Voici un théorème d’une clarté aussi évidente que sa
simplicité, presque un truisme tautologique: s’il n’y avait pas des gens pour
voter en leur faveur (et/ou les soutenir, et/ou les suivre dans leur
aventurisme), les populistes ne seraient qu’un épiphénomène dans les démocraties
républicaines et le populisme serait concentré dans les bas-fonds des
comportements humains les plus détestables, sans aucune chance de prendre le pouvoir.
C’est souvent vrai également des totalitarismes qui
parviennent au pouvoir par les urnes ou par un soutien manifeste d’une grande
partie de la population.
Rappelons maintenant cette autre évidence: dans une
démocratie, vous n’êtes élu que si l’on vote pour vous.
Aucun des 62.984.825 d’Américains qui ont voté pour Donald
Trump n’ont été contraints de le faire.
De même, aucun des 13.418.517 d’Allemands qui ont voté pour
Hitler en 1932 et aucun des 11.737.021 de
ceux qui ont voté pour le parti nazi la même année n’ont été contraints de le
faire.
Et ceci est, depuis toujours, une inquiétude majeure pour la
démocratie.
Dans le cas de Trump,
rien de ce qui se passe aujourd’hui, même ses mensonges et ses reniements,
n’est une surprise.
Dès lors, l’on doit
convenir de deux choses.
Soit les électeurs de
Trump sont des crétins, soit ce sont des gens dangereux, soit les deux comme le
sous-entendait sans doute avec raison Hillary Clinton lors de la campagne
présidentielle (ce qui lui a valu les critiques, non seulement, des soutiens de
Trump mais aussi des médias de la bien-pensance).
Car ici on ne parle
pas des vrais-faux électeurs de Poutine, des soutiens virtuels de Xi et autres
autocrates qui manipulent les scrutins ou rédigent eux-mêmes les comptes-rendus
des résultats des élections qu’ils ont truquées...
Ici on parle des
électeurs de la première puissance du monde qui est, surtout, la première et
plus grande démocratie du monde sur le plan de son approfondissement et de son
antériorité.
Des électeurs qui,
selon les décomptes des enquêteurs spécialisés du Washington Post et du New
York Times ont voté pour un personnage qui, depuis le début de sa présidence, a
menti ou travesti la réalité plus de huit mille fois!
Et que dire des
Allemands qui, dans un sondage effectué dès après la défaite désastreuse de
leur pays en 1945, estimaient majoritairement que le nazisme était une bonne
idée qui avait été mal appliquée.
Et ça, ça fait froid
dans le dos et ce genre de résultat est ce qui est vraiment le plus terrifiant
pour la démocratie.
Ici on parle d’un pays
qui avait un développement et une culture qui auraient du l’empêcher de tomber
dans un tel abîme en 1933.
Mais, puisque nous sommes dans les chiffres, continuons.
Un sondage aux résultats particulièrement dérangeants a été
publié récemment aux Etats-Unis dans lequel, en échange d’une augmentation
annuelle de leur salaire de 10%, 34,98% des personnes interrogées,
abandonneraient leur droit de vote à toutes les élections à vie et 9,13%
abandonneraient le droit de vote de leur enfant ou futur enfant à toutes les
élections à vie…
Et, pour bien montrer que les Etats-Unis ne sont pas une
exception, dans un autre sondage, un tiers des Français ne seraient pas opposés
à un régime autoritaire en France.
Et on pourrait continuer à égrainer les chiffres alarmants
telle une triste litanie récitée à l’enterrement de la démocratie.
Dès lors, le constat est limpide: la démocratie républicaine
a plusieurs ennemis qui souhaitent sa mort et c’est souvent à l’intérieur
d’elle-même qu’elle en compte le plus.
Car, si à l’extérieur, il ya tous les régimes autoritaires
et dictatoriaux ainsi que le terrorisme prôné et mis en œuvre par toutes les
organisations qui exècrent la liberté et les valeurs humanistes, à l’intérieur,
il y a évidemment tous les relais de ceux que l’on vient de citer, ceux qui
partagent leurs idéologies.
Surtout, bien sûr, il y a le populisme démagogique qui
(re)monte à la surface sans avoir jamais vraiment disparu, l’hydre que nos
démocraties républicaines semblent incapables de détruire définitivement parce
qu’entre autres, il utilise leurs armes et leurs principes, ce qui le rend
particulièrement dangereux.
Ainsi, c’est au nom d’élections gagnées démocratiquement que
les gouvernements polonais et hongrois mais aussi le président des Etats-Unis
(qui affirme qu’il peut s’autoamnistier en cas de condamnation par la justice
de son pays) restreignent les libertés, critiquent les droits de l’homme et
prennent des dispositions qui font régresser la démocratie républicaine.
C’est au nom du droit de la majorité à gouverner que l’on
tente de marginaliser et de réduire au silence toutes les oppositions.
Face à ces pratiques, face à ce danger réel, comment donc la
démocratie républicaine peut-elle empêcher le populisme et ses électeurs de la
tuer?
D’abord en rappelant fermement qu’elle n’est pas simplement
le gouvernement de la majorité.
Si celle-ci a le droit de gouverner, elle ne peut détruire
le cadre dans lequel elle agit.
Surtout, elle ne peut jamais s’octroyer des pouvoirs
exorbitants.
La dictature de la majorité n’est pas un régime démocratique
mais un régime dictatorial.
Or, rien n’empêche actuellement dans la plupart des pays
démocratiques, une majorité de changer les règles, lorsqu’elle gagne des
élections et même si ses victoires sont sur le fil, voire même sans obtenir la
majorité des voix, comme Trump aux Etats-Unis.
De toute façon, la démocratie n’est pas la volonté
toute-puissante d’une majorité aussi large soit-elle.
Elle est le régime qui garantit à un individu des droits
inaliénables, ne serait-il plus que le seul à les réclamer et à les utiliser,
la liberté d’aller et venir, de choisir son présent et son futur, d’exprimer
publiquement son opinion sans qu’il ne soit interdit de le faire ou d’être
réprimé pour l’avoir fait.
Dès lors, il est important de faire en sorte qu’aucun
pouvoir, aucune majorité ne puissent attenter à ses droits de quelque manière
que ce soit.
C’est ainsi qu’ils doivent être garantis en interdisant de
les supprimer de manière directe ou indirecte.
Et que cette interdiction figure dans les lois fondamentales
de chaque démocratie, que ce soit dans une Constitution, une charte ou un
document particulier.
Certains diront que cela n’empêchera pas de le faire par la
force.
Sans doute mais alors nous aurons basculé dans autre chose
qui s’appelle un régime autoritaire voire une dictature mais plus dans une
démocratie.
Voilà qui évitera son instrumentalisation comme c’est le cas
en ce moment, comme ce fut le cas de nombreuses fois au cours de l’Histoire.
Voilà qui empêchera ce «peuple» – qu’on évitera de qualifier
de «bon» comme certains –, si jamais il existe vraiment, de s’en prendre aux
valeurs fondamentales de la démocratie, surtout aux droits fondamentaux et
inaliénables de l’individu.
Oui, les électeurs des populistes et des extrémistes sont
dangereux et doivent être combattus par tous ceux qui défendent la démocratie
républicaine.
Affirmer le contraire, c’est céder à un politiquement
correct qui conduit inexorablement à un démocratiquement incorrect.
On évitera ainsi que les bénéficiaires de la démocratie
républicaine et de ses bienfaits puissent en être potentiellement les premiers
fossoyeurs…