Lors de la campagne présidentielle, les accents
populistes d’Emmanuel Macron avaient été remarqués et avaient interpelé même
s’ils étaient demeurés minoritaires en rapport avec son positionnement central.
De même, En marche ! devenu LaREM s’était plutôt
positionné comme un mouvement citoyen également central lors des législatives
qui avaient suivi.
Pour autant, la volonté de récupérer à son profit le
mécontentement populaire concernant la « classe politique » posait
déjà question quant à un discours qui pouvait adopter la posture « eux
contre nous » très caractéristique du populisme qui tend à évincer du
corps social les soi-disant élites qui ne travailleraient pas pour le
« peuple » mais pour elles-mêmes, voire pour des puissances occultes
où tous les fantasmes complotistes se mélangent...
La crise du mouvement de foule populiste des gilets
jaunes qui a pris de court la majorité présidentielle avec sa violence
exacerbée, a amené les dirigeants de LaREM – sans doute choqués exagérément –
à, sinon vouloir le récupérer, en tout cas, démontrer que leur organisation
n’était pas un parti comme les autres mais bien cette agglomération de citoyens
« normaux » qui menait le même combat que les manifestants affublés
d’un gilet jaune et, surtout, ceux qui les soutenaient dans les sondages.
Depuis la fin du Grand débat national, le changement
de discours est une évidence.
Reste à savoir s’il s’agit de l’« acte II »
de LaREM, celui où l’idée serait d’être le porte-voix de toutes les doléances
venues d’en bas, une sorte de relais entre ce « peuple » en défiance
et le gouvernent au défi de prendre en compte cette nouvelle donne supposée.
Pour l’instant, il est trop tôt pour affirmer qu’il y
a un réel changement de ligne politique d’autant que dans les propos des mêmes
dirigeants de LaREM, on parle toujours de réformes indispensables, de
responsabilisation, de méritocratie, un discours au soubassement centriste.
Mais, très clairement, si tel devait être le cas,
l’indispensable mise à niveau du pays serait sans doute sacrifiée sur l’autel
de la popularité et de l’électoralisme.
Ce serait un mauvais coup pour tous ceux qui estiment
qu’Emmanuel Macron n’a pas été élu pour être populaire mais pour remplir une
mission de la plus haute importance.
Reste qu’une partie du discours tenu aujourd’hui, tant
au gouvernement qu’à LaREM et même dans la bouche du Président de la
République, peut être particulièrement dangereux pour le pouvoir.
Ainsi, s’il n’est pas basé sur du concret, il pourrait
inciter ceux qui s’estimeraient trompés par ce « faux »
« tournant populiste » – même si rien n’indique à l’heure actuelle
qu’il s’agit vraiment de cela – à s’arcbouter encore plus contre le pouvoir en
place, notamment par des actes plus violents qui trouveraient un écho dans la
« majorité silencieuse ».
Et ils pourraient, a contrario, inciter ceux qui ont
encore confiance dans son agir à lui tourner le dos par dépit.
Le cas de la réforme des retraites est emblématique de
ce positionnement du « tout à la fois » et non plus du « en même
temps ».
Ici, on promet qu’il faut une réforme profonde – ce
pourquoi on a été élu – tout en promettant qu’on écoutera ce
« peuple » et ses desideratas et que la réforme sera, in fine, celle
qu’ils décideront même si elle n’est que superficielle.
On voit bien la contradiction du processus qui
aboutira, soit à renier la volonté des électeurs (et à mettre le système des
retraites dans une situation très difficile), soit à s’assoir sur des
revendications irresponsables d’un mélange d’opposants, d’émeutiers et de
corporatistes (qui de toute façon estimeront toujours qu’on ne va pas assez
loin en leur faveur).
Autant dire que LaREM joue gros mais n’en a peut-être
pas une conscience aussi forte quand on écoute certains de ses responsables qui
semblent avoir endossé le costume du populiste aussi facilement qu’ils avaient
endossé celui du réformateur.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC