Comment remporter le plus de villes, avoir le plus d’élus
locaux tout en se présentant comme le meilleur défenseur du Centre et le plus
unitaire possible tout en gardant sa spécificité, voilà le challenge qui se propose
aux partis centristes pour les municipales de mars prochain et qui a des allures
de quadrature du cercle.
Le point de départ n’est pas le même pour ces formations et
le rapport de force semble disproportionné, pas toujours dans le sens où on le
pense.
La situation présente est que LaREM n’a encore jamais été
confrontée à une élection municipale au cours de sa jeune existence et part
donc avec pratiquement zéro mairie et conseiller municipal dans sa besace (même
si certains membres du parti avait un mandat municipal lors de sa création
quand d’autres, dans le même cas, l’ont rejoint depuis).
Ce n’est pas le cas du Mouvement démocrate (et du Mouvement
radical) qui possède quelques mairies et élus municipaux et, surtout, l’UDI qui
en possède le plus chez les centristes.
Voilà qui ne manque pas de piquant parce que le poids
politique de chaque formation citée est inversement proportionnel à leurs élus
municipaux…
Ainsi, à part le Mouvement radical, l’UDI est celle qui est
le moins lotie en députés et qui représente le plus petit nombre d’électeurs au
niveau national, suivi du MoDem et de LaREM qui, dans ce domaine, est
hégémonique.
Mais cette force électorale nationale ne joue pas forcément
en faveur du plus puissant, en l’occurrence LaREM.
Le parti présidentiel n’a effectivement pas l’ancrage local
(il n’a pas participé non plus à des élections départementales ou régionales)
et un tissu d’élus et de relais pour être toujours en position de force, loin de
là.
En revanche, c’est le cas de l’UDI, plus que du MoDem.
Sauf que…
Pour garder leurs fiefs municipaux et leurs élus, l’UDI et
le MoDem sont obligés à des alliances car ils ne peuvent, ni l’un, ni l’autre,
prétendre à gagner seuls.
Lors des précédentes élections municipales, l’UDI était
l’alliée de feue l’UMP (aujourd’hui LR) et le MoDem avait joué la carte
«girouette», c'est-à-dire d’avoir des alliances tout azimut, de la droite à la
gauche de l’échiquier politique.
Si ces deux formations tentent de refaire cette même
stratégie qui leur a plutôt réussie (il ne faut pas oublier, quand même, que
lors des municipales de 2014, le PS alors le parti le plus puissant avait connu
une véritable gifle qui avait profité à tous ses concurrents, ce qui ne sera
pas le cas en 2020), elles se heurtent à des impasses pour le MoDem (comment
faire partie d’une majorité présidentielle tout en s’alliant avec des
adversaires de celle-ci!) et à la faiblesse de l’ancien partenaire (LR pour
l’UDI).
Cela aurait pu profiter à LaREM si cette dernière avait été
unie et avec une stratégie claire.
Or ce n’est pas le cas.
Nombre de ses membres ont décidé d’aller à cette élection
non-investis par celui-ci, voire en dissidents ou, mieux encore, en opposants!
Le cas de Cédric Villani, député LaREM, candidat à Paris
contre le candidat officiellement investi, Benjamin Griveaux, après une
procédure qu’il avait pourtant accepté et aujourd’hui allié avec EELV, une des
formations les plus critiques de la majorité, est emblématique des problèmes
que rencontre le parti présidentiel avec ses investitures.
Parce qu’il faut immédiatement ajouter que LaREM n’est pas
une formation «normale».
Tout le monde peut y adhérer, sans payer une cotisation et
venir d’où bon lui semble politiquement.
Ce qui favorise, évidemment, les opportunismes lors de
victoires, les départs lors de difficultés et la possibilité de se
désolidariser du parti quand on a des ambitions personnelles que celui-ci ne
vous offre pas tout en profitant de son passage.
Reste que cela n’est pas la seule explication de ses
problèmes.
LaREM a également des difficultés à trouver des candidats de
poids dans certaines villes et est obligée d’investir ou de soutenir des candidats dont on ne sait pas trop s’ils
seront ou non proches du pouvoir après l’élection (notamment s’ils gagnent), ce
qui rend ce rendez-vous de mars assez énigmatique et épineux pour les troupes
d’Emmanuel Macron.
D’autant qu’elles se retrouvent également sous la pression
peu amicale de François Bayrou et des siens qui veulent, à la fois, se façonner
une identité dans une «indépendance» souvent de façade, mais aussi garder leurs
alliances contradictoires et improbables au nom de leur «liberté» du même acabit.
Le cas de Paris évoqué plus haut est là aussi emblématique
puisque Bayrou ne veut pas soutenir Griveaux et ce dernier ayant des sondages
peu reluisants, LaREM n’a pas les moyens, pour l’instant, de contrecarrer efficacement
la fronde du leader du MoDem qui pourtant n’a pas les moyens de la mener jusqu’au
bout...
Paradoxalement, le meilleur allié de LaREM pour ces
municipales semble être l’UDI alors même que son président, Jean-Christophe
Lagarde, considère son parti comme étant toujours dans une «opposition
constructive» même si les rapprochements entre les deux formations sont
évidentes ainsi qu’une approbation de plus en plus claire de la part de Lagarde
de la politique de Macron.
Pour l’UDI, au-delà d’une proximité politique, il s’agit
évidemment de trouver un partenaire plus solide que LR (même si des alliances
avec ce dernier perdureront) et de (re)trouver une place dans le débat
politique après la déculottée des élections européennes de juin dernier (2,5%
des voix), voire de toujours exister après mars prochain.
Du coup, elle devient une concurrente pour le MoDem qui voit
sa «relation privilégiée» avec LaREM, tellement vantée par Bayrou, possiblement
s’affaiblir, ce qui serait un désastre pour ce parti qui n’existe nationalement
que part la grâce des cadeaux que Macron lui a fait pour les législatives.
Nous sommes donc dans un cas de figure que certains
pourraient qualifier d’ubuesque: des partis centristes globalement alliés mais concurrents
déterminés à faire valoir leur bout de gras et leur pré carré au risque d’aller
chercher des alliances chez les autres.
Le tout, alors même qu’ils devront faire face à une opposition
de toutes les autres forces politiques, même s’ils seront parfois des allés de certaines
d’entre elles!
Les trois mois qui restent avant les municipales ne seront pas
de trop pour clarifier cette situation qui rappelle un peu trop le vaudeville.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC