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Emmanuel Macron devant la cathédrale Notre-Dame |
Rassurons d’abord nos lecteurs (et renvoyons dans leurs
fantasmagories malsaines les complotistes), il ne s’agit pas ici de parler d’un
quelconque plan machiavélique qu’aurait mis en œuvre l’Elysée pour se sortir
des problèmes du moment en mettant le feu intentionnellement à Notre-Dame et à
jouer sur la fibre de l’unité nationale.
Pour ceux qui sourient et qui ne seraient pas au courant,
cette thèse est évidemment présente sur le web et ses réseaux sociaux dès le
départ de l’incendie de la cathédrale parisienne…
Non, ce que l’on veut mettre en lumière, c’est le même
objectif qui ressort de la volonté de reconstruire Notre-Dame «en cinq ans»,
selon Emmanuel Macron, un temps très court qui veut donner l’image et la
nécessité d’une mobilisation totale autour de cette cause et celle de proposer
une nouvelle donne politique à la suite du Grand débat national avec des
mesures mais aussi une volonté de changer la société.
Un objectif qui est d’ailleurs celui qui était au cœur de la
campagne d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017 et qui
était contenu dans son livre-programme, Révolution.
Il y rappelait d’abord ce qu’était, selon lui, la fonction
présidentielle:
«Un président n’est pas seulement
investi d’une action. Il porte aussi, de manière moins visible, tout ce qui
dans l’Etat transcende la politique. Les valeurs de notre pays, la continuité
de son Histoire, et, de manière cachée, la vigueur et la dignité d’une vie
publique.»
Et il écrivait, dans l’introduction de l’ouvrage:
«Je suis convaincu que notre pays a la force, le ressort,
l’envie d’avancer. Il a l’Histoire et le peuple pour le faire.»
Surtout, dans sa conclusion il
indiquait sa vision de son quinquennat s’il était élu:
«Je veux que mon pays redresse la tête et, pour cela,
retrouve le fil de notre Histoire millénaire: ce projet fou d’émancipation des
personnes et de la société. Ce dessein est le dessein français: tout faire pour
rendre l’homme capable.
Je ne peux me résoudre à voir une France qui a peur et ne
regarde que ses souvenirs, une France outrancière qui insulte et exclut, une
France fatiguée qui stagne et qui gère.
Je veux une France libre et fière de ce qu’elle est. De son
Histoire, de sa culture, de ses paysages. De ses mille sources qui convergent
vers nos mers, de ses montagnes. De ses femmes et de ses hommes qui ont
traversé tant d’épreuves et n’appartiennent à personne.
Je veux une France qui transmette sa culture, ses valeurs.
Une France qui croit en sa chance, risque, espère, n’admet jamais la rente
indue, le cynisme repu. Je veux une France efficace, juste, entreprenante, où
chacun choisit sa vie et vit de son travail. Une France réconciliée qui
considère les plus faibles et fait confiance aux Français.
Tout cela, me direz-vous, ce sont des rêves. Oui, les
Français ont par le passé rêvé à peu près cela. Ils ont fait la Révolution.
Certains même en avaient rêvé avant. Puis nous avons trahi ces rêves, par
laisser-faire. Par oubli. Alors oui, ce sont des rêves. Ils réclament de la
hauteur, de l’exigence. Ils imposent de l’engagement, notre engagement. C’est
la révolution démocratique que nous devons réussir, pour réconcilier en France
la liberté et le progrès. C’est notre vocation et je n’en connais pas de plus
belle.»
Les tâches qui se trouvent devant lui avec la reconstruction
de Notre-Dame et la refondation du lien social du pays lui donnent ainsi
l’occasion de mettre en pratique sa vision politique qui l’a conduit à
l’Elysée.
Peut-il y parvenir est la question centrale alors qu’il va
fêter les deux ans de son élection bientôt.
Son positionnement central (voir centriste) est évidemment
un atout dans ce domaine puisque, loin des clientélismes de Gauche et de
Droite, le Centre porte en lui un projet consensuel autour d’une agrégation des
volontés individuelles dans le cadre d’un lien social modernisé.
Néanmoins, il ne faut pas non plus évacuer le caractère
volontariste de l’action d’Emmanuel Macron qu’il partage avec nombre d’hommes
et de femmes politiques dont Barack Obama ou Nicolas Sarkozy.
Or, le volontarisme, s’il séduit les peuples et les
électeurs, est aussi souvent une façade devant un réel beaucoup plus complexe,
fluide et changeant où l’action humaine trouve des limites et où la volonté est
loin d’être suffisante pour dicter aux événements leur direction et où la
résolution des problèmes ne peut faire fi de la réalité.
A l’inverse, le volontarisme est capable d’insuffler des
énergies qui peuvent permettre de solutionner des états de fait qui ne changent
pas parce qu’on ne s’y attaque pas, peu ou mal.
Ainsi, pour être reconstruite rapidement, Notre-Dame a
évidemment besoin de ces énergies volontaristes que porte en lui Macron pour
mobiliser les Français, tout comme un certain nombre de réformes progressistes
qui doivent permettre, sinon de changer le pays, au moins de l’adapter à la
réalité et lui permettre, non seulement, d’être mieux capable de les affronter mais
de les utiliser en sa faveur et celui de sa population.
De ce point de vue, oui, la reconstruction de Notre-Dame et
la rénovation de notre société à partir du Grand débat national procèdent de
cette volonté du Président de la République qui a certainement été l’un des
piliers de son engagement politique.
A lui, in fine, de nous démontrer qu’il peut le faire.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
JeanLouis Pommery
Directeur des études du CREC