dimanche 17 novembre 2019

Actualités du Centre. Le MoDem et l’UDI appellent à un «Grenelle du XXI° siècle» pour un «capitalisme à visage humain» et «écologique»

C’est une tribune inédite que vient de publier le quotidien Le Parisien puisqu’elle est signée par des hauts responsables du Mouvement démocrate et de l’UDI, les deux partis centristes pourtant concurrents.
Il s’agit, d’une part, de Patrick Mignola, le président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, de Jean-Christophe Lagarde, le président de l’UDI et d’Hervé Marseille, le président UDI du groupe Union centriste u Sénat.
Et, nous apprend Le Figaro, cette tribune a été écrite, sinon avec l’aide de François Bayrou, en tout cas avec son autorisation.
Ceci est étonnant puisque le MoDem et l’UDI ne sont pas des alliés (sauf au Sénat afin de constituer un groupe politique mais où ses membres ne votent pas souvent dans le même sens), le premier étant dans la majorité présidentielle et le second dans un entre-deux assez nébuleux actuellement mais plutôt dans une «opposition constructive» comme le soutiennent ses responsables.
De même, les deux présidents, Bayrou pour le MoDem et Lagarde pour l’UDI ne s’apprécient guère depuis qu’ils ont décidé de faire bande à part, chacun de son côté, en 2007, le premier en créant le Mouvement démocrate, le second en participant à la création du Nouveau Centre puis de l’UDI en 2012.
Mais ce qui semble plus étonnant encore, c’est de se demander pourquoi le MoDem est allé chercher l’UDI – qui ne fait donc pas partie de la majorité – pour signer ensemble une telle tribune et pas LaREM?
Patrick Mignola a beau dire dans une interview à franceinfo, «je suis sûr que La République en marche partage aussi cet objectif», en tout cas, elle ne partageait pas l’envie de signer un texte commun de la sorte.
En outre, on ne voit pas ce que le Mouvement démocrate a à gagner en signant un texte avec l’UDI qui, elle, peut avoir un intérêt, celui de se rapprocher de la majorité par ce biais en vue des municipales et de l’après-municipales.
Mais si l’UDI entre dans la majorité présidentielle se sera au détriment du «dialogue exclusif» entre le parti de Macron et celui de Bayrou auquel ce dernier tient tant.
Que dit ce texte?
Que, devant les menaces de la rue et la manifestation syndicale du 5 décembre prochain, il ne faut rien de moins que le Gouvernement organise avec les représentants des chefs d’entreprise et ceux des salariés, un «Grenelle du XXI° siècle» où l’on parlera essentiellement de rémunération du travail et de son ajustement avec la transition écologique, le tout afin de «lutter contre les inégalités».
On est un peu partagé sur l’opportunité de ce texte après les nouvelles dégradations du mouvement de foule des gilets jaunes hier dans les rues de Paris et les appels à l’insurrection des partis d’extrême-gauche qui sont derrière la plupart des syndicats qui ont appelé à manifester le 5 décembre.
S’agit-il avant tout d’une peur avec ce rendez-vous, le «Grenelle» qui aboutirait à céder à la rue de manière «légale» et «institutionnalisée» en sauvant la face (ce qu’a fait en partie mais en partie seulement, le Grand débat) ou d’une volonté réelle de créer un consensus dont on ne voit absolument pas les syndicats que l’on vient de citer et ceux qui les soutiennent politiquement le rechercher, leur but étant de mettre Emmanuel Macron dehors.
Dans ce cas, il s’agirait d’une mauvaise interprétation des volontés de ces organisations, ce qui ressemblerait à une faute politique.
Toujours est-il que ce texte n’est pas forcément une aide pour le Président de la République et le Gouvernement.

► Voici le texte de la tribune «Pour une conférence sociale / Lutte contre les inégalités»

 La France serait à la veille d'une nouvelle convulsion. Pourtant le Gouvernement et la majorité ont traduit en actes, et en argent public, les mesures d'urgence sociale voulues par le Président de la République. Baisse d'impôts sans précédent, baisse de charges salariales, prime d'activité, prime Macron, heures supplémentaires défiscalisées … Et pourtant, les Français souffrent toujours et peinent à croire en un espoir collectif.
Les clignotants économiques ont beau passer au vert, le pays reste démoralisé. Pire, il se morcelle en catégories corporatistes, territoriales, et même cultuelles qui se vivent en compétition, parfois en confrontation.
Notre devoir est de répondre à cette dépression. Pour dessiner, sans attendre le 5 décembre, le chemin vers un sursaut national. Le gouvernement doit convoquer une grande conférence sociale. Elle devra rassembler les forces vives, et en particulier les représentations patronale et syndicale. Tendons-leur la main, sur le modèle de la mobilisation nationale pour l'emploi et la transition écologique, qui tarde trop à se concrétiser.
Le 5 décembre, il n'y aura ni vainqueurs ni vaincus, il y aura toujours un pays en proie au doute et des responsables politiques, économiques et sociaux qui auront l'obligation d'apporter des réponses. L'Etat a mis sur la table des solutions et des financements. Peut-être insuffisants, ou imparfaits, ou mal répartis mais il a fait sa part du chemin. Plutôt que de le laisser seul face à la rue, tous les acteurs sociaux doivent se retrouver pour inventer la grande négociation collective, le Grenelle du XXIe siècle.
Il y a consensus sur les origines du mal: dans une mondialisation désordonnée et surtout dérégulée, le capitalisme provoque plus que jamais des inégalités grandissantes. Chaque Français sent bien que la croissance générale profite principalement à quelques-uns, dans un phénomène d'accélération exponentielle. C'est un phénomène mondial que nous devons apprendre à maîtriser.
En dix ans, la rémunération du capital a augmenté 7 fois plus vite que la rémunération du travail. Force – et gêne – est de constater que, durant l'année des Gilets jaunes, les distributions de dividendes ont battu leur record historique et que les émoluments des patrons du CAC 40 ont crû de 14%. Qu'on soit de droite, du centre ou de gauche, cette seule énonciation provoque l'indignation, explique la révolte. C'est donc le rééquilibrage entre le prix du travail et celui du capital que cette conférence sociale doit négocier.
Nous martelons tous, depuis des lustres, que le travail doit mieux payer. Il faut le faire enfin. Le gouvernement a augmenté le pouvoir d'achat en allégeant la feuille d'impôt, les entreprises et les syndicats doivent s'accorder pour augmenter la feuille de paie. Car il s'agit bien sûr d'argent pour vivre mieux et pouvoir participer au grand défi de la transition écologique: manger mieux, se déplacer mieux, habiter mieux, nécessite d'être mieux payé. Penser un capitalisme à visage humain est redevenu urgent. C'est ce que nous demandons au gouvernement et aux représentants élus du monde patronal et syndical : nous devons bâtir ensemble un élan national, qui réconcilie les Français autour de la lutte contre les inégalités. Telles peuvent être les prémices d'un projet qui rassemble la France.


Une Semaine en Centrisme. Les Français ne croient plus au clivage gauche-droite selon les sondages… mais le pratique assidument!

Le questionnement sur la persistance d’un clivage gauche-droite est récurrent dans les médias qui commandent à périodes répétées des sondages qui sont autant de tartes à la crème.
Le dernier en date nous vient de l’institut Ifop réalisé pour Le Figaro.
Et, sans surprise, les sondés estiment, tous bords confondus, que le clivage «ne veut plus dire grand-chose et est dépassé à 64% ou «à encore un sens mais n’est plus le clivage dominant» à 27%.
Seuls 9% affirment qu’il continue à jouer un rôle important.
Si l’on regarde les résultats selon les proximités politiques, 56% des sympathisants LaREM, 67% de ceux du MoDem, 58% de ceux de LR, 44% de ceux du PS, 57% de ceux de EELV, 73% de ceux du RN, 53 de ceux de LFI et 81% de ceux qui disent n’avoir aucune proximité avec aucune des formations politiques répondent que le clivage est dépassé.
A l’inverse, on ne trouve que 6% des sympathisants de LaREM, 3% de ceux du MoDem, 8% de ceux de LR, 16% de ceux du PS, 7% de ceux d’EELV, 8% de ceux du RN, 20% de ceux de LFI et 6% de ceux sans proximité avec un parti politique qui disent que ce clivage demeure important.
Si l’on détaille les résultats par grands courants politiques, 56% du Centre, 51% de la Gauche, et 59% de la Droite pensent le clivage dépassé.
A noter que 61% des électeurs d’Emmanuel Macron lors de la présidentielle de 2017 disent que le clivage est dépassé (76% pour ceux de Marine Le Pen) et 6% qu’il est important (8% pour Le Pen).
Tout cela serait très clair et limpide si tous les votes de ces mêmes Français ainsi que leurs positionnements sur la plupart des questions politiques, économiques, sociales et sociétales ne contredisaient absolument ces résultats et montrent que ce clivage est bien réel et en pleine forme!
Un sondage réalisé par l’institut Ipsos en mars 2018 (lire ici) est, de ce point de vue, très révélateur des contradictions des Français sur cette question.
Ainsi, 70% (soir plus que dans ce sondage de 2019) affirmaient que ce clivage était dépassé mais ajoutaient dans la foulée à 71% qu’«être de gauche et de droite c’est pas pareil» et à 62% qu’«il existe de vraies différences entre la gauche et la droite».
Si l’on comprend bien les réponses des sondés, le clivage est dépassé mais nous la pratiquons quotidiennement parce que nous croyons qu’il existe et qu’il est pertinent…
Au-delà des résultats de ces enquêtes, nous pouvons constater tous les jours que toutes les grandes questions qui traversent la sphère politique au sens large sont traitées de manière partisane et idéologique où chacun se positionne au centre, à droite et à gauche.
Bien entendu, cela ne veut pas dire que d’autres clivages ne peuvent se surajouter à celui de l’échelle gauche-centre-droite, voire à mieux structurer cette dernière.
Celui qu’Emmanuel Macron a mis à l’honneur entre «progressistes» et «conservateurs» existe bien et traverse le paysage politique autrement que celui entre la gauche et la droite.
Mais on peut être progressiste différemment et être, de multiples manières, conservateur tout en restant avant tout de gauche, du centre ou de droite.
On pourrait ajouter d’autres clivages comme celui entre les «mondialistes» et les nationalistes», entre ceux qui sont écologistes et ceux qui ne le sont pas (l’écologie n’étant pas le domaine réservé d’EELV), etc.
De même, il y a nombre de clivages «secondaires» qui peuvent se révéler lors de débats sur des questions précises comme on l’a vu récemment avec la PMA et la GPA.
On peut se demander pourquoi ce clivage, alors même qu’il est utilisé sans cesse par chacun pour se positionner (positivement, «je suis du centre», par exemple ou, négativement «je ne suis pas d’extrême-droite»), est rejeté dans les sondages par les Français.
Si l’on peut comprendre que les sympathisants centristes soient plus enclins à penser que le clivage est obsolète, eux qui militent pour un large rassemblement autour d’une vision équilibrée de la politique, il est étrange qu’une majorité de sympathisants des partis extrêmes, RN et LFI le prétendent alors même que leurs critiques vis-à-vis du pouvoir en place est essentiellement idéologique (gouvernement qui brade la France pour l’extrême-droite, président des riches pour l’extrême-gauche).
Il est, bien sûr, tentant d’utiliser les justifications des personnes interrogées mais ce serait aller dans le sens de leurs réponses oxymoriques «il n’y a plus de clivage mais je crois et pratique ce clivage»!
Dès lors, on peut penser qu’il y a une sorte, à la fois, de désabusement dans les croyances idéologiques dont les Français estiment qu’aucune n’est réellement pertinente ou ne détient la vérité à elle seule, et, en même temps, d’estimer que ce que l’on pense politiquement est une vérité qui transcende les clivages partisans, c’est-à-dire en réactivant ces derniers de manière encore plus prégnante!
Toujours est-il qu’il faut rappeler, in fine, que l’échelle gauche-centre-droite n’est qu’un outil qui permet de pouvoir placer les différentes idéologies et opinions politiques.
Et qu’à preuve du contraire, elle demeure la plus pertinente pour cet exercice même si elle n’est pas la seule à pouvoir être utilisée.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC

(Sondage Ifop réalisé par internet les 5 et 6 novembre 2019 auprès d’un échantillon de 1007 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus / Méthode des quotas / Marge d’erreur de 3 points)