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François Bayrou |
Interrogé
au micro de RTL ainsi que dans les colonnes de la République des Pyrénées,
François Bayrou s’enthousiasme pour le «Grand débat national» qui commence contrètement
aujourd’hui avec l’ouverture du site internet dédié (voir ici).
Selon le centriste, «Cette fois, on va avoir l’occasion, et
la chance, si on s’y prend bien, si on est engagés et loyaux, on va avoir la
chance de redéfinir le projet national français par ceux-là mêmes qui vont être
obligés de l’appliquer».
Et d’ajouter, «je trouve très heureux que le Président de la
république dise ‘Et bien écoutez on va en reparler et on va parler de tout’».
Un grand débat qui va permettre au peuple français «dessiner
à nouveau le projet français, et c’est un projet qui, pour moi, peut-être vous
allez dire que je suis optimiste, est attendu chez nous et est attendu dans le
monde».
Ces propos sont dans le droit fil de cette volonté du président
du Mouvement démocrate d’être une personnalité incontournable du quinquennat d’Emmanuel
Macron en se voulant ce lien entre le Président de la république et les Français,
une posture qu’il travaille depuis bien avant le mouvement des gilets jaunes avec
ses «conseils» au pouvoir et ses «critiques constructives» sur son action.
Extraits
de ses interventions:
RTL
Emmanuel Macron a écrit une lettre
aux Français et aujourd’hui, il va physiquement lancer le grand débat national
dans l’Eure. Il est spectaculairement rejeté par les Français. Il a raison de
se mettre en première ligne ?
Le débat n’est pas rejeté par les
Français. Vous avez vu hier une enquête qui dit que la moitié des Français dit
qu’ils veulent y participer. Et c’est donc incroyable parce que c’est sans
précédent. Cela n’a jamais existé chez nous, et cela n’a jamais existé
ailleurs. Alors c’est difficile naturellement mais vous voyez bien de quoi il
s’agit. Habituellement, les questions de notre avenir dont «quelle société allons-nous
construire ensemble?», ces questions-là, elles viennent au moment de la
campagne présidentielle. C’est dans la campagne présidentielle qu’elles
surgissent. Et généralement, une fois qu’elles ont surgi, que le candidat, quel
qui soit depuis trente ans, a été élu en tenant compte de ces attentes, une
fois l’élection passée, on tourne la page et on en revient au mode de
gouvernement ou aux orientations, ou aux choix habituels. Cette fois, on va
avoir l’occasion, et la chance, si on s’y prend bien, si on est engagés et
loyaux, on va avoir la chance de redéfinir le projet national français par
ceux-là mêmes qui vont être obligés de l’appliquer. Cela change tout car ce n’est
plus un contexte électoral où on se bat les uns contre les autres. C’est une
réflexion que nous allons, si tout va bien, conduire tous ensemble. Et les
maires vont jouer un rôle très important.
Vous avez dit: «Cela sera une
chance, si on est loyaux,…» etc. On va y revenir, on ne va dire que ça ne va
pas marcher d’emblée. Mais tout de même, on refait la campagne présidentielle
d’une certaine façon. C’est un constat d’échec au départ. C’est un échec qui
permet éventuellement de rebondir.
Je connais cet échec: il a trente
ans. Il y a trois décennies que sans exception, cette déception des Français,
elle remonte à la surface dès que les choses redeviennent normales en dehors
des élections. Et c’est en effet une question pour le pays. L’espèce de
désarroi du pays, c’est de là qu’il vient. C’est qu’à chaque élection, on a
l’impression qu’une nouvelle fois on a des difficultés. Or, cette fois-ci on va
pouvoir le faire à tête reposée, sans la pression électorale.
Vous reconnaissez qu’Emmanuel
Macron, dans ces 18 mois, a suffisamment déçu pour que les Français aient dit
de lui «éventuellement on va le voir dans le débat»?
Ce ne sont pas mes mots, ce sont les
vôtres. Je vais vous dire ce que je crois, moi: c’est que la mission de
Président de la république en France est une mission très difficile dans
laquelle on est confronté à l’Histoire, à ce qu’il se passe dans le monde, à
des vagues qui sont des vagues extraordinairement puissantes – pas que chez
nous: regardez le Brexit ce soir le Parlement britannique va voter sur le
Brexit ce soir et tout le monde dit qu’il y a des risques ou des chances que ce
soir rejeté. Donc mission extrêmement difficile et je trouve très heureux que
le Président de la république dise «Et bien écoutez on va en reparler et on va
parler de tout».
Alors il y a 2 incertitudes: est-ce
que les Français vont venir à ce débat et qu’est-ce qu’Emmanuel Macron va en
faire? Vous avez parlé de loyauté, il y a aussi un devoir de loyauté d’Emmanuel
Macron vis-à-vis de cette consultation. A la fin des fins est-ce que cela peut
le pousser à rebâtir un programme?
Ça va le conduire à dessiner à
nouveau le projet français, et c’est un projet qui, pour moi, peut-être vous allez
dire que je suis optimiste, est attendu chez nous et est attendu dans le monde.
Parce que là, tout ce qui se passe là chez nous ce sont en réalité des vagues
qui sont des vagues mondiales qui sont en train de balayer la planète. Et donc
vous voyez bien, la France – parce que c’est son histoire – attend que soit
défini et formulé un projet qui réponde à cette immense attente qui est une
attente, je vais dire, de sens, pas seulement d’économie, de solidarité:
qu’est-ce qu’on fait ensemble et qu’est-ce que l’on va bâtir.
Aucune porte ne doit être fermée?
Aucune porte ne doit être fermée, aucun
question n’est écartée, c’est en toutes lettres dans son texte, aucune
interrogation n’est interdite, parce que c’est un moment qui, pour moi, est
impressionnant dans lequel, oui, nous allons reprendre les grandes lignes, nous
allons réaffirmer les grandes lignes et reprendre les grandes lignes.
La république des
Pyrénées
Quel est l’enjeu de ce débat
national?
Pour la société française, ce
peut être très important, et bénéfique, même si beaucoup vont essayer de
l’entraver. En réalité, les questions qui sont sorties à l’occasion de cette
crise sont en fermentation depuis 30 ans. Et elles ne trouvent jamais de
réponses, ce qui génère une grande frustration. Jusqu’à présent, ces questions
surgissaient toujours lors des campagnes présidentielles, et on les calmait par
des promesses. L’élection passée, elles étaient oubliées. Et on retombait dans
la gestion traditionnelle. Pour une fois, on a une chance de pouvoir examiner
ces questions brûlantes dans un climat non-électoral.
Mais la fracture qui semble se
creuser entre deux France peut-elle être encore résorbée?
Il n’y a pas seulement deux France,
mais beaucoup plus! La société est en voie d’explosion continue, elle devient
un archipel avec des îles sans contact entre elles. C’est vrai même chez les
gilets jaunes! On ne voit pas, par exemple, manifester les gens des quartiers,
et pas davantage les grandes unités urbaines comme l’Ile-de-France. Une telle
implosion est en contradiction profonde avec ce qu’est la France, un pays qui a
besoin d’unité et qui recherche l’égalité. Mais ne nous trompons pas: ces
questions travaillent toutes les sociétés du monde développé, pas seulement la
France. On le voit avec l’élection de Trump, de Bolsonaro, le Brexit... Quelle
est leur origine? A la fois dans la mondialisation et dans une crise du modèle
du capitalisme financier, d’hyperconsommation, qui fait naître de grandes
inégalités. Et des frustrations. La question du débat, c’est donc la question
du modèle de société : quel est le modèle que l’on suit en France, et quel est
le modèle que la France défend pour le monde.
Les gilets jaunes, premiers
concernés, et qui ont une grande défiance vis-à-vis des élus, sont sceptiques à
propos de ce débat. Le processus n’est-il pas finalement illusoire?
À eux de décider. Il ne faut forcer
personne, ni bloquer personne. Il n’y a aucune raison non plus d’écarter des
questions. Toute question sera légitime mais ce n’est pas parce qu’elle est
posée qu’on est obligé d’y répondre favorablement. Mettons-les sur la table et
chacun prendra ses responsabilités. Pour moi, l’une des questions majeures sera
l’organisation de l’Etat. On voit qu’on a un Etat central qui ne marche pas
bien, et des collectivités locales en interrogation. Regardez par exemple le
périmètre des nouvelles régions! Après, on n’est pas forcé de tout régler
immédiatement, des calendriers peuvent être mis en place. Mais il y a une
certitude aujourd’hui : ces grandes questions, pas un parti ne sait y répondre,
ni aux extrêmes ni dans les partis de gouvernement. Donc on a tout à
construire. Je défends cette vision positive. J’attends beaucoup de ce débat.
Mais pour régler la crise des gilets
jaunes, qui attendent eux sans doute des réponses plus immédiates, comment le
Président Macron peut-il s’en sortir? Enfin lâcher sur l’ISF?
Il y a déjà eu beaucoup de réponses
matérielles et immédiates. Mais je le répète : toutes les questions du contrat
social et fiscal, peuvent être posées.
Y a-t-il eu un défaut de fermeté
face aux violences de gilets jaunes?
Les Français sont profondément
choqués quand ils voient la police être agressée. Les forces de sécurité
doivent être respectées, c’est ça le commencement d’un pays libre.