L’ouvrage d’Alexandre Vatimbella «L’individu du XXI° siècle,
le grand prédateur de la démocratie?» vient de sortir aux Editions du CREC.
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Voici
les premières pages de l’ouvrage:
L’individu du XXI° siècle est un «individu-monde
culturellement métissé médiatiquement mondialisé mondialement connecté» qu’il
le veuille ou non. Qu’il l’accepte ou qu’il le rejette, il est dans ce monde
comme il est, obligé, s’il n’est pas proactif de celle-ci, d’être consentant de
la réalité qui l’entoure due en partie à l’évolution des rapports sociaux et
des techniques de communication et d’information au sens large des termes.
Cependant, sa volonté d’exister,
son intérêt personnel, son besoin de reconnaissance, dans une sorte de fusion
paroxystique lui ont permis d’affirmer de plus en plus son autonomie dans un
processus toujours en cours d’autonomisation vis-à-vis de la société.
L’autonomie de l’individu n’est
évidemment pas une idée nouvelle et n’est pas l’apanage des penseurs de la
démocratie. Ainsi, Saint Augustin, Luther, Rousseau et Nietzsche, entre autres,
l’ont promue face à des autorités (église, Etat, société, etc.) qui, selon eux,
ne pouvaient s’arroger la légitimité de penser et de parler pour eux, qui n’avaient
pas le droit de brider leur autonomie qui, selon eux, constituait la
manifestation de leur individualité irréductible. De même pour les penseurs
anarchistes et libertaires (et libertariens), de Stirner à Proudhon en passant
par Tolstoï et Bakounine (et Nozick). Mais cette autonomie que tous ceux que
l’on vient de citer revendiquent, si elle ne s’accompagne pas de la nécessaire
responsabilité, n’est que destructrice d’un ordre social (souvent illégitime
pour les auteurs cités) et, surtout, d’un lien social indispensable pour vivre
en commun.
Or, c’est bien le problème car
l’autonomisation de l’individu au lieu d’être en coopération avec
l’autonomisation de l’autre, dans la création d’un lien social où respect et
dignité participent à l’élaboration constante du vivre bien ensemble, a créé et
développé, en ce deuxième millénaire, une autonomie largement égocentrique,
assistée, irresponsable, irrespectueuse et insatisfaite. Une sorte de
détournement solipsistique de la démocratie où la seule réalité que veut
prendre en compte l’individu est celle de son existence et de son intérêt. Et
un détournement de l’idéal individualiste qui est ramené à un simple
nombrilisme.
Ce phénomène a pu s’exprimer, à
la fois, par l’approfondissement démocratique (même là où la démocratie
n’existe pas, le processus d’autonomisation fonctionne) par la reconnaissance
explicite ou implicite de ses droits (en particulier de ses «droits à») ainsi
que celle de son droit au respect de sa dignité sans oublier l’évolution
technologique et consumériste des sociétés.
Cette autonomisation de plus en
plus prégnante, fait de lui une bombe qui risque, à tout moment, de faire
imploser la démocratie républicaine représentative pour laquelle il représente
un défi libertario-hédoniste majeur, voire mortel. De ce point de vue, on
pourrait parler de la montée en puissance qui semble inexorable d’un
«individu-roi», si ce terme n’avait pas été instrumentalisé à des fins
idéologiques par certains pour stigmatiser l’individualisme, un individu qui ne
supporterait aucune borne, aucune limite à la recherche de son intérêt, pas
même et surtout pas, la responsabilité de ses actes et la reconnaissance de
l’existence d’autrui.
Cette autonomie non médiatisée
par la responsabilité personnelle et le respect de la dignité de l’autre,
assise souvent sur un manque de savoirs et des comportements puérils
destructeurs pour le vivre ensemble, crée l’atomisation des intérêts personnels
qui ne se retrouvent plus ou peu dans cet incontournable agrégat qui permet de
donner une base commune pour des intérêts communs afin de fonder un dessein
collectif. Alors, cette autonomisation peut créer une «anomisation» (d’anomie,
terme inventé par Emile Durkheim, pour caractérisé l’absence d'organisation
sociale résultant de la disparition des normes communément acceptées
explicitement ou implicitement) progressive qui détruira la démocratie républicaine
de l’intérieur et l’offrira sur un plateau à un régime totalitaire, la nature
ayant horreur du vide.
Absence donc de ce dessein
indispensable à toute communauté réunie mais montée en puissance de cette
simple recherche immédiate de la réalisation de ses désirs et des ses revendications
personnelles sans se soucier un seul instant des conséquences pour les autres,
donc, in fine, pour soi également.
Suite aux agissements de ce
«nouvel individu», la démocratie républicaine est en danger de délitement,
voire de disparition de la planète Terre. Elle peut d’abord devenir une
«médiacratie médiocratique démagogique populiste consumériste» puis un simple
régime autocratique avant de basculer dans le totalitarisme.
Cependant, cet individu, s’il
prend conscience de la nécessité d’un bien vivre ensemble, c'est-à-dire
l’indépassable coopération entre tous pour faire société, peut aussi façonner
positivement la nouvelle démocratie républicaine qui se mettra en place dans
les prochains temps si cette dernière parvient à surmonter ce défi d’un
comportement autolâtre et du «tout, tout de suite rien que pour moi» dans une
constante insubordination de tout ce qui empêche cette recherche égotiste de la
plus grande jouissance possible.
Mais, ne nous le cachons pas, le
combat sera rude, sans répit et la victoire n’est pas inscrite, loin de là.
Mais l’optimisme doit être de règle si l’on veut sauver la démocratie républicaine,
le meilleur système que l’on peut mettre en place au regard des réalités
humaines, système qui pourrait être dépassé le jour où l’humain se sera
vraiment émancipé dans la responsabilité et le respect.
Ayant dit tout cela, le titre de
cet ouvrage se justifie amplement.
Car un tel individu ne veut pas
exécuter la démocratie, il ne veut pas la condamner à mort, non (même si son
comportement risque d’aboutir à cette situation), il veut, comme tout
prédateur, s’en nourrir jusqu’à plus soif sans en assumer les conséquences, ce
qui, ainsi que cela se passe souvent, exterminera in fine ce qui le nourrit, ce
qui lui assure sa subsistance, non pas de manière consciente mais par son
inconséquence.
Car, une fois la démocratie
disparue, engloutie par les demandes illégitimes de cet individu à son
encontre, c’est bien également tous les bienfaits de celle-ci qui lui seront
retirés.
Malheureusement, un tel individu
n’a pas la lucidité et la raison pour se projeter dans cette réalité pas si
future que cela… Cependant, j’ai ajouté un point d’interrogation car il se peut
qu’une prise de conscience individuelle et collective avec un progrès du savoir
et de l’information des individus, donc de leurs capacités intellectuelles mais
aussi affectives, permettent de relever positivement le défi
libertario-hédoniste. Une chance infime en prenant la réalité d’aujourd’hui,
mais une chance quand même qui vaut d’être tentée.