samedi 7 décembre 2019

Actualités du Centre. Grande Bretagne – Législatives: pourquoi les centristes sont à la traîne dans les sondages?

Jo Swinson, présidente des Lib dems
Alors qu’ils avaient obtenu des résultats très encourageants lors des dernières élections européennes et locales, les Liberal democrats semblent se diriger vers un demi-échec lors des élections législatives du 12 décembre prochain au Royaume Uni.
Pourtant, leur position dure anti-Brexit et Remain (maintien dans l’UE) ainsi que leur programme sociale et libérale auraient du leur permettre de convaincre nombre d’électeurs qui ne veulent pas sortir de l’Union européenne (les sondages indiquent qu’ils sont une majorité aujourd’hui dans le pays) et qui ne souhaitent pas la politique néolibérale que prépare Boris Johnson mais qui ne veulent pas non plus de cette politique crypto-communiste que propose Jeremy Corbin avec la nationalisation de pans entiers de l’économie britannique.
Or, ce n’est pas ce qui se passe et les sondages le confirment avec un petit 13% d’intentions de vote de moyenne et, sans doute, moins de vingt députés à la Chambre des communes (dû en partie à un système électoral très injuste puisque majoritaire à un tour).
Pourquoi cette incapacité à créer une dynamique qui est pourtant réelle dans le pays non seulement chez les électeurs centristes mais également chez les modérés des Tories (conservateurs) et du Labour (gauche)?
Il semble que la position dure sur le Brexit ne soit pas vue aussi favorablement même par ceux qui luttent contre une sortie de l’Union européenne.
Car les Lib dems veulent stopper le processus dès leur arrivée au pouvoir sans procéder à un nouveau référendum, ce qui est mal perçu par une partie des électeurs souhaitant pourtant demeurer dans l’UE comme eux.
Ceux-ci préfèreraient en effet l’organisation d’un autre référendum seul capable selon eux d’annuler les résultats du premier alors que les centristes estiment que leur victoire dans un scrutin démocratique validerait d’elle-même le Remain.
Plus profondément, les Lib dems souffrent d’un déficit de confiance dû à leur catastrophique passage au pouvoir lors de leur alliance avec les Conservateurs dans le gouvernement de David Cameron, de 2010 à 2015, où leur leader, Nick Clegg, en fut le vice-premier ministre (rappelons que c’est le même Cameron, après sa réélection comme premier ministre à la tête d’un gouvernement sans les centristes qui organisa le référendum sur la sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne…).
A l’époque, toutes les promesses électorales des centristes furent contredites par leur acceptation des politiques mises en œuvre par Cameron suscitant un très fort mécontentement de leurs électeurs qui leur infligèrent lors des législatives suivantes une véritable correction qui a traumatisé le parti et qui a éloigné de lui nombre de personnes qui partagent pourtant ses positions mais qui ne croient plus en sa sincérité (ou qui ne sont pas encore prêts à le faire).
On peut aussi ajouter que la polarisation politique au Royaume Uni entre une droite populiste qui s’est radicalisée (à l’instar du Parti républicain aux Etats-Unis) et une gauche tout aussi populiste (et qui joue une radicalisation qui ressemble à celle de La France insoumise), laisse un espace réduit aux centristes.
On le voit bien dans les propos plus ou moins scandaleux tenus par le premier ministre conservateur actuel, Boris Johnson, dont certains n’ont rien à envier à ceux de Donald Trump, et de ceux du chef des Travaillistes, Jeremy Corbyn, avec des accusations récurrentes d’antisémitisme, déclarations qui ne leur causent pas plus de préjudice que cela auprès de leurs soutiens…
Enfin, les Liberal democrats souffrent également d’un système qui valorise le bipartisme, leur laissant permettant, quand cela est possible, d’être un parti charnière comme ce fut le cas lors de leur passage au pouvoir avec Cameron.
Mais, pour le moment, tout indique que c’est une victoire large des Conservateurs qui se dessine avec une possible majorité absolue à la Chambre des communes.


Vues du Centre. Mais quelle est la vraie ambition d’Emmanuel Macron?

Par Jean-François Borrou & Alexandre Vatimbella

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes.
Alexandre Vatimbella est le directeur du CREC

Au moment où, à l’occasion de la réforme des retraites comme ce fut le cas lors du mouvement de foule des gilets jaunes, certains pressent Emmanuel Macron de ne pas céder à la rue (et à tous ceux qui se cachent derrière) pendant que d’autres l’incitent à lâcher du lest de manière plus ou moins importante.
Loin de nous de vouloir faire une psychanalyse ou de prétendre que nous lisons dans les pensées du Président de la république, mais l’on peut se demander tout de même qu’elle est son ambition à la tête du pays.
Nous ne nous appesantirons pas plus que cela sur cette ambition qui est celle – normale – d’une personne qui veut devenir président de vouloir le pouvoir, la puissance et la première place dans le pays.
Oui, comme tous ceux qui sont passés par l’Elysée, sans exception, il faut vouloir être président pour le devenir, il faut avoir cette envie en y pensant souvent – Nicolas Sarkozy avait eu cette formule devenue célèbre, «j’y pense tous les matins ne me rasant» – d’autant que le combat pour y parvenir est âpre, que l’on se fait insulter et ridiculiser sans cesse avant et après son élection et que l’on est souvent plus prisonnier de la fonction qu’autre chose.
Mais Emmanuel Macron, lui qui vient d’abord de la société civile, a toujours expliqué de manière convaincante qu’il aurait une vie après sa présidence et qu’il ne s’était présenté que pour faire et non comme un simple aboutissement à une carrière administrativo-politique comme ce fut le cas pour un Valéry Giscard d’Estaing, un Jacques Chirac ou un François Hollande, tous trois sortis de l’ENA, voire comme le terminus d’un parcours politique comme François Mitterrand ou Nicolas Sarkozy.
Pour autant, son ambition politique est forte parce qu’il s’est assigné à lui-même une mission au-delà de convictions partisanes, celle de moderniser et réformer la France pour quelle retrouve, selon lui, son lustre passé et puisse compter sur l’échiquier mondial dans le futur tout en faisant en sorte que la nation puisse enfin réaliser les promesses de sa devise – liberté, égalité, fraternité – dans une société réellement méritocratique avec une démocratie, à la fois, renouvelée et refondée sur les bases de la réalité du XXI° siècle.
Cette tâche est immense, peut-être démesurée, voire prométhéenne, mais c’est sa profonde conviction et sa certitude qu’il a résumées dans son ouvrage-programme, «Révolution» et qu’il appelle le progressisme face à tous les conservatismes qui empêchent le pays d’aller de l’avant.
Dès lors, l’abandon des réformes, de la modernisation et de la refondation de la démocratie et de la république dont il estime que le pays a besoin – et que tout Français sait qu’elles le sont – serait en réalité l’abandon de ce pourquoi il a voulu de venir président.
Et s’il appelle cela une révolution, c’est parce qu’il est convaincu que le pays a non seulement besoin d’un électrochoc salutaire mais que son programme permettrait aux Français de passer dans une autre dimension.
On le voit bien dans deux épisodes de sa présidence, lors de la réforme de la SNCF (que les cheminots veulent toujours lui faire payer) et dans le mouvement de foule des gilets jaunes (où ses opposants ont voulu trouver un moyen de le chasser du pouvoir).
Dans le premier, sa détermination n’a pas faibli parce qu’il ne faisait pas semblant de réformer comme beaucoup de ses prédécesseurs mais parce qu’il était habité par l’absolu nécessité de changer la donne.
Dans le second, c’est son «en même temps» qui a été ébranlé puisqu’il se retrouvait face à une contestation qui était essentiellement populiste et démagogique avec l’emploi de la violence, tout ce qu’il rejette et qu’il veut empêcher pour une république ferme et moderne qu’il appelle de ses vœux, mais aussi face à un mouvement qui venait d’en bas et qui demandait une plus grande prise en compte et considération des petits, surtout, la possibilité de pouvoir être quelqu’un ce qui rejoignait un de ses principaux desseins, une démocratie réellement méritocratique, tout ce qu’il appelle également de ses vœux.
D’où la fermeté en ce qui concerne la réforme de la SNCF et des hésitations pour ce qui du mouvement de foule des gilets jaunes avec, notamment, l’organisation du Grand débat national qui était tout sauf de la poudre de perlimpinpin à ses yeux.
Pour ses électeurs venant principalement de l’axe central et du Centre – et les sondages le montrent –, la poursuite de son ambition jusqu’au bout est la raison même de leurs votes à la présidentielle pour l’élire puis à aux législatives pour lui donner une majorité afin de la mettre en œuvre.
Cela est d’autant plus important pour Emmanuel Macron de demeurer fidèle à son objectif de départ, c’est que cette mission n’a sans doute pas pour lui vocation à se transformer en une structure pérenne dans le futur, une fois celle-ci réalisée.
Plus concrètement, En marche! puis La république en marche, sont plus des outils à se disposition pour accomplir cet objectif et mener cette mission que la création d’un parti politique à l’existence longue et diffusant une idéologie partisane monolithique.
Un recul voire un abandon pour l’un des buts qu’il s’est assignés seraient sans doute, pour lui, d’abord une défaite politique plus qu’une défaite personnelle mais, en même temps, un revers pour ses convictions personnelles mais pas partisanes.
Certainement ce serait, toujours pour lui mais aussi pour tous ceux qui l’ont suivi dans son projet politique, un grave questionnement sur sa légitimité et une cassure nette de ce même projet.

Jean-François Borrou & Alexandre Vatimbella