programme d’Emmanuel Macron empruntaient très largement au sien et que donc d’une manière «paternelle» mais aussi de préséance, le Président de la république lui devait beaucoup de sa présence à l’Elysée et que nombre d’élus du parti de celui-ci étaient bien plus proches du sien en matière de compatibilité politique, ce qui n’est sans doute pas faux.

4) François Bayrou n’a jamais abandonné la création d’un grand parti du Centre qui regrouperait toutes les sensibilités centristes et dont il serait bien sûr le leader.

5) Français Bayrou n’a jamais considéré qu’En marche! puis LaREM étaient des organisations faites pour durer sur le long terme et que la politique traditionnelle reprendrait évidemment la main donc que le MoDem avait vocation à absorber, à un moment ou à un autre, une grande partie de l’héritage macroniste.

6) En ayant perdu la majorité absolue à l’Assemblée, LaREM doit compter sur ses alliés dont le MoDem qui y voit là une chance, non seulement, de ne pas sombrer au prochaines législatives même en cas de défaite de la majorité présidentielle mais aussi d’affirmer son identité mise sous le boisseau depuis le début du quinquennat et, en même temps, de devenir une force électorale autonome, ce que Bayrou n’a pas réussi à faire en 13 années d‘existence de son parti.

7) Aujourd’hui, même si des tensions existent entre les deux formations, aucun élément ne vient alimenter la thèse d’une brouille ou d’une guerre ouverte dans les mois qui viennent.

Ayant dit cela, on comprend que LaREM et le MoDem doivent être, et dans la coopération et dans la distanciation, et dans la complémentarité et dans la compétition.

Mais, alors que le suivisme se devait être la règle auparavant (avec quelques coups de gueule dont ceux de Bayrou), l’heure est, pour le MoDem à la volonté d’exister dans l’indépendance (mais dans la majorité).

LaREM, elle, doit absolument éviter l’effritement et affirmer qu’elle est plus qu’un rassemblement conjoncturel et contredire l’idée que sa disparition était contenue dans sa naissance même.

D’où l’absolue nécessité de s’entendre tout en se démarquant l’un de l’autre.

Ainsi, jusqu’à présent, le MoDem n’a pas fait défaut à la majorité présidentielle même s’il s’est montré parfois critique ou dubitatif sur telle ou telle mesure soutenue sans réserve par LaREM.

Mais, dans le même temps, le MoDem a toujours cherché à prendre de l’importance, qualitativement (il ne faut pas oublier que, comme pour LaREM, tous ses députés ou presque sont des nouveaux venus n’ayant aucune expérience parlementaire à l’inverse de ce que tentent de faire accroire ses responsables) et quantitativement.

Dans ce dernier objectif légitime pour toute organisation politique, les possibilités entre deux consultations électorales sont de deux sortes: aller piocher dans le vivier traditionnel du Centre français (UDI, Alliance centriste et les quelques résidus de centristes qui demeurent encore chez Les centristes et à LR, voire quelques égarés du côté de la Gauche ou des écologistes) ou dans celui de LaREM beaucoup plus étoffé aujourd’hui et où se trouvent, c’est là l’important et où le bas blesse entre les deux formations, nombre de centristes qui furent autrefois encartés à l’UDF, le MoDem, le Nouveau centre, l’UDI, l’Alliance centriste ou qui ont appartenus aux courants modérés de l’UMP ou de LR.

D’où quand il y a des appels du pied comme actuellement de la part de Patrick Mignola, le président du groupe des députés MoDem, une réponse cinglante vient de LaREM, en l’occurrence, cette fois-ci, de la part de deux prétendants au poste de chef des députés de la formation présidentielle, Christophe Castaner et François de Rugy.

Pour autant, faut-il s’attendre, à terme, à une véritable confrontation de moins en moins feutrée entre les deux partis, voire à une guerre plus ou moins ouverte.

Sans doute parce qu’il en va de la suprématie de chacun d’entre eux sur l’Axe central, cet espace central qui va des libéraux de droite aux sociaux-réformateurs de gauche en passant par les libéraux sociaux du Centre.

Et il faut ajouter à cela ce sentiment très profond au MoDem que nous évoquions plus haut que LaREM a empiété sur ses plates-bandes en 2017 et qu’il faut rétablir une situation plus «normale» voire «légitime».

Reste que dorénavant, l’avenir à court et moyen terme des deux formations est lié et leurs sorts électoraux imbriqués, ce qui devrait atténuer la possible survenance d’un clash dur et d’une opposition frontale.

Enfin, cette nouvelle donne ne vient pas d’une quelconque montée en puissance du Mouvement démocrate mais bien d’erreurs, voire de fautes, et d’une usure naturelle en politique de position dominante de LaREM.

Dès lors, les troupes de François Bayrou doivent éviter tout hubris qui leur ferait croire qu’elles sont devenues les juges de paix de la majorité présidentielle et qu’un passage de témoin à l’envers est envisageable avec LaREM dans les deux ans qui viennent.

Elles devraient plutôt méditer les ratés de cette dernière dont une grande partie vient de son hubris et surtout que le temps est encore à consolider cette situation quasi inespérée début 2017 d’être, à la fois, dans la majorité présidentielle avec des ministres et d’avoir un groupe aussi nombreux à l’Assemblée nationale.

Mais la patience et la modestie sont souvent deux qualités absentes du monde politique…

 

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC

Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC

 

 

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