Le député de Paris et vice-président de l’Assemblée nationale
a décidé avec 45 autres députés de travailler à rendre le parti présidentiel
plus social en incarnant de manière plus organisée son aile gauche.
Contrairement aux sept députés qui ont décidé de quitter LaREM
pour créer un nouveau groupe à l’Assemblée, «Écologie démocratie
solidarité», les 46 signataires d’une tribune parue dans le magazine l’Obs
(lire ci-dessous) veulent peser de l’intérieur.
Comme l’explique Renson, «Partir, c’est un constat d’échec.
Nous voulons peser de l’intérieur. Entre les boucles de discussion sur Télégram
et la scission, il y a une troisième voie, celle que nous prenons pour nourrir
le débat et l’action de la majorité».
Les signataires de cette tribune et membre d’En Commun sont:
Barbara Pompili, Hugues Renson, Jacques Maire, Eric Alauzet,
Ramlati Ali, Didier Baichère, Yves Blein, Anne Brugnera, Stéphane Buchou, Pierre
Cabaré, Francis Chouat, Mireille Clapot, Stéphane Claireaux, Coralie Dubost, Catherine
Fabre, Yannick Haury, Stéphanie Kerbarh, Anissa Khedher, Rodrigue Kokouendo, Jacques
Krabal, Sonia Krimi, Anne-Christine Lang, Jean-Charles Larsonneur, Marion Lenne,
Jean-François Mbaye, Marjolaine Meynier Millefert, Monica Michel, Cécile
Muschotti, Catherine Osson, Zivka Park, Bénédicte Pételle, Michelle Peyron, Damien
Pichereau, Claire Pitollat, Florence Provendier, Cathy Racon-Bouzon, Pierre-Alain
Raphan, Cécile Rilhac, Nathalie Sarles, Marie Tamarelle, Liliana Tanguy, Jean-Louis
Touraine, Elisabeth Toutut Picard, Nicole Trisse, Souad Zitouni, Jean-Marc
Zulesi.
► Texte de la Tribune
En Commun, pour une France humaine, écologique et solidaire.
« En élisant au printemps 2017 comme Chef de l’Etat
Emmanuel Macron, en lui donnant une très large majorité à l’Assemblée
nationale, les Français ont exprimé alors une volonté de changer en profondeur
la vie politique et témoigné, aussi, d’une réelle confiance en l’avenir.
C’était il y a trois ans. C’était hier. C’était il y a une
éternité.
Trois ans après, le monde traverse l’une des pires crises
qu’il lui ait été donné de connaître. Une crise dans laquelle notre pays a été
brusquement plongé, comme tous les autres. Une crise qui stupéfait chacun par
sa soudaineté comme par son ampleur.
Une crise qui révèle en réalité un grand paradoxe :
bien loin de redonner un sens collectif à nos destins individuels, le
confinement semble avoir figé notre société dans ses fractures les plus
profondes : le statut social et économique, la composition des foyers, les
types d’habitat, le lieu de résidence. Les inégalités se creusent. Et certains
de nos services publics, pourtant si essentiels, se retrouvent fragilisés.
Cette crise démontre avec force que nous avons besoin des
autres, et que notre sécurité repose à la fois sur l’action de tous et la
responsabilité de chacun. C’est probablement l’un des enseignements les plus
instructifs que nous aurons à en tirer. Et qui nous guidera pour préserver ce
que nous avons d’essentiel.
Et ce qui est essentiel, c’est ce qui est notre
commun : notre santé, notre bien-être, notre environnement et nos ressources,
notre éducation. Nous avons une société en commun. Nous avons un destin en
commun. Nous avons une Nation en commun. Nous avons une Europe en commun. Nous
avons une planète en commun.
Ce commun est notre bien le plus précieux. Pourtant, déjà
ébranlé par la crise sanitaire, il se trouve sous la menace de risques plus
profonds et plus durables encore : le repli et la peur, les conséquences
sociales vertigineuses d’une économie sinistrée, et bien sûr les impacts du
réchauffement climatique et de la perte de biodiversité.
Nous avons conscience que nous vivons un moment particulier
de notre Histoire. Un moment qui doit inciter chacun à résister à
l’exploitation des colères, des rancœurs ou des intérêts particuliers voire
égoïstes, pour cultiver ces communs-là.
Cela vaut aujourd’hui pour notre engagement politique :
issus de familles politiques différentes, parfois même concurrentes, nous avons
convergé il y a trois ans, auprès d’Emmanuel Macron, dans un même mouvement qui
entendait apporter des réponses aux questions du monde d’alors.
La crise brutale du coronavirus a-t-elle subitement changé
nos visions du monde ? Elle nous interroge, bien sûr. Mais elle nous
oblige également à porter nos convictions avec désormais plus de force pour une
France et un monde plus humains, plus solidaires et plus écologiques.
Aussi, dans les deux ans de mandat que nous avons devant
nous, sommes-nous déterminés à peser davantage pour que l’épreuve traumatisante
que nous vivons tous puisse se transformer en opportunité.
Cela nécessitera un exercice d’inventaire, équitable mais
exigeant, sur toutes les politiques publiques qui ont été menées en France
depuis des années, pour ne pas dire des décennies. Trop longtemps, des
décisions ont été figées sur la seule expertise technique sans prêter
suffisamment d’attention à l’expérience de celles et ceux qui au quotidien se
trouvent sur le terrain. L’excès de centralisation dans la prise de décision,
le manque d’anticipation, de coordination avec les élus des collectivités et
des agglomérations, l’insuffisance de dialogue avec les organisations
syndicales et professionnelles ou les associations suscitent inéluctablement
des tensions, parfois même des défiances. A cet égard, nous n’avons pas mieux
fait que nos prédécesseurs.
Cela nécessitera également de faire plus et mieux dans un
certain nombre de domaines auxquels nous sommes profondément attachés.
D’abord dans la réhabilitation du rôle de l’Etat. Nous avons
besoin d’un Etat solide, puissant, disposant de réelles capacités d’intervention
opérationnelle, plus agile dans son fonctionnement. Pour autant l’Etat, dont
chacun attend tant dans cette crise, et c’est légitime, ne peut pas tout s’il
agit seul. Il a besoin de s’appuyer sur une société en mouvement.
Cela vaut pour la concrétisation de la transition
écologique : c’est à nos yeux une priorité absolue. Nous avons réussi à
redynamiser notre tissu productif, à recréer de l’emploi. Mais nous ne sommes
qu’au début de la construction d’une économie soutenable. Les investissements
nécessaires à la relance de l’économie devront être l’occasion d’accélérer la
transition écologique de notre modèle. Nous aurons aussi à concrétiser les
travaux de la convention citoyenne sur le climat, fruit d’une délibération
citoyenne éclairée et libre. Ils dessinent un nouveau contrat écologique. Ils
seront notre boussole. Près de vingt ans après le discours de Johannesburg,
nous avons enfin commencé à regarder notre maison. Mais elle continue de brûler
ardemment. Les politiques mises en place pour lutter contre la crise
environnementale ne sont, nulle part, à la hauteur. Nous devons donc passer à
la vitesse supérieure, y consacrer plus d’énergie, plus d’inventivité et plus
de moyens. Bref, en faire la mère de toutes nos politiques. Et ce changement de
paradigme est possible ! Méditons la parabole de la grenouille, utilisée
par Al Gore il y a déjà quelques années. La réponse apportée à la crise
sanitaire du coronavirus – instantanée, massive, dotée de moyens exceptionnels
– prouve que nous savons réagir lorsque nous percevons un péril immédiat. Telle
la grenouille au contact de l’eau bouillante. Moins soudain, le dérèglement
climatique n’en est pas moins dangereux. Il devrait supposer des décisions
lourdes, radicales, comme la réorientation rapide et complète de nos modes de
production et de consommation. Mais le péril parait moins imminent. Alors les
décisions tardent, au risque que l’humanité tout entière s’éteigne à petit feu,
comme la grenouille accoutumée à la hausse de la température, et qui finit ébouillantée.
Dans le renforcement indispensable de nos services publics -
la santé bien sûr, mais aussi l’éducation, la recherche, les solidarités -, le
souci d’une dépense efficiente ne doit plus être le faux nez de l’obsession de
la rentabilité. Il s’agit, certes, d’un impératif d’autant plus que les
finances publiques seront impactées par la crise. Mais rien ne pourra se faire
sans une revalorisation réelle des revenus et une plus grande maîtrise des
agents de terrain sur l’organisation de leur travail. Il nous faut un nouveau
contrat social, qui garantisse une allocation de moyens plus importante aux
priorités que la Nation se donne, qui remette la dignité humaine et l’écoute
des femmes et des hommes de terrain au cœur de ses préoccupations, qui engage les
entreprises envers leurs salariés, et qui reconnaisse la capacité
d’investissement total des agents concernés – beaucoup d’entre eux, dans cette
crise, soignants, agents des services publics, logisticiens, éboueurs ou
caissiers ont démontré à la fois le caractère essentiel de leurs missions et
leur conscience professionnelle. Ce nouveau contrat social doit intégrer les
apports du numérique. Il doit être inclusif et permettre à chacun, et notamment
aux plus fragiles, de se sentir concerné, impliqué, associé et formé.
L’État, malgré la force de son organisation, malgré toutes
ses initiatives, ne peut plus gérer les crises sans associer les territoires.
Il devra se résoudre rapidement à de nouvelles délégations de compétences et de
moyens qui permettront des réponses mieux adaptées à la réalité et à la
diversité de tous les territoires de la République. Un nouveau contrat
territorial ne sera pas seulement utile plus tard : il apparaît d’ores et
déjà indispensable à la résolution de la crise dans laquelle nous venons
d’entrer.
En trois ans, beaucoup a été entrepris. Et nous avons connu
de réels succès. Mais nous croyons que notre majorité peut faire, sur tous ces
sujets, bien plus que ce qu’elle n’a pour le moment engagé. Nous croyons même
qu’elle le doit.
Aiguillonner l’action du Gouvernement sur le chemin des
« jours heureux » et de la reconstruction revient, nous le pensons,
en indépendance au Parlement, dans la plénitude de ses moyens d’action.
Nous sommes pleinement conscients de la responsabilité des
parlementaires dans ce moment particulier pour faire entendre leur sensibilité,
pour enrichir le débat public et les décisions qui concernent le quotidien des
Français ou l’avenir du pays. Pour les infléchir aussi.
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de nous
réunir et de créer « En Commun », une association destinée à
rassembler élus et citoyens qui souhaitent contribuer de manière constructive à
renforcer notre politique dans le domaine des solidarités, de l’écologie, de la
cohésion nationale et du renouveau des pratiques démocratiques.
« En Commun », c’est ce que nous avons en partage.
Ce sont ces biens si précieux que nous devons préserver. C’est aussi ce vers
quoi notre majorité doit être davantage tournée dans les deux ans qui viennent.
Rien ne se fera sans ceux qui font vivre notre nation : les citoyens, les
associations, les corps intermédiaires. Parce que c’est aussi en confrontant
les points de vue et en créant du débat et des compromis positifs que se
dessinera un nouveau contrat républicain indispensable pour faire avancer le
pays.
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