mercredi 16 janvier 2019

Actualités du Centre. Macron lance le grand débat en parlant de «fracture démocratique»

Tracts électoraux de la campagne d'Emmanuel Macron
Lors d’une réunion avec plus de 600 maires normands dans la commune de Bourgtheroulde (Eure), mardi 15 janvier, Emmanuel Macron a lancé concrètement et sur le terrain le Grand débat national qu’il a décrété suite aux mouvements de foule des gilets jaunes et leur soutien dans les sondages et qui durera jusqu’au 15 mars.
A cette occasion, il a estimé qu’il y avait en France, quatre grandes «fractures:
«Je pense que nous pouvons faire du moment que traverse la France une chance. Ce qui est en train de remonter aujourd'hui, et qui vient de très loin, c'est une fracture sociale, on en parle depuis 25 ans. (...), une fracture territoriale, qui n'a cessé de croître (...), une fracture économique qui a frappé les classes moyennes (...) et une fracture démocratique, qui a sans doute vécu un moment important en 2005 en France (avec le référendum ayant rejeté le traité sur la «constitution» de l’Union européenne».
«Toutes ces fractures, a-t-il poursuivi, on les a devant nous, et d'un seul coup, les choses s'effritent».
Mais, fidèle à son volontarisme, il précise aussitôt: «Je pense qu'il ne faut pas du tout en avoir peur».
En revanche, aucune faiblesse face à la violence, à la haine et aux mensonges des gilets jaunes et de leurs dirigeants ainsi que de leurs soutiens politiques:
«Il faut refuser la violence parce qu'il ne sort rien de la violence. Il faut refuser la démagogie parce que l'addition des colères n'a jamais fait une solution, mais il nous faut construire les voies et moyens de construire des solutions pour le pays. Elles se construisent parfois beaucoup plus près du terrain qu'on ne l'a fait jusqu'ici».
Quant à sa lettre et à ceux qui y ont vu un simple catalogue de questions quand d’autres ont trouvé que la liste était restrictive, il a expliqué:
«Il y a 35 questions. Certains trouvent qu'il y en a trop, d'autres qu'il n'y en a pas assez. Nous sommes en France. Il n'y en aura jamais le bon nombre!»
Et d’ajouter: «Moi j'ai cité ces trente-cinq sur lesquelles je m'engage à ce qu'il y ait une réponse ferme. Mais s'il y a des questions intelligentes, des sujets que je n'ai pas vus qui émergent, ils seront aussi pris. Il ne doit pas y avoir de tabou au moment où on se parle. On doit essayer de traiter en l'état ces sujets pour revenir sur ces grandes fractures que j'évoquais»


Actualités du Centre. François Bayrou s’enthousiasme pour le Grand débat, «chance de redéfinir le projet national français»

François Bayrou
Interrogé au micro de RTL ainsi que dans les colonnes de la République des Pyrénées, François Bayrou s’enthousiasme pour le «Grand débat national» qui commence contrètement aujourd’hui avec l’ouverture du site internet dédié (voir ici).
Selon le centriste, «Cette fois, on va avoir l’occasion, et la chance, si on s’y prend bien, si on est engagés et loyaux, on va avoir la chance de redéfinir le projet national français par ceux-là mêmes qui vont être obligés de l’appliquer».
Et d’ajouter, «je trouve très heureux que le Président de la république dise ‘Et bien écoutez on va en reparler et on va parler de tout’».
Un grand débat qui va permettre au peuple français «dessiner à nouveau le projet français, et c’est un projet qui, pour moi, peut-être vous allez dire que je suis optimiste, est attendu chez nous et est attendu dans le monde».
Ces propos sont dans le droit fil de cette volonté du président du Mouvement démocrate d’être une personnalité incontournable du quinquennat d’Emmanuel Macron en se voulant ce lien entre le Président de la république et les Français, une posture qu’il travaille depuis bien avant le mouvement des gilets jaunes avec ses «conseils» au pouvoir et ses «critiques constructives» sur son action.

Extraits de ses interventions:

RTL

Emmanuel Macron a écrit une lettre aux Français et aujourd’hui, il va physiquement lancer le grand débat national dans l’Eure. Il est spectaculairement rejeté par les Français. Il a raison de se mettre en première ligne ?
Le débat n’est pas rejeté par les Français. Vous avez vu hier une enquête qui dit que la moitié des Français dit qu’ils veulent y participer. Et c’est donc incroyable parce que c’est sans précédent. Cela n’a jamais existé chez nous, et cela n’a jamais existé ailleurs. Alors c’est difficile naturellement mais vous voyez bien de quoi il s’agit. Habituellement, les questions de notre avenir dont «quelle société allons-nous construire ensemble?», ces questions-là, elles viennent au moment de la campagne présidentielle. C’est dans la campagne présidentielle qu’elles surgissent. Et généralement, une fois qu’elles ont surgi, que le candidat, quel qui soit depuis trente ans, a été élu en tenant compte de ces attentes, une fois l’élection passée, on tourne la page et on en revient au mode de gouvernement ou aux orientations, ou aux choix habituels. Cette fois, on va avoir l’occasion, et la chance, si on s’y prend bien, si on est engagés et loyaux, on va avoir la chance de redéfinir le projet national français par ceux-là mêmes qui vont être obligés de l’appliquer. Cela change tout car ce n’est plus un contexte électoral où on se bat les uns contre les autres. C’est une réflexion que nous allons, si tout va bien, conduire tous ensemble. Et les maires vont jouer un rôle très important.
Vous avez dit: «Cela sera une chance, si on est loyaux,…» etc. On va y revenir, on ne va dire que ça ne va pas marcher d’emblée. Mais tout de même, on refait la campagne présidentielle d’une certaine façon. C’est un constat d’échec au départ. C’est un échec qui permet éventuellement de rebondir.
Je connais cet échec: il a trente ans. Il y a trois décennies que sans exception, cette déception des Français, elle remonte à la surface dès que les choses redeviennent normales en dehors des élections. Et c’est en effet une question pour le pays. L’espèce de désarroi du pays, c’est de là qu’il vient. C’est qu’à chaque élection, on a l’impression qu’une nouvelle fois on a des difficultés. Or, cette fois-ci on va pouvoir le faire à tête reposée, sans la pression électorale.
Vous reconnaissez qu’Emmanuel Macron, dans ces 18 mois, a suffisamment déçu pour que les Français aient dit de lui «éventuellement on va le voir dans le débat»?
Ce ne sont pas mes mots, ce sont les vôtres. Je vais vous dire ce que je crois, moi: c’est que la mission de Président de la république en France est une mission très difficile dans laquelle on est confronté à l’Histoire, à ce qu’il se passe dans le monde, à des vagues qui sont des vagues extraordinairement puissantes – pas que chez nous: regardez le Brexit ce soir le Parlement britannique va voter sur le Brexit ce soir et tout le monde dit qu’il y a des risques ou des chances que ce soir rejeté. Donc mission extrêmement difficile et je trouve très heureux que le Président de la république dise «Et bien écoutez on va en reparler et on va parler de tout».
Alors il y a 2 incertitudes: est-ce que les Français vont venir à ce débat et qu’est-ce qu’Emmanuel Macron va en faire? Vous avez parlé de loyauté, il y a aussi un devoir de loyauté d’Emmanuel Macron vis-à-vis de cette consultation. A la fin des fins est-ce que cela peut le pousser à rebâtir un programme?
Ça va le conduire à dessiner à nouveau le projet français, et c’est un projet qui, pour moi, peut-être vous allez dire que je suis optimiste, est attendu chez nous et est attendu dans le monde. Parce que là, tout ce qui se passe là chez nous ce sont en réalité des vagues qui sont des vagues mondiales qui sont en train de balayer la planète. Et donc vous voyez bien, la France – parce que c’est son histoire – attend que soit défini et formulé un projet qui réponde à cette immense attente qui est une attente, je vais dire, de sens, pas seulement d’économie, de solidarité: qu’est-ce qu’on fait ensemble et qu’est-ce que l’on va bâtir.
Aucune porte ne doit être fermée?
Aucune porte ne doit être fermée, aucun question n’est écartée, c’est en toutes lettres dans son texte, aucune interrogation n’est interdite, parce que c’est un moment qui, pour moi, est impressionnant dans lequel, oui, nous allons reprendre les grandes lignes, nous allons réaffirmer les grandes lignes et reprendre les grandes lignes.

La république des Pyrénées

Quel est l’enjeu de ce débat national?
Pour la société française, ce peut être très important, et bénéfique, même si beaucoup vont essayer de l’entraver. En réalité, les questions qui sont sorties à l’occasion de cette crise sont en fermentation depuis 30 ans. Et elles ne trouvent jamais de réponses, ce qui génère une grande frustration. Jusqu’à présent, ces questions surgissaient toujours lors des campagnes présidentielles, et on les calmait par des promesses. L’élection passée, elles étaient oubliées. Et on retombait dans la gestion traditionnelle. Pour une fois, on a une chance de pouvoir examiner ces questions brûlantes dans un climat non-électoral.
Mais la fracture qui semble se creuser entre deux France peut-elle être encore résorbée?
Il n’y a pas seulement deux France, mais beaucoup plus! La société est en voie d’explosion continue, elle devient un archipel avec des îles sans contact entre elles. C’est vrai même chez les gilets jaunes! On ne voit pas, par exemple, manifester les gens des quartiers, et pas davantage les grandes unités urbaines comme l’Ile-de-France. Une telle implosion est en contradiction profonde avec ce qu’est la France, un pays qui a besoin d’unité et qui recherche l’égalité. Mais ne nous trompons pas: ces questions travaillent toutes les sociétés du monde développé, pas seulement la France. On le voit avec l’élection de Trump, de Bolsonaro, le Brexit... Quelle est leur origine? A la fois dans la mondialisation et dans une crise du modèle du capitalisme financier, d’hyperconsommation, qui fait naître de grandes inégalités. Et des frustrations. La question du débat, c’est donc la question du modèle de société : quel est le modèle que l’on suit en France, et quel est le modèle que la France défend pour le monde.
Les gilets jaunes, premiers concernés, et qui ont une grande défiance vis-à-vis des élus, sont sceptiques à propos de ce débat. Le processus n’est-il pas finalement illusoire?
À eux de décider. Il ne faut forcer personne, ni bloquer personne. Il n’y a aucune raison non plus d’écarter des questions. Toute question sera légitime mais ce n’est pas parce qu’elle est posée qu’on est obligé d’y répondre favorablement. Mettons-les sur la table et chacun prendra ses responsabilités. Pour moi, l’une des questions majeures sera l’organisation de l’Etat. On voit qu’on a un Etat central qui ne marche pas bien, et des collectivités locales en interrogation. Regardez par exemple le périmètre des nouvelles régions! Après, on n’est pas forcé de tout régler immédiatement, des calendriers peuvent être mis en place. Mais il y a une certitude aujourd’hui : ces grandes questions, pas un parti ne sait y répondre, ni aux extrêmes ni dans les partis de gouvernement. Donc on a tout à construire. Je défends cette vision positive. J’attends beaucoup de ce débat.
Mais pour régler la crise des gilets jaunes, qui attendent eux sans doute des réponses plus immédiates, comment le Président Macron peut-il s’en sortir? Enfin lâcher sur l’ISF?
Il y a déjà eu beaucoup de réponses matérielles et immédiates. Mais je le répète : toutes les questions du contrat social et fiscal, peuvent être posées.
Y a-t-il eu un défaut de fermeté face aux violences de gilets jaunes?
Les Français sont profondément choqués quand ils voient la police être agressée. Les forces de sécurité doivent être respectées, c’est ça le commencement d’un pays libre.