Bernie Sanders & Elizabeth Warren |
Bien sûr, Donald Trump peut se faire destituer avant
la prochaine présidentielle au train où les révélations se succèdent à propos
de ses agissements inconstitutionnels ou être si impopulaire et déconsidéré
après ses multiples comportements et décisions illégales ou dangereuses pour le
pays qu’il n’ose se représenter.
Mais si tel n’est pas le cas, la gauche, notamment
celle du Parti démocrate, peut-elle le faire réélire?
Cette hypothèse n’est ni farfelue, ni même impossible
parce que ce cas de figure s’est bien déroulé, en partie, en 2016 où les
attaques frontales de la gauche démocrate et du prétendant socialiste à la
primaire démocrate, Bernie Sanders (qui n’est pas membre du Parti démocrate)
contre Hillary Clinton, portent une part de responsabilité dans la défaite de
la centriste, ce que lui-même et ses partisans passent largement sous
silence depuis mais qui est une faute politique lourde au vu de la présidence
catastrophique de Donald Trump.
La gauche peut ainsi le faire réélire de deux
manières.
La première est si les électeurs des primaires
démocrates choisissent un candidat très «liberal» (comme Elizabeth Warren) ou
socialiste (comme Bernie Sanders) pour représenter le parti lors de la
présidentielle.
La deuxième est si, comme en 2016 pour Hillary
Clinton, les extrémistes de gauche du Parti démocrate mènent une guette ouverte
contre le candidat centriste (comme Joe Biden) qui sera choisi lors de la
Convention démocrate de Milwaukee.
La première hypothèse, n’en déplaise aux soutiens
d’Elizabeth Warren de Bernie Sanders, n’est pas encore à l’ordre du jour même
si elle ne peut être écartée, le vote des primaires n’ayant pas commencé.
Parce que quelques sondages éparses et peu fiables,
ont donné Warren en tête des intentions de vote pour la primaire démocrate,
cela a suffit à ses admirateurs – dont certains médias de gauche
français… – de décréter que la sénatrice du Massachussetts était désormais la
favorite de ce scrutin.
Or, les derniers sondages fiables (CNN, Fox News, The Hill,
Politico, Survey USA) donnent entre 8 et 15 points d’avance au centriste Joe
Biden à la primaire (et 10 points et plus pour l’élection générale de novembre
2020, plus que tout autre prétendant démocrate).
Cependant, si tel était le cas, si Warren ou Sanders
devaient représenter le Parti démocrate, il est évident qu’une déperdition
beaucoup plus importante de l’électorat démocrate et «independents» centristes
mais aussi de celui républicain modéré aurait lieu par rapport à la déperdition
de l’électorat de gauche et d’extrême-gauche si un centriste était le candidat
officiel.
La deuxième hypothèse est plus vraisemblable et inquiétante
parce qu’elle s’appuie sur un précédent mais aussi sur une réalité plus
prégnante aujourd’hui d’un électorat de gauche plus nombreux et plus sectaire,
moins ouvert à voter pour des centristes qu’il considère souvent comme des gens
de droite.
Même s’il s’agit de New York, ville traditionnellement très
«liberal» (même si elle a élu nombre de maires républicains…), le meeting
populaire d’Elizabeth Warren au Washington square park où plus de 20.000 jeunes
sont venues l’acclamer et celui de Bernie Sanders dans le Queens où il a reçu
le soutien de la représentante et égérie de la gauche de la gauche du Parti
démocrate, Alexandria Ocasio-Cortez, sont des preuves de cette radicalisation
dont on rappelle qu’elle a été voulue et provoquée par le Parti républicain
dans sa radicalisation à droite et dans son refus total de collaborer avec les
démocrates, notamment avec Barack Obama lors des huit années de sa présidence.
Néanmoins, le plus probable dans cette élection si
particulière que sera la présidentielle de 2020, on peut supputer que le rejet
de Trump fera que tous ses adversaires s’uniront et se retrouveront sur le vote
du démocrate centriste qui sera face à lui (ce qui ne sera moins le cas pour un
démocrate de gauche, comme on la dit).
Le procès en diabolisation du Centre par la gauche
américaine qui assimile les centristes à des républicains habillés en
démocrates aura sans doute un effet limité, voire nul parce que Trump qui, avec
son discours populiste démagogue, avait fait semblant de s’intéresser au sort
des plus défavorisés n’a été suivi d’aucune mesure économique ou sociale en
leur faveur, pire, toutes les décisions prises par ce dernier ont bénéficié aux
plus riches.
Cependant, on n’oublie pas dans cette équation qu’il n’a
fallu que le déplacement de quelques milliers de voix ainsi que quelques
milliers d’électeurs démocrates ne se rendant pas aux urnes pour faire gagner
Trump grâce à un nombre de grands électeurs supérieurs alors même qu’il a perdu
le vote populaire de près de trois millions de voix.
Reste que la responsabilité historique que porteraient
l’aile gauche démocrate et les socialistes, s’ils faisaient perdre le candidat
démocrate semble trop lourde pour que le scénario de 2016 se reproduise même si
la vigilance doit être de mise.
L’autre problème avec la gauche, c’est sa capacité à
faire perdre les prochaines élections législatives et sénatoriales de 2020
(couplées avec la présidentielle) au Parti démocrate avec, d’une part, un
discours très à gauche et, d’autre part, la présentation de candidats qui ne
peuvent pas gagner du fait de leur extrémisme politique.
Ce discours très à gauche risque fortement de
décourager beaucoup d’«independents» centristes de se déplacer pour voter pour
le parti mais aussi la grande majorité des républicains qui ne sont pas
radicaux et qui souhaitent se débarrasser à la fois de Trump et d’élus
populistes et extrémistes.
Quant à l’extrémisme de certains démocrates, il était
déjà visible en 2018 avec les victoires emblématiques comme celle de la
newyorkaise déjà évoquée Alexandria Ocasio-Cortez qui avait réussi à battre un
élu installé de longue date lors des primaires puis à être élue à la Chambre
des représentants lors de l’élection générale.
Mais, comme l’ont souligné les analyses des résultats,
les «gauchistes» démocrates n’ont été élus que dans des circonscriptions où le
parti est hégémonique, c'est-à-dire où un républicain n’a strictement aucune
chance de gagner.
A l’inverse, les activistes de gauche – très
présents dans les votes lors des primaires comme le sont les activistes de
droite au Parti républicain – qui avaient permis à des candidats très
«liberals» de s’imposer dans des primaires où l’élu au Congrès était
républicain, ont été incapables de faire élire aucun de leurs poulains alors
que les démocrates centristes ont réussi, pour leur part, à faire battre nombre
de républicains dans ces mêmes circonscriptions.
D’où ce risque réel que le démocrates ne soient pas capables
de gagner la majorité au Sénat en 2020 (avec le renouvèlement d’un tiers de ses
membres) mais, surtout, de perdre celle à la Chambre des représentants.
Au vu de tout ce que l’on vient de dire, il faut s’attendre
à ce que Trump et les républicains mettent en place une stratégie pour booster les
chances de la gauche d’être face à eux et, par conséquent, de booster leurs
chances de l’emporter…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC