Rappelons-nous d’un fait: depuis 1978 et la victoire du RPR
et de l’UDF aux législatives, aucun pouvoir n’a gagné l’élection suivante sauf
en 1995 où, situation exceptionnelle, Jacques Chirac succède bien à un président
de gauche (François Mitterrand) mais aussi à un gouvernement de droite (celui
d’Edouard Balladur) et en 2007 où Nicolas Sarkozy a succédé à Jacques Chirac
mais, à chaque fois, les deux principaux protagonistes n’étaient pas alors dans
une franche camaraderie, c’est le moins que l’on puisse dire!
Mais, reprenons: victoire de la Droite et du Centre en 1978
(législatives), victoire de la Gauche en 1981 (présidentielle et législatives),
victoire de la Droite et du Centre en 1986 (législatives), victoire de la
Gauche en 1988 (présidentielle et législatives), victoire de la Droite en 1993
(législatives), victoire de la Droite en 1995 (présidentielle), victoire de la
Gauche en 1997 (législatives), victoire de la Droite en 2002 (présidentielle et
législatives), victoire de la Droite en 2007 (présidentielle et législatives),
victoire de la Gauche en 2012 (présidentielle et législatives), victoire du
Centre en 2017 (présidentielle et législatives).
Tout cela pour remarquer qu’être au pouvoir depuis plus de
quarante ans en France n’est pas une sinécure avec la défaite comme horizon…
Dès lors, la majorité présidentielle centriste a de quoi se
faire du souci à l’approche des municipales de mars prochain parce que ce type
d’élections que l’on peut qualifier d’intermédiaire est, généralement, un
défouloir pour l’électeur frustré et qui permet souvent à l’opposition d’en
sortir vainqueur.
Les précédentes du genre, en 2019, les européennes, n’ont
pas été un fiasco pour le pouvoir en place, en partie parce que les partis de
la majorité (LaREM et MoDem) se sont alliés à d’autres (Agir et Mouvement
radical) ainsi qu’à des personnalités «indépendantes» mais il ne les a pas
gagnées puisque c’est le Rassemblement national qui a terminé en tête.
Pour les municipales, la configuration est un peu différente
d’autant qu’en tant que jeune formation, LaREM n’a jamais encore participé à ce
type d’élection et n’a donc que peu de sortants et donc pas de bilan local qui
regroupe souvent les citadins en transcendant les clivages politiques et qui
joue comme une sorte d’atténuateur sismique par rapport à un bilan national qui
focalise les divisions partisanes (même si les municipales deviennent de plus
en plus «politisées» au fil des scrutins).
Dès lors le parti présidentiel risque gros mais aussi peut
réussir de jolis coups d’autant que la situation économique du pays n’est pas
mauvaise et que les menaces populistes et extrémistes peuvent jouer comme un
aiguillon mobilisateur pour l’électorat de l’axe central (regroupement
progressiste qui va des libéraux réformistes de droite aux sociaux libéraux de
gauche en passant les libéraux sociaux du Centre, caractérisé également par sa
défense de la démocratie et de la république libérales).
Reste que les municipales (15 et 22 mars), quel que soit
leur résultat, ne sont qu’un épisode de ce qui attend les centristes en 2020.
Il y a bien sûr la réforme des retraites dont le texte sera
présenté en janvier au Conseil de ministres et discuté dans la foulée au
Parlement sur fond d’opposition syndicale et politique.
La réussite ou non de cette réforme impactera évidemment
l’agenda du gouvernement pour toute l’année et donc il est difficile de se
projeter sur l’action de ce dernier au cours des prochains mois avant de
connaître son sort.
Une autre question concernera la Centre et l’axe central en
2020: la majorité présidentielle va-t-elle s’élargir ou, au contraire, se
contracter?
Les récents rapprochements de l’UDI mais surtout du
Mouvement radical et d’Agir qui ont figuré tous deux sur la liste Renaissance
aux élections européennes (ce qui leur a permis d’avoir des élus alors que l’UDI
n’en a eu aucun) ont montré, et l’intérêt idéologique, et l’intérêt électoral
d’une alliance du Centre et, au-delà, de l’axe central face à une opposition de
plus en plus radicale même au sein du PS et de LR ainsi que face à la montée du
populisme.
L’épisode des municipales sera sans doute, dans ses
résultats, un autre moment clé pour l’axe central sans que l’on puisse dire
dans quel sens ceux-ci influenceront un plus grand rapprochement ou, au
contraire, un lien plus distendu.
Il n’en reste pas moins vrai que toutes les formations
faisant partie de cet axe central ainsi que les quelques personnalités
indépendantes qui y appartiennent, ont tout intérêt à être de plus en plus
unies aux vues des circonstances actuelles.
Car, leurs différences, dans un contexte de fonctionnement
normal de la démocratie républicaine, feraient qu’elles seraient légitimement
concurrentes.
En revanche, dans la situation troublée que nous connaissons
dans la plupart des pays démocratiques, l’alliance semble inévitable,
nécessaire, voire indispensable pour protéger la liberté et les valeurs
humanistes dont elles sont les défenseures intransigeantes.
2020 pourrait également être une année difficile pour le
MoDem avec les suites de l’affaire des attachés parlementaires européens dans
laquelle les principaux dirigeants du parti ont été mis en examen pour
détournements de fonds dont son président, François Bayrou.
Pour l’instant, le Mouvement démocrate fait corps avec son
fondateur et pygmalion mais cet épisode pourrait aussi marquer une nouvelle ère
de la formation centriste qui pourrait enfin s’émanciper d’une tutelle souvent
écrasante et devenir une vraie force politique et non la «chose» d’un seul.
Dire cela est sans doute (encore) de la politique fiction
mais ce sera aussi une nécessité pour le MoDem s’il ne veut pas être seulement
un épiphénomène alors même qu’il prétend représenter le Centre en France.
Pour autant, il est vrai que la galaxie centriste, depuis
les débuts de la V° République, a été encombrée de partis plus ou moins
éphémères, souvent construits pour des raisons conjoncturelles et
électoralistes.
Reste qu’il faudra également pour montrer sa personnalité
propre que le MoDem s’émancipe un peu plus de LaREM tout en demeurant proche.
Un exercice difficile qui tient en ce qu’il doit montrer
qu’il existe indépendamment du parti présidentiel alors qu’il doit d’être
encore en vie grâce aux largesses électorales d’Emmanuel Macron en 2017.
Sans nul doute que les saillies – dont une grande partie sont
venues de Bayrou en 2019 – continueront parce que le parti doit sans cesse démontrer
qu’il n’est pas qu’un appendice de LaREM tout en évitant de créer une crise où
il aurait tant à perdre.
Quant à l’UDI, on ne se posera pas la traditionnelle question
de son existence tant le parti a été affaibli par son score aux élections
européennes de 2019 (2,5%) et qu’il est devenu inaudible, seul son président,
Jean-Christophe Lagarde étant réellement médiatiquement présent.
Mais, aussi étonnamment que cela puisse paraître, la
formation créée en 2012 par Jean-Louis Borloo est toujours en vie même si elle
existe de moins en moins politiquement.
Les municipales seront un nouveau test pour l’UDI qui a un
nombre important de sortants et qui a réalisé des alliances à géométrie
variable pour les garder, ce qui explique sans doute, en partie, le
rapprochement avec LaREM après les européennes.
Est-ce que cela se concrétisera par une alliance formelle et
l’entrée dans la majorité présidentielle?
Peut-être mais cette entrée aurait sans doute pour effet de
diluer l’UDI dans une masse où elle aurait encore plus de mal à exister alors
que son jeu opportuniste d’être dans la majorité sans y être peut lui rapporter
plus gros.
Cela s’appelle souvent du cynisme politique…
Pour ce qui est du Mouvement radical, son existence tient
autant du miracle que de la nécessité d’exister et de la tradition.
Miracle parce que la nouvelle scission de la fin 2018 où une
partie des anciens radicaux de gauche a claqué la porte juste après la
réunification de tous les radicaux, n’a pas détruit l’œuvre de rapprochement
des différents radicalismes alors que ceux-ci sont souvent prompts à se
chamailler.
Nécessité parce que ceux qui se réclament encore du
radicalisme doivent faire en sorte de le faire vivre indépendamment et non
comme un petit bout d’un autre parti comme ce fut le cas pendant des années
lorsque le Parti radical valoisien était intégré à l’UMP et les Radicaux de
gauche étaient une succursale du PS afin qu’il ne disparaisse pas totalement.
Tradition parce que ceux qui se disent radicaux sont très
fiers qu’il soit «le plus vieux parti de France» et sont attachés à ce qu’il
perdure dans un monde politique où les changements dans ce domaine sont
constants.
En 2020, le mouvement devra choisir entre un nouveau
rapprochement avec la majorité présidentielle et une plus grande indépendance.
Parti d’élus avant tout, son intérêt est dans une alliance
avec LaREM mais cela suppose qu’il soit bien servi électoralement et que la
majorité demeure un pôle d’attractivité, ce que diront en partie les
municipales.
De son côté LaREM va sans doute vivre une année compliquée
mais aussi de nouvelle structuration.
Rappelons qu’il s’agit d’un mouvement ouvert, gratuitement,
à tous ceux qui se sentent proches de la pensée d’Emmanuel Macron et que l’organisation
même de LaREM en fait un rassemblement qui sera toujours plus ou moins
hétéroclite et sujet à des dissensions internes.
C’est d’ailleurs pourquoi, au-delà des départs, des
batailles d’égo, des ambitions personnelles et des divergences de vues, on doit
louer le fait qu’un mouvement créé de toute pièce avant les élections de 2017
qui a permis à son fondateur, non seulement, d’être élu à la présidence de la
république mais, en plus, de disposer d’une majorité absolue (sans alliance) à
l’Assemblée nationale, soit toujours globalement uni et tende toujours vers son
ADN, la réforme progressiste du pays.
Reste qu’évidemment cette prouesse ne vaut en politique que
s’il y a des résultats tangibles dans l’action.
En tant que parti présidentiel, sa première tâche est évidemment
de défendre le président et le gouvernement (c’est pourquoi ses députés ont été
élus), ce qui permet à ses détracteurs de parler de parti «godillot» (comme on
l’a fait en son temps du PS, de l’UMP, de l’UDF) tout en pointant la moindre de
ses dissensions!
Mais il faut également qu’il puisse prendre des initiatives
et conduire des projets ainsi que d’être une force de proposition.
Son hétéroclisme joue ici en sa faveur et l’on a vu un
nombre conséquent d’agissements en relation avec ce triptyque.
Cependant, il reste, comme tout parti présidentiel, inféodé
par nature à l’action du pouvoir exécutif et cet hétéroclisme peut également
être un handicap quand il faut définir une position claire sur tel ou tel
sujet.
Dès lors, 2020 sera encore une année où il faudra continuer
à bâtir un édifice qui pourrait bien disparaître avant même d’avoir été terminé…
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
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