François Bayrou |
François Bayrou était donc venu apporter la bonne parole –
pardon, sa bonne parole – au Campus des territoires organisé ce week-end à
Bordeaux par LaREM.
Dans une intervention courte (voir la transcription ci-dessous)
– à la demande des organisateurs qui connaissent sa propension aux discours
sans fin «à la soviétique» –, le centriste a délivré des improbables leçons de
sciences politiques et d’histoire afin d’illustrer ses thèses pour le moins
contestables.
Ainsi, dans une envolée lyrique en faveur d’une défense de
la démocratie – ce qui ne peut qu’être salué –, le voilà qui nous explique que
celle-ci n’a cessé de reculer dans le monde depuis les années cinquante et
soixante alors que c’est exactement le contraire!
Car s’il faut bien sonner le tocsin sur les attaques
convergentes des extrêmes et des populistes contre la démocratie républicaine
ces dernières années, il n’en reste pas moins vrai que les régimes
démocratiques (avec plus ou moins de défauts) se sont développés.
Et de prendre comme exemple de régression de cette
démocratie la Chine est assez surréaliste quand on se rappelle les dizaines de
millions de morts de Mao, sans compter les camps de rééducation et la négation
totale de l’individu pendant des décennies.
Oui, Xi Jinping est un Mao aux petits pieds mais il n’est
que son (in)digne successeur et non le fossoyeur d’un quelconque régime
démocratique (à part, sans doute et tristement, celui de Hongkong dans un futur
plus ou moins proche).
Quant au Brésil, autre exemple de la régression démocratique
selon Bayrou, rappelons que le pays a connu pendant vingt ans, de 1964 à 1985, une
des pires dictatures militaires d’Amérique du Sud.
Autre liberté avec l’Histoire récente, cette présentation de
lui-même en allié de la première heure d’Emmanuel Macron.
Les oreilles de ce dernier ont du siffler tellement on se
rappelle la hargne avec laquelle le président du MoDem a déversé son fiel
contre celui qui allait lui piquer ce qu’il considérait comme sa place à
l’Elysée…
Mais tout cela s’est agrémenté d’une leçon encore plus
extravagante de sciences politiques.
Selon François Bayrou, un maire ne remplirait pas une
«fonction politicienne», tout comme… le Président de la République.
Il serait une sorte d’ovni car non-élu sur un programme
politique avec le soutien de partis politiques et, surtout, sans positionnement
politique partisan.
Petit rappel à l’attention de l’éminent professeur que la
politique – (venu du grec πολιτικός (politikos) puis traduit en latin par politicus puis
dans notre langage vernaculaire par politique) –, c’est littéralement, la
gestion de la «polis», qui signifie dans notre bonne vieille langue française,
cité!
Plus largement, le terme «politique» désigne aujourd’hui un
ensemble de pratiques, de faits, d’institutions et de décisions du gouvernement
d’une communauté, allant d’un Etat à un village…
Autre petit rappel: de tout temps, le maire a été, au moins
dans les villes d’une certaine importance, un politique engagé idéologiquement
et ayant une étiquette partisane bien claire.
Comme Chirac, Delanoë et Hidalgo à Paris, Chaban et Juppé à
Bordeaux, Defferre et Gaudin à Marseille, Médecin, Peyrat et Estrosi à Nice, Barre
et Collomb à Lyon, Mauroy et Aubry à Lille, Trautmann et Keller à Strasbourg,
Baudis père et fils et Moudenc à Toulouse, Delmas et Frêche à Montpellier, etc.
pour ne rappeler que les plus marquants des édiles des grandes villes du pays
depuis une trentaine d’années.
Mais, pourquoi me direz-vous, François Bayrou avait besoin
de dire tout cela.
Parce que, d’une part, il s’est intronisé depuis quelque temps
maintenant en «sage» de la macronie (ce qui fait beaucoup rire tous ceux qui
connaissent les sautes d’humeur et l’absence de recul de l’homme) et, d’autre
part, parce qu’il est venu défendre son bout de gras pour les élections
municipales (où sa défense du girondisme par le leader d’un parti le plus centralisé
de France a du faire s’esclaffer les mêmes) afin de tenter de contrer
l’offensive de ses «amis» de LaREM qui comptent bien présenter des candidats dans
tous les endroits où ils ont une chance de l’emporter sans réellement de
préoccuper si cela fera du bien ou non au MoDem et à son président.
Car, derrière cet introuvable «maire apolitique» vanté par
Bayrou, il y a, par exemple, celui de Bordeaux et successeur d’Alain Juppé,
avec lequel le Mouvement démocrate est allié et contre lequel a été investi un
candidat par LaREM.
On comprend bien que l’apolitisme dont il est question est
éminemment… politique.
N’est-ce pas monsieur le maire de Pau qui ne devait votre fauteuil
qu’à la volonté d’Alain Juppé de vous réintroduire dans le jeu…politique?!
Centristement votre
Le Centriste
► Voici le texte de
l’intervention de François Bayrou
J’ai des choses extrêmement simples à vous dire. Et je le
dis en pensant naturellement au Premier ministre Edouard Philippe, au
gouvernement qui l’entoure, aux parlementaires qui font la vie de la majorité
et à tous les animateurs d’En Marche, et aussi de ce grand courant central du
pays que nous formons tous ensemble. Courant qui vient de loin et qui va
relever les défis immenses qui sont aujourd’hui devant nous. C’est de ces défis
dont je voudrais vous dire un mot.
Nous sommes en train de vivre aujourd’hui quelque
chose qui ne s’était pas produit dans l’histoire de France, d’Europe et du
monde depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il y avait, depuis celle-ci, le
sentiment partagé, généralisé, qu’au fond, la démocratie était le mouvement
naturel des sociétés, et que cette démocratie allait peu à peu s’enraciner dans
toutes les nations du monde et d’abord de l’Europe.
Et la démocratie, qu’est-ce que c’était ? Deux choses
très simples qui sont en elles-mêmes des défis : la première, c’est que
les peuples peuvent avoir la lucidité, la force et la volonté de choisir leur
destin en choisissant leurs dirigeants, de choisir leur modèle de
société en choisissant leurs dirigeants ; et la deuxième chose, c’était
qu’il était mieux de rassembler que de séparer, il était mieux de choisir la
compréhension mutuelle que de cultiver les rancunes, les rancoeurs et les
détestations.
C’était sur ces principes et ces valeurs que l’Europe avait
choisi de vivre.
Il se trouve - nous en avons l’illustration, notamment en
Grande-Bretagne - que se sont développés parmi les peuples, des sentiments
extrêmement puissants qui pour la première fois depuis 75 ans, vont en sens
inverse des idéaux que nous croyions acquis.
Et ceci présente devant chacun de nous, un défi à l’échelle
du siècle.
Un très grand nombre de peuples vivent désormais sous une
autre loi qui est extrêmement simple : il n’est plus accepté partout que ce
soient les peuples qui choisissent leurs dirigeants, et il n’est plus accepté
partout que les sentiments de compréhension, de reconnaissance mutuelle,
sont ceux qui vont régir les relations à l’intérieur des sociétés et entre les
peuples.
Vous voyez ce qui se passe aux Etats-Unis, au Brésil, dans
l’immense Chine, et chez nous, avec la remise en cause de ce projet qui était
le projet-même de notre société : le projet européen.
Nous sommes devant un événement qui était il y a encore
trois ans, totalement inattendu. C’est grâce à l’élection d’un homme jeune,
différent, original et volontaire, qui est Emmanuel Macron, que la France
allait envoyer au monde, un signal inattendu. Nous sommes nombreux dans cette
salle à pouvoir attester que ce mouvement de renaissance, de résurgence, de
vitalité du pays, a été entendu et regardé et partout ailleurs, au delà de nos
frontières.
Nous avons ce mouvement en charge car ce n’est pas sans
raisons que la démocratie recule.
Elle recule pour deux raisons principales.
La première est que ce doit être une loi de la sociologie :
les passions sont plus fortes que la raison. On le vérifie dans nos vies à
tous. Les passions négatives sont plus fortes que les passions positives. Il
faut donc mobiliser beaucoup plus de forces pour reconstruire cela.
La deuxième raison, qui est pour nous un programme de
travail, c’est que les sociétés que nous avons construites ont laissé se
développer des fractures inédites et extrêmement difficiles à combattre entre
le sommet - ou ceux qui se croient tels - et la base de la société - ceux qui
travaillent, ceux qui sont à la retraite, ceux qui sont au chômage.
Et on a vu en France-même, au moment des Gilets jaunes,
apparaître, s’exprimer, flamber des sentiments négatifs nés de cette
fracture-là. Il n’y a pas de défi plus important à relever que celui de
réunir l’unité du pays en permettant à tous les citoyens de participer aux
grands choix qui sont ceux de la nation.
J’ai été extrêmement fier du G7. Non pas seulement parce
qu’il se déroulait dans les Pyrénées-Atlantiques ! J’en profite pour
vous apporter le salut de ces départements, de cette région et des grandes
villes, à commencer par Pau, Bayonne, Biarritz, Mont-de-Marsan, Agen, que nous
avons entrainées autour de ce grand mouvement central.
Aux yeux de tous les Français qui croyaient que cette
rencontre allait être seulement un événement à grand spectacle, qui comme
d’habitude, n’allait pas servir à grand-chose, sauf faire des photos souvenirs,
on a vu grâce au président de la République, et grâce à la séquence inédite,
qu’il a assumée : « Je viens vous dire ce que je vais essayer de faire.
Je ne suis pas sûr d’y arriver. Je multiplie les événements, pour que cela
apparaisse aux yeux de tous, dans le monde. Et je viens après vous rendre
compte. » Grâce à cette séquence inédite-là, alors les Français ont vu que
la volonté politique pouvait changer les choses, y compris à la surface de la
planète et à l’échelle des continents.
Et c’est cette réconciliation, cette cicatrisation dont nous
avons la charge.
Nous avons maintenant des échéances devant nous. Ces
échéances peuvent susciter des débats entre nous qui sont normaux et je crois,
salutaires. Je voudrais vous dire un mot de cette préparation aux municipales
dans laquelle nous sommes tous engagés.
Je sais très bien qu’il y a dans les mouvements politiques,
il y a la préoccupation des investitures, des commissions, des "qui va
être choisi", ...
Je voudrais vous dire comme maire - et je ne suis pas tout à
fait seul : Edouard Philippe est devant moi, qui a été, est moralement et
peut-être sera, maire du Havre - je voudrais vous dire qu’un maire, ce n’est
pas une fonction politicienne.
Un maire, d’une certaine manière, à l’image de la fonction
présidentielle - ce sont les deux seules fonctions qui ont un lien direct,
personnel, humain avec la communauté de ceux qui les élisent – un maire,
ça n’est pas un enjeu partisan, c’est quelque chose d’autre. Un maire, c’est
une personnalité, une attention à ses concitoyens, une vision, et ça ne peut
pas se résumer à un combat d’étiquettes.
Et si on voulait transformer l’élection municipale partout
en France en une élection d’affrontements de partis, alors il y aurait deux
inconvénients graves :
- le premier, c’est que nous trahirions la vision que nous
avons développée devant les Français qu’on appelle girondine : l’idée que
la légitimité, elle s’enracine. Elle ne vient pas toujours du sommet, et
elle ne vient pas d’un seul lieu de commandement, elle vient de l’ensemble de
notre pays ;
- et deuxièmement - je souhaite me tromper dans cette
annonce - si on choisissait de transformer l’élection municipale en élection
d’appareil contre appareil, alors on serait sûr de perdre. Ce sont deux
inconvénients majeurs parce que c’est évidemment très difficile de faire un
enjeu d’appareil quand cet appareil est au pouvoir.
Tous les politologues vous expliqueront que ces élections
sont assez souvent le moyen d’appeler à de la sanction plutôt qu’à du
soutien.
Mais pour moi l’essentiel, c’est la légitimité locale, la
légitimité du pouvoir enraciné, la proximité, la familiarité, la compréhension,
- j’allais dire - l’amitié que les citoyens voient dans les yeux de leur maire.
Si nous savons prendre en compte cela, la gravité de l’heure, et d’autre part
la nécessité d’une compréhension nouvelle entre les responsables et les
citoyens, alors je suis sûr que nous serons en mesure de relever le défi qui
nous est présenté aujourd’hui, tous ensemble !