2019 aura été une année difficile pour le Centre en France.
Mais quel déferlement de haine à son encontre!
Le pouvoir centriste a ainsi du faire face à une contestation
le plus souvent radicale et de constants procès en illégitimité agrémentés de
son ingrédient désormais principal, les infox (ou fake news) venus de groupes
divers et variés dont les buts étaient de le faire chuter comme au bon vieux
temps des ligues factieuses de la III° République.
Pire, la violence, les menaces et les insultes se sont
déversées sans modération, des tâches inadmissibles sur le débat politique
franc, serein et argumenté que mérite la démocratie républicaine.
Tous les clientélismes et les conservatismes se sont agrégés
dans un front uni du refus de la réforme progressiste et responsable initiée
depuis 2017 et l’on voit même ce rapprochement entre l’extrême-gauche et l’extrême-droit
qui défilent désormais ensemble.
Pour autant, même si des failles se sont faites jour, le
Centre a fait front au-delà de la polémique partisane à leur encontre souvent
de médiocre qualité.
Quelques dissidences ont défrayé la chronique médiatique
dont celle du fantasque Cédric Villani à Paris mais le cap a été globalement
maintenu même si on a noté des hésitations plus ou moins passagères qui se sont
révélées lors du mouvement de foule des gilets jaunes et des manifestations
syndicalo-politiques.
Les centristes se sont également emparés du Grand débat
national où ils ont montré un certain courage en allant à la rencontre de gens
pas toujours bien intentionnés à leur égard.
► Macron parvient, pas toujours
facilement, à garder le cap de son projet politique
Que ce soit en politique intérieure qu’en politique
extérieure, Emmanuel Macron a maintenu le cap de son projet politique en 2019.
Cela ne veut pas dire qu’il n’a connu que des succès ou qu’il
n’a pas été vertement critiqué par certains mais cela signifie que, dans l’esprit,
il a bien suivi la ligne politique progressiste qu’il a défini dans sa campagne
présidentielle de 2017, demeurant un promoteur exigeant des réformes et en
défenseur, tant en France qu’à l’étranger, de la démocratie républicaine ainsi
que d’une Union européenne puissante.
Bien évidemment, on peut lui reprocher, comme à son
habitude, quelques accents populistes et une «compréhension» que l’on peut
qualifier d’un peu incompréhensible du mouvement de foule des gilets jaunes
(qui, s’il ressemble à sa volonté de revitaliser la démocratie en a
complètement perverti le sens) ainsi que des ambiguïtés dans ses relations avec
la Chine et la Russie où les intérêts de la France ont pris nettement le pas
sur la défense des valeurs humanistes de la démocratie.
Il faut également noter son implication totale dans le Grand
débat national qu’il a lui-même initié, ne ménageant pas sa peine pour venir à
la rencontre des Français, de discuter avec eux pendant des heures entières.
On se félicitera également de ses prises de position pour
une défense européenne, contre le terrorisme, contre les violences contre les
femmes, pour une politique environnementale forte, entre autres.
► L’axe central s’est solidifié et
peut définir la coalition qui soutient globalement Emmanuel Macron et son
gouvernement
L’axe central (regroupement progressiste qui va des libéraux
réformistes de droite aux sociaux libéraux de gauche en passant les libéraux
sociaux du Centre, caractérisé également par sa défense de la démocratie et de
la république libérales) est bien devenu en cette année 2019 le mouvement qui
défend peu ou prou l’action du gouvernement sans pour autant être toujours dans
la majorité présidentielle.
On a ainsi vu les rapprochements des juppéistes (libéraux
réformistes de droite) regroupés dans Agir (avec l’entrée dans le gouvernement d’un
de leurs leaders, Franck Riester), des troupes de l’UDI et de celles du Mouvement
radical avec LaREM qui forme, elle, le tandem du cœur de la majorité
présidentielle avec le MoDem.
Il faut dire que les attaques populistes et extrémistes
contre la démocratie libérale ont rapproché de fait ces divers courants
centraux dans une volonté de ne pas céder du terrain à des factieux qui ont
plus la volonté de casser que de construire, de faire la part belle au
clientélisme plutôt que de rechercher le consensus le plus acceptable pour tous.
De ce point de vue, la grande bataille pour la préservation
de la démocratie libérale, déjà en gestation lors de la présidentielle 2017, a
vraiment commencé en France en 2019.
► LaREM, un soutien sans faille au
président sur fond de dissidence et de départs
Certains adversaires d’Emmanuel Macron se gaussent de ce que
LaREM serait un parti de godillots tout en se félicitant chaque fois qu’un
membre du mouvement énonce une parole dissidente, voire claque la porte!
Ils n’ont toujours pas compris – ou feignent de ne pas le
comprendre – que LaREM est un rassemblement plus ou moins hétéroclite de gens
qui voulaient «faire bouger les choses» et qui ont été séduits par le discours
du candidat Macron en 2017 (même si, dedans, se sont évidemment glissés
quelques opportunistes).
Dès lors, LaREM sera toujours – au moins pour les années qui
viennent – dans l’ajustement et une recomposition continus.
C’est dans son ADN même du «en même temps».
Pour autant, la grande majorité de ses élus affiche toujours
un soutien sans faille au Président de la république et est toujours dans la
volonté d’implémenter des réformes progressistes au pays ainsi que de le
moderniser.
Dans ses rangs, on a pu noter quelques personnalités qui ont
émergé comme Jean-Michel Blanquer, Amélie de Montchalin, Brune Poirson, Marlène
Schiappa, Cédric O, Agnès Pannier-Runacher (au gouvernement); Aurore Bergé,
Sylvain Maillard, Laetitia Avia, Yaël Braun-Pivet, Jean-Baptiste Moreau (dans
le parti).
Un dernier mot sur les élections européennes avec un score
tout à fait estimable vu que le parti est aux affaires même si l’on peut
regretter le manque de charisme (et les bourdes) de la tête de liste, la
pourtant très compétente Nathalie Loiseau.
De même, le groupe Renaissance qui représente la majorité
présidentielle à forte teneur en membres LaREM a montré un certain dynamisme en
particulier en matière environnementale et de lutte contre le réchauffement
climatique.
► Bayrou et le MoDem se cherchent une
identité sur fond de mises en examen
L’année 2019 n’aurait été, ni bonne, ni mauvaise, pour le
Mouvement démocrate s’il n’y avait eu ces mises en examen de ses actuels
dirigeants ainsi que de quelques autres cadres passés et présents du parti dans
l’affaire des attachés parlementaires européens dont il se serait servi pour
son propre fonctionnement loin des tâches que ceux-ci doivent théoriquement
accomplir lorsqu’ils sont payés par l’Union européenne.
L’avenir et la justice dira si cela a constitué ou non des
détournements de fonds publics mais le présent dit que cette affaire a fait
beaucoup de mal, notamment au président du parti centriste, François Bayrou, l’homme
qui a fait de l’honnêteté un slogan électoral et une arme politique contre ses
rivaux, en particulier Nicolas Sarkozy ou Bernard Tapie.
Mais le plus grand défi qui se présente au MoDem, c’est bien
de définir son identité propre et donc son intérêt à exister et sa pérennité.
A part être la formation de Bayrou, celle qu’il avait façonnée
pour être son instrument afin de gagner la présidentielle, est toujours à la
recherche d’une pensée et d’une organisation qui soit autre chose que la dévotion
à son chef et à ses moindres propos d’une troupe de bénis oui-oui (même si
Bayrou n’a sans doute pas totalement abandonné la possibilité de se présenter à
une future présidentielle…).
Les réactions lors de sa mise en examen par les cadres et
les élus du parti est assez emblématique et problématique pour le MoDem.
Le Mouvement démocrate aussi d’une absence de cadres
compétents en nombre suffisant et qui a due être plus ou moins mal colmatée en
2017 lorsqu’il a fallu, par exemple, trouver des candidats à présenter aux
législatives dont certains sont, depuis, devenus députés.
Les déclarations de certains d’entre eux sont souvent
difficiles à comprendre pour des membres d’une majorité présidentielle dont ils
critiquent durement les prises de
position.
Mais il faut dire qu’ils ont de qui tenir!
Car même si François Bayrou s’est montré moins virulent
contre Emmanuel Macron et le Gouvernement, en particulier le Premier ministre,
Edouard Philippe, tombant parfois dans une admiration, voire une idolâtrie
aussi béate que suspecte, il a néanmoins mis plusieurs fois la pagaille dans la
majorité présidentielle, sans doute pour exister et faire exister sa formation
dans une attitude plus politicienne que responsable.
A noter que l’on voit émerger quelques têtes d’un parti où
ceci est assez rare vue l’emprise de son président sur son fonctionnement.
On avait parlé l’année dernière d’un Marc Fesneau, ministre
actuel des relations avec le Parlement, qui s’est fait nettement plus discret
en 2019 depuis sa nomination au gouvernement.
On pourrait citer les Bruno Millienne, Isabelle Florennes,
Nathalie Avy-Elimas, Erwan Balanant, Maud Petit, Bruno Fuchs ou Jean-Noël
Barrot, voire même Marielle de Sarnez, la lieutenante historique de Bayrou, qui
semble un peu s’émanciper de son mentor et dont les prises de position en
matière de politique étrangère (elle est président de cette commission à l’Assemblée
nationale) sont souvent justes.
► L’UDI pour ne pas sombrer s’est
rapproché de Macron
Jean-Christophe Lagarde a voulu y aller, l’UDI y est allée
et… s’est ramassée de belle manière et a perdu tous ses députés!
Voilà comment on pourrait résumer en quelques mots l’aventure
des élections européennes de la formation centriste qui a été un fiasco auquel
tout le monde s’attendait même chez ses membres.
Il faut dire que les 2,5% récoltés lors du scrutin sont sans
doute ce que pèse électoralement le parti (qui n’avait jamais osé jusqu’à
présent se compter dans un scrutin alors même qu’il existe depuis 2012!) même
si sa représentation politique est nettement plus importante et démesurée, ceci
étant du aux alliances systématiques qu’il fait pour avoir des élus.
Lagarde a donc pris le principe de réalité en pleine figure
ce qui l’a obligé peu ou prou à revoir sa stratégie qui, depuis 2016 et le
soutien à François Fillon à la présidentielle, a été un échec sur toute la
ligne.
Et pour ne pas sombrer, c’est donc le rapprochement avec
Emmanuel Macron et la majorité présidentielle qui a été choisie – non sans
quelques grincements de dents à l’intérieur du parti – où l’on n’est plus dans
une «opposition constructive» (pourtant toujours revendiquée) mais dans une «alliance
critique».
Résultat, le vote du Budget par une majorité d’élus de l’UDI
au Parlement, le soutien du candidat LaREM, Benjamin Griveaux, à Paris pour les
municipales (et le soutien, en retour, de LaREM a plusieurs candidats UDI en France)
et des propos beaucoup plus amènes sur la politique suivie, par exemple sur le
réforme des retraites.
On en est parfois même à se demander si la proximité entre
LaREM et l’UDI n’est pas plus forte que celle entre LaREM et le MoDem!
► Les radicaux dans la majorité
présidentielle mais à la marge
Le Mouvement radical existe toujours est c’est sans doute ce
qui suffit à son désormais unique président, Laurent Hénart, après le départ d’une
partie des anciens Radicaux de gauche et de sa «coprésidente», Sylvia Pinel.
Car la réunion des radicaux a, une nouvelle fois, tournée
court alors même que l’on pouvait penser que celle-ci serait plus solide que d’autres
par le passé.
Las! les petites chapelles et les ambitions personnelles
voire les inimitiés ont pris le dessus même si, globalement, l’union a prévalu
auprès de la grande majorité du Mouvement radical.
Mais il ne suffit pas d’être encore en vie… pour exister
politiquement.
Et ici, force est de constater qu’à part quelques
déclarations – en particulier sur la laïcité et l’Europe – et une alliance avec
la majorité présidentielle lors des européennes (et pour les prochaines
municipales ainsi que pour sur certains dossiers), les radicaux n’ont que peu
montré un quelconque dynamisme en cette année 2019.
Car, aujourd’hui, le Mouvement radical ressemble plus à un
club où se réunissent des nostalgiques d’une puissance passée que des membres d’une
formation qui a foi en son avenir.
Pour les radicaux, il faut absolument que l’année qui vient
de s’éoucler, ait été une année de transition.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
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