Dans sa volonté d’exister et de faire parler de lui le plus
possible, au moment où il se présente en tête de liste de son parti pour les
élections européennes, Jean-Christophe Lagarde a fait fort.
Non seulement le président de l’UDI a donné une très longue
interview au site d’extrême-droite, identitaire et complotiste, Breizh-info.com, mais, en plus, il l’a publié in-extenso sur le site de son parti!
Pour ceux qui ne connaitraient pas ce site et son idéologie
bien loin des valeurs centristes, voici ce qu’en disait Le Monde dans un
article consacré aux organes de presse régionaux d’extrême-droite:
«Breizh Info se trahit également à
quelques détails, comme ce titre de rubrique
‘La Bretagne orange mécanique’ (allusion à un livre, La France orange mécanique, très populaire à l’extrême droite); cette
interview du fondateur très islamophobe
de l’Observatoire de l’islamisation, Joachim Véliocas; ou cette annonce d’un
forum de la Fondation Polémia (créée par Jean-Yves Le Gallou, un théoricien
d’extrême-droite cofondateur du Club de l’horloge). Parmi les membres de la
rédaction, on compte d’ailleurs l’ancien président du mouvement identitaire
Jeune Bretagne Yann Vallerie, ou un ancien candidat FN à Nantes, Thierry
Monvoisin.»
Concernant ce monsieur Yann Vallerie qui vient d’être cité,
il s’agit de celui qui a réalisé l’interview de monsieur Lagarde, voici ce
qu’en dit Le Monde:
«M. Vallerie est une figure de l’extrême droite locale. Il a
notamment été à la tête de Jeune Bretagne, groupuscule qui a longtemps été une branche
du Bloc identitaire (extrême droite radicale).»
Et de poursuivre:
«Pourfendeur des ‘valeurs républicaines’,
Yann Vallerie lui-même prend parfois la plume. Récemment, il s’est fendu d’un
texte à propos du burkini qui était plutôt clair: ‘La seule alternative humaine,
pacifiste à ces conflits communautaires ne réside ni dans l’assimilation forcée
et impossible, ni dans la société multiculturelle et multiraciste, mais bien
dans la remigration, dans le Grand Rembarquement [des musulmans]. Ils sont là-bas chez eux, nous sommes ici chez nous!’.
Voici quelques exemples de questions qu’il a posé au président
de l’UDI:
- Est-ce que le sentiment anti-Union européenne (pas
anti-Européen) ne provient pas d’un manque de légitimité, par exemple de la
Commission européenne qui fait la pluie et le beau temps de l’UE sans avoir été
élu par les peuples, qui se disent qu’ils sont au-dessus de tout?
- Si l’Europe est simplement un territoire accueillant le
monde entier, sans vraiment de définition de son espace, est-ce encore
l’Europe?
- Sur la question des migrants, sujet de préoccupation
majeure des populations en Europe, on a l’impression que tout débat est
interdit. Tous les dirigeants politiques parlent comme si l’immigration était
obligatoire, un fait, quelque chose qu’on ne peut pas résorber….
- Ici en Bretagne, les bouchers, les boulangers, les
ouvriers de l’agroalimentaire, ne sont pas des immigrés, mais bien
majoritairement des Bretons…
- Au-delà de la question sur les migrants, la question posée
est de savoir si un continent qui peine déjà à se définir, à s’unir, à définir
ses frontières, peut accueillir et assimiler autant de gens venus de
l’extérieur sans entrainer d’énormes problèmes (communautarisme, affrontements)
par la suite?
- Si vous regardez la Hongrie par exemple ou certaines
populations en Europe centrale, qui refusent de devenir une société
multiculturelle, pourquoi voudrions-nous les forcer à le devenir?
- Sur le communautarisme, je voulais parler également du
choix que font de plus en plus de citoyens qui n’en peuvent plus des grandes
métropoles et des banlieues, de se regrouper à la campagne, ou dans des régions
où il y a moins d’immigrés, où ils sont entre Gaulois, entre Européens, entre
Blancs…
- Ce n’est pas forcément un racisme. C’est simplement
l’envie de ne pas vivre avec d’autres communautés, sans pour autant les
dénigrer…
- Sur certains sujets y compris du grand débat national, le
Gouvernement explique qu’il n’y aura pas débat, de discussion (avortement par
exemple et immigration) comme si certains sujets n’étaient pas discutable.
Bien sûr, Jean-Christophe Lagarde a le droit de parler à
tout le monde et, parions-le, il expliquera à propos de cette interview qu’il
voulait parler à ce «peuple d’extrême-droite» pour lui apporter la bonne parole
centriste.
Mais si l’on doit porter la contradiction face aux extrêmes
de tous bords et défendre sa vision, ses valeurs et ses principes, on peut tout
de même se demander qui se sert de qui dans cette histoire.
Légitimer des sites de propagande déguisés en sites d’information
en répondant à leurs questions orientées, ce n’est pas la même chose que de
débattre sur un vrai média avec des représentants de ces extrêmes et ce n’est
pas rendre service à la démocratie républicaine.
Pourtant, c’est ce qu’a fait monsieur Lagarde.
Centristement votre
Le Centriste