Bien sûr, il y a ses frasques, ses incompétences, ses
insultes et ses mensonges qui sont inquiétants mais ce qui est certainement le
plus problématique avec Donald Trump, c’est sa constante transgression de la
loi, ce pivot incontournable de la démocratie républicaine libérale, cette
règle indispensable pour éviter la domination de factions ou de groupes sur la
société et de faire de chacun un égal de tous les autres.
Défier la légalité, la considérer comme quelque chose de gênant,
la contourner, c’est ainsi qu’agit tout ennemi des valeurs démocratiques.
Et c’est ce que font tous les jours Trump, son
Administration et une majorité des élus du Parti républicain avec les
encouragements de certains médias et d’une partie de la population.
Voilà bien la grave crise que traverse la démocratie en
Amérique.
Une crise qui interroge et nous interroge, nous, qui vivons
également dans une démocratie républicaine libérale et qui nous apercevons
qu’il suffit d’un personnage nauséabond comme Trump pour mettre à mal tout un
édifice près de deux fois et demi centenaire.
Parce qu’Hitler et Mussolini, eux, avaient vaincu une jeune
démocratie pas encore capable de se défendre correctement ou de montrer ses
qualités.
Parce qu’Erdogan ou Poutine gouvernent des pays qui ont
toujours été à la frange de la démocratie (on ne parle même pas de l’époque où
ils étaient des pays totalitaires).
Ici, aux Etats-Unis, rien de tel, au contraire, c’est le
pays qui a inventé la démocratie moderne, qui a toujours été une démocratie
depuis sa fondation (même si tout n’a jamais été parfait), qui n’a jamais
annulé ou reporté une élection présidentielle et qui s’est targué depuis la fin
de la Seconde guerre mondiale, d’être le leader et le défenseur du monde libre.
Bien sûr, le pays n’a pas été exempt de crises qui ont
menacé le système démocratique comme ce fut le cas lors de la Guerre de
sécession (Guerre civile pour les Américains), ni de présidents plus ou moins
compétents, plus ou moins menteurs et plus ou moins va-t-en guerre comme George
W Bush (dont on a trop tendance à oublier le bilan catastrophique et la volonté
de transformer les Etats-Unis en une sorte de théocratie conservatrice et
réactionnaire) ou Richard Nixon.
Cependant, il n’y avait jamais eu un pouvoir qui a décidé
d’agir souvent en complète illégalité pour garder le pouvoir et mettre en place
un système qui ressemblerait plus à une dictacratie (terme que je préfère
démocrature), c'est-à-dire un système qui allie d’abord les mécanismes et les
principes de la dictature puis ceux de la démocratie en les instrumentalisant
dans cet ordre, qu’à une démocratie républicaine libérale.
Des personnages troubles et dangereux sont légions à la
Maison blanche et dans les rangs républicains comme le vice-président, Mike
Pence, le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, les juges de la Cour suprême, Samuel
Alito, Neil Goursuch et Brett Kavanaugh, ou le leader de la majorité
républicaine au Sénat, Mitch McConnell dont l’influence sur le recul démocratique
des Etats-Unis est au moins, si ce n’est plus important que celui de Trump.
Cette crise sera peut-être passagère et surmontée –
espérons-le! – mais sa réalité qui ne fait pas de doute est au mieux, un
sérieux avertissement à la démocratie républicaine, au pire, la démonstration
de l’impossibilité de cette démocratie républicaine de se prémunir du populisme
radical et, en tout cas, un épisode – dont on ne connait pas encore la durée –
qui est catastrophique pour les valeurs humanistes et la paix dans le monde.
Elle nous rappelle que la démocratie nécessite constamment
d’être protégée pour exister.
Les institutions américaines mises en place par les Pères
fondateurs de la nation et les rédacteurs de la Constitution, avaient cru qu’un
système des «checks and balances» où chaque pouvoir – exécutif, législatif et
judiciaire – a le possibilité dans un équilibre constant de bloquer les deux
autres afin d’éviter que l’un d’eux ne s’imposent aux autres, donc qu’il
garantisse le bon fonctionnement de la démocratie et de la république, montrent
en ce moment leurs limites quand un des acteurs ne veut pas jouer le jeu, en
l’occurrence, le président.
Déjà, celui-ci a été élu grâce à un système électoral à deux
niveaux – vote des citoyens qui désignent des grands électeurs qui désignent le
président – sensé empêché l’arrivée au pouvoir d’un populiste démagogue comme
lui.
Sans parler de la procédure d’«impeachment» (destitution)
qui va être ridiculisée par les sénateurs républicains, majoritaires, qui ont
déjà annoncé un acquittement de Trump avant même le début du procès du
président au Sénat après sa mise en accusation votée par la Chambre des
représentants…
Les failles du système de la démocratie républicaine face à
ses adversaires en ce début de troisième millénaire sont inquiétantes alors même
qu’aucun autre régime ne garantit autant la liberté et le respect de la dignité
de chacun.
Sans réelle prise de conscience de la crise qui s’installe,
nos enfants ne vivront sans doute plus
dans une démocratie républicaine.
Et inspirons-nous pour agir en ce sens de celui à qui j'ai emprunté le titre de son principal ouvrage («De la Démocratie en Amérique»), Alexis de Tocqueville, qui écrivait:
«La démocratie ne donne pas au peuple le gouvernement le plus habile, mais elle fait ce que le gouvernement le plus habile est souvent impuissant à créer; elle répand dans tout le corps social une inquiète activité, une force surabondante, une énergie qui n'existent jamais sans elle, et qui, pour peu que les circonstances soient favorables, peuvent enfanter des merveilles.»
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