Emmanuel Macron |
Deux remarques liminaires:
Emmanuel Macron n’a pas inventé, ni n’a
été le promoteur ou un acteur du populisme démagogique qui s’est développé au
cours de cette première partie XXI° siècle et qui a pour prosélytes, en France,
Mélenchon et Le Pen, Trump, Bolsonaro, Salvini, Orban et bien d’autres a
travers le monde.
Mais, son entreprise, comme nous
l’avons souvent expliqué et détaillé ici, a toujours eu, dès le départ, des
relents de populisme avec une rhétorique parfois à sa marge quand elle n’était
pas populiste tout court.
Son positionnement pendant la campagne
présidentielle de 2017 avec ce «ni gauche, ni
droite», cet «en
même temps», devait ainsi le positionner dans une
sorte d’«ailleurs»
où l’on ferait table rase de la «vieille
politique» avec la prise de pouvoir des simples citoyens
qui remplaceraient ces politiciens ankylosés qui pensent plus à leur carrière et
ne défendent souvent que des intérêts particuliers ou corporatistes.
De même, En marche! n’était pas un
rassemblement populiste tout en empruntant des arguments et des codes au
populisme démagogique avec cette idée fondatrice largement partagée par la grande
majorité de ses membres que le «monde d’avant» avait failli et qu’il fallait le remplacer par la «société civile», que, donc, le «peuple» devait gouverner pour se
réapproprier la démocratie, sans doute pas dans
le cadre d’une démocratie directe mais par le biais d’un système représentatif
où le «dégagisme»
des représentants de l’«ancien monde» devait être la norme.
D’où, d’ailleurs l’élection de nombre
de députés LaREM très peu au courant des choses publiques et qui a constitué un
handicap plus qu’autre chose pour l’action de la majorité présidentielle.
Ce «nouveau
monde» qui devait remplacer l’ancien avait
beaucoup d’accents populistes et parfois démagogiques mais et c’est important
de le souligner il n’était pas à proprement parler populiste.
Surtout parce que cette rhétorique a
été principalement mise au service d’un projet réformiste sérieux et a été
accompagné d’un discours sur les valeurs démocratiques et humanistes, ce qui
fait d’ailleurs le côté paradoxal de l’entreprise macronienne et l’amène très
souvent sur les terres du Centrisme.
Ensuite, parce que l’important aussi
était d’avoir ce parler des populistes afin de les concurrencer et les empêcher
de phagocyter et de confisquer les demandes de changement, voire une certaine
colère, qui montaient dans une partie de l’opinion publique.
Ne pas laisser à Mélenchon, Le Pen et
quelques sous-fifres le monopole de la contestation
de cet «ancien monde».
Néanmoins, nombre de déclarations,
d’initiatives et de dénonciations venus directement de Macron ou d’En marche!
ont certainement convaincus certains qu’il existait bien ces «tous pourris» à qui l’on devait
faire la chasse – parfois au sens propre du terme
comme l’ont démontré les gilets jaunes en s’attaquant aux élus jusqu’à leur
domicile, souvent des représentants de ce soi-disant
nouveau monde! – pour donner le vrai pouvoir au «vrai» peuple.
Depuis, à périodes répétées, des
faits et gestes d’Emmanuel Macron ont une connotation populiste évidente comme
sa «compréhension»
du mouvement des gilets jaunes, l’organisation d’une Convention citoyenne et d’un
Grand débat national ou ses coups de téléphone et ses visites intempestives à
des personnages comme Bigard, Raoult, Zemmour et d’autres ainsi que son «amitié» pendant un certain temps
avec Donald Trump ou ses bonnes relations personnelles avec Narendra Modi et,
désormais, avec Vladimir Poutine…
Bien sûr, il est celui qui voulait
faire barrage au populisme montant en récupérant le fondement de son existence,
c'est-à-dire en le légitimant d’une certaine manière et en le faisant sien par
bien de aspects pour mieux l’encadrer, le rendre positif et l’empêcher de
dériver vers une sédition avec une violence exacerbée.
Bien sûr, il est loin d’être un
populiste intégral et sa pratique du pouvoir le prouve amplement.
Cependant, cet appel du pied constant
à tous ceux qui se réclament de ce populisme n’a jamais cessé depuis la
création d’En marche! en 2016.
Et ici il n’est pas question de
récupération, d’une caractéristique circonstancielle de son parcours mais bien
de ce qu’est l’homme politique Emmanuel Macron, son projet et son programme
politiques.
Mais a-t-il pour autant une
responsabilité dans la montée actuelle du populisme.
Oui et non.
Non, parce que la montée de celui-ci
date d’avant son entrée sur la scène politique.
Non, parce que sa gouvernance et ses
réformes n’ont jamais voulu faire plaisir à la populace mais ont été prises pour le bien du pays et de la communauté
nationale.
Oui, parce qu’il a bâti son «ailleurs» sur une opposition entre ancien et nouveau monde où comme
nous l’avons dit plus haut la notion de dégagisme était bien présente.
Oui, parce que sa compréhension des
dires et agirs des populistes ne peut qu’encourager ceux-ci à estimer légitime
leur combat antisystème (qu’ils croient ou non que Macron pense réellement ce
qu’il dit ou qu’il est dans une simple récupération politicienne parce qu’il
tente de s’approprier un mouvement qui prône également sa destitution).
Mais il y a une autre manière de
considérer qu’Emmanuel Macron a encouragé le populisme, c’est par sa politique
centriste honnie par les populistes démagogues ainsi que par sa confrontation
avec ces derniers à une époque où, partout dans le monde, ils sont en constante
progression (et que son élection a été, pour nombre de ses électeurs, un moyen
de faire barrage à cette montée en puissance).
Ici, pas de compréhension du
populisme mais bien un choc frontal et dur avec les représentants de ce courant
afin de démontrer sa dangerosité, ses incohérences, sa démagogie et sa
superficialité.
Pour autant, si on peut lui reprocher
son tropisme populiste, on ne peut en revanche le blâmer pour être monté en première ligne contre le populisme démagogique
même si cela a exacerbé le jusqu’auboutisme de certains comme l’a démontré le
mouvement des gilets jaunes, par exemple.
Car on doit nettement préférer ce face-à-face courageux à la
compréhension irresponsable qui l’a parfois supplanté.
Reste que ce tropisme populiste est dans
l’ ADN même de la vision politique d’Emmanuel Macron et dans son désir de plaire.
Heureusement, il est demeuré pour l’instant
une caractéristique mineure – mais néanmoins pas minime
– de sa gouvernance même si la crise épidémique
de la covid19 a montré qu’il était toujours prêt à reprendre du service.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis
Pommery
Directeur des études du CREC
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