Joe Biden & Donald Trump |
Voici donc le scandale
qui va peut-être conduire à l’«impeachment» (destitution) ou à la démission de
Donald Trump.
Il s’agit de cette
tentative de Donald Trump d’obtenir de la part du président ukrainien,
Volodymyr Zelenski, un «qui pro quo», c’est-à-dire, pour la loi américaine, de
l’obtention de quelque chose pour quelque chose (concept de contrepartie
contractuelle).
Celui-ci, en l’espèce,
était de promettre de débloquer l’aide militaire américaine à l’Ukraine (que la
Maison blanche venait de geler quelques jours auparavant de manière totalement
illégale puisqu’il ne peut s’agir que d’une décision du Congrès) contre l’obtention
d’une enquête à charge de la justice ukrainienne contre le fils du favori démocrate
pour la prochain présidentielle, Joe Biden, afin de discréditer ce dernier et
de l’éliminer la course que Donald Trump veut remporter en 2020.
C’est évidemment un crime
extrêmement grave de la part d’un président américain puisqu’il s’agit d’un
chantage envers une puissance étrangère pour une question personnelle et afin
de fausser une élection tout en utilisant les moyens et les agents de l’Etat et
en mêlant son avocat personnel (en l’occurrence Rudy Giuliani).
Cette affaire est en
train de prendre une ampleur sans précédent alors même que Trump a déjà commis
des actes répréhensibles à foison.
Mais il semble qu’enfin
ce soit la goutte qui fait déborder le vase.
Qu’est-ce qui a pu
bien passer par la tête du populiste démagogue de la Maison blanche ?
La croyance qu’il est
intouchable ? l’idée que cette conversation téléphonique ne serait jamais
dévoilée (le président ukrainien, ancien comique professionnel, semblant être
un admirateur inconditionnel de Trump) ? la volonté de créer un scandale
pour mobiliser ses troupes en se faisant passer, comme il ne cesse de la répéter,
pour la victime d’une chasse aux sorcières des démocrates et des médias ?
voire tout cela à la fois ?
Ou touche-t-on une
nouvelle fois aux limites intellectuelles du personnage que n’ont eu de cesse
de pointer ceux qui ont travaillé avec lui.
Toujours est-il que
cette tentative de qui pro quo qui devait salir définitivement Joe Biden avait
trois raisons principales.
La première est que
Biden est le grand favori de l’élection avec une avance très conséquente sur Trump
(globalement entre 8 et 14 points) qui ne s’est jamais vue dans les sondages à
cette époque pré-électorale lointaine (la présidentielle aura lieu en novembre
2020) et qui est, selon les spécialistes, quasiment irrattrapable.
La deuxième est que le
positionnement au centre de Biden allié à sa popularité chez les cols bleus
(qui avaient voté en masse pour Trump en 2016) est une force électorale du démocrate
que le président sortant aura énormément de difficulté à mettre à mal sauf à
trouver des «boules puantes» contre lui.
Dès lors, en l’éliminant
dès à présent ou le plus tôt possible de la course à la présidence, il permet
la victoire d’un représentant de la gauche du Parti démocrate (comme Elizabeth
Warren), voire d’un socialiste (comme Bernie Sanders) qu’il estime plus facile
à battre parce qu’ils rebuteront l’électorat modéré républicain et, surtout,
les «independents» (les électeurs non-affiliés à un parti) centristes et même,
peut-être, des démocrates modérés.
La troisième est que
Biden a été le vice-président d’une des personnes que déteste le plus Trump au
monde: Barack Obama.
Ce dernier élément n’est
pas à prendre à la légère dans les agissements du populiste parce que la
victoire de Biden serait, en quelque sorte, une victoire d’Obama alors que
depuis trois ans Trump tente systématiquement de supprimer toutes les
législations adoptées et mises en œuvre entre 2009 et 2O16, faisant une véritable
fixation sur son prédécesseur dont on se rappelle qu’il l’a attaqué pendant des
années en prétendant faussement que celui-ci n’était pas américain.
Sans oublier que Barack
Obama est la personnalité politique préférée des Américains et que donc son «héritier»
bénéficiera de cette popularité lors de l’élection, surtout s’il a été son
vice-président.
Si l’on n’a pas en
tête ces trois raisons qui font du centriste Biden la bête noire total de Trump, on ne
peut comprendre qu’il ait pris ce risque énorme de demander à une puissance étrangère
de déconsidérer un candidat à la présidentielle de la plus vieille et la plus
grande démocratie de la planète.
Un risque qui peut
enfin réhabiliter cette démocratie si elle permet de le chasser du pouvoir.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC