«Pour nous un responsable politique
ne doit pas être binaire ou caricatural. J’ai voté pour la partie recettes du
budget, qui contient des baisses d’impôts que nous demandions, des suppressions
de niches que nous proposions et un déficit contenu. Le Gouvernement a commencé
à savoir nous écouter.»
Si Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, a décidé de
voter en faveur de la première partie du projet de loi de Finances de 2020,
cela n’a pas été le cas d’une partie des députés de son parti qui se sont abstenus.
En revanche, aucun n’a voté contre.
Ce basculement de position par rapport aux deux années précédentes
montre l’effectivité du rapprochement entre l’UDI et la majorité présidentielle
même s’il faut attendre le vote global du Budget, à la fois, à l’Assemblée
nationale et au Sénat pour voir si celui-ci est bien réel ou n’est qu’une sorte
de poudre de perlimpinpin qui consisterait à se dire à la fois dedans et dehors
(la majorité et l’opposition), la posture marchant dans les deux sens.
Toujours es-t-il que Lagarde avait déjà indiqué qu’il
pourrait voter le Budget (qui est un acte de confiance dans le gouvernement et
est assimilé à un soutien politique à ce dernier), tout en réaffirmant qu’il
demeurerait dans une «opposition constructive», sorte de comportement
oxymorique qui ressemble plutôt à la possibilité d’adopter, sans vergogne, toutes
les attitudes possibles dans le plus pur opportunisme, permettant ainsi de
ménager l’avenir de tous les côtés.
Néanmoins, s’il se révèle bien réel dans les semaines et les
mois à venir, qu’est-ce que ce rapprochement peut apporter à l’UDI?
Immédiatement, sans doute pas grand-chose mais assez
rapidement la possibilité de négocier officiellement de parti à parti afin de
faire alliance avec LaREM pour les élections municipales ou d’obtenir (comme
c’est déjà le cas dans certaines villes) le soutien du parti présidentiel pour
ses maires sortants.
Maintenir la présence de l’UDI dans le tissu local et
surtout municipal est en effet le premier objectif de Lagarde après la déculottée
des élections européennes et celui-ci ne peut être réalisé qu’avec des
alliances et des soutiens (rappelons que le parti ne pèse que 2,5%
nationalement et qu’il n’a eu des élus jusqu’à présent que dans le cadre
d’alliance avec d’autres partis, essentiellement LR et ses prédécesseurs).
A moyen terme, un rapprochement peut être plus bénéfique
avec, à clé, des alliances en vue des législatives, voire une entrée au
gouvernement.
Voilà qui de quoi
inquiéter le partenaire «privilégié» (ou celui qui se présente comme tel ou
celui qui voudrait être son seul interlocuteur) de LaREM dans la majorité
présidentielle, le MoDem, et surtout son chef, François Bayrou.
Celui-ci a déjà vu rappliquer dans la majorité
présidentielle plusieurs formations de l’axe central dont les libéraux de
droite et juppéistes d‘Agir ainsi que les Radicaux (même si ces derniers
montrent de la mauvaise humeur actuellement dans le choix des investitures pour
les municipales).
Car une «majorité plurielle» n’est pas du tout ce que
souhaite le président du Mouvement démocrate qui préfère nettement un duo où il
peut jouer la carte de l’égal du délégué général de LaREM, Stanislas Guérini,
voire du Premier ministre, Edouard Philippe (en jouant au premier ministre
bis…).
Celui qui s’est intronisé le confident d’Emmanuel Macron a
tout à craindre et à redouter d’un élargissement de la majorité présidentielle
à d’autres centristes organisés.
Or s’il semble peu probable qu’il soit remplacé par Jean-Christophe
Lagarde dans la fonction plus ou moins fictionnelle de confident, en revanche,
le MoDem pourrait avoir à partager ses investitures avec l’UDI, voire les
postes au Gouvernement et dans les assemblées parlementaires, ce qui
l’affaiblirait grandement.
Et comment pourrait-il s’y opposer sachant que le MoDem,
seul, ne représente pas beaucoup plus nationalement que l’UDI (sans doute
autour de 5%) et que s’il a des élus nationaux aujourd’hui, c’est uniquement
grâce à Emmanuel Macron et pas du tout à sa puissance électorale qui est
quasiment nulle s’il décidait de se présenter seul à un scrutin.
D’ailleurs, il convient de ne pas oublier que LaREM possède
la majorité absolue à l’Assemblée nationale et peut donc légiférer sans l’aide
du MoDem.
Ce dernier, en 2017, avant le soutien de Bayrou à Macron
pour la présidentielle, était une formation en grand danger de disparition.
Et il suffirait d’une défaite aux prochaines présidentielle
et législatives du président et de de son parti pour que son existence soit
remise en question… ou un changement de partenaire de LaREM.
De ce point de vue, Jean-Christophe Lagarde serait
certainement moins ingérable que François Bayrou qui ne cesse d’irriter ses
alliés auxquels il doit tout.
En tout cas, s’il devait y avoir une intégration de l’UDI dans
la majorité présidentielle, il est à prévoir une belle lutte entre les deux hommes.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des Etudes du CREC