Nous avons toujours été dans une ère de la «post-vérité» triomphante que
l’on peut également appeler celle de la «multi-vérité» où l'infox est une pratique courante.
La différence est le village où elle se déroule.
Auparavant, c’était celui du terroir où l’on vivait dans une
petite communauté où, si tout se savait, tout s’inventait aussi!
Aujourd’hui, le village est «global» et cette «post-vérité»
est l’apanage des réseaux sociaux mais aussi des médias traditionnels.
La «post-vérité» de grand-papa, c’est la commère du village,
c’est le ragot, c’est la rumeur véhiculée par certains contre d’autres et qui
court dans les ruelles étroites, c’est la parole qui n’a plus de limite décente
dans les cafés du commerce après quelques ballons de rouge, c’est l’inimitié au
travail et la rivalité sur tout et n’importe quoi qui attaquent pour faire mal,
déstabiliser et parfois se débarrasser des cibles de ces pratiques.
Tout cela est bien connu avec ces faits que l’on invente ou
auxquels on tort le cou pour leur faire dire ce que l’on veut qu’ils disent.
Même les médias de bas étage, vous savez, ceux qui s’en
prennent aux gens connus pour vendre du papier et que beaucoup lisent en se
délectant de leurs ragots vulgaires et souvent diffamant, se sont emparés
depuis bien longtemps de cette «post-vérité» ainsi que ceux qui ont fait
profession de foi de défendre une idéologie (d’autant plus si elle est totalitaire).
Quelles «vérités» nous assenaient l’Action Française de Maurras et l’Humanité de Thorez pendant
l’entre-deux-guerres?!
Certainement pas les mêmes!
Mais, dans cette entreprise de «désinformation» à tous les
niveaux de la société, il semblait également y avoir une déontologie
journalistique de base que mettait en œuvre une presse dite «de référence» au
sérieux reconnu.
Cependant, elle n’était pas absente de reproches parfois et,
de toute façon, elle a quasiment (pour être optimiste…) disparue sous la
pression d’internet et/ou est noyée quand elle existe encore dans un flot
ininterrompue de vérités et de faits «alternatifs» déversés par tout ce qui
communique aujourd’hui et qui ont le goût et la couleur de l’information mais
qui n’en sont pas comme le sont la propagande et la publicité.
Comme personne n’a jamais pu empêcher le commérage, la
malveillance, les fausses accusations, les attaques en mauvaise réputation dans
notre village du fin fond du fin fond dont nos familles sont toutes issues,
c’est évidemment pareil pour le village global.
La lutte pour une information «vraie» existera donc toujours
parce qu’existeront toujours les vérités et les faits alternatifs parce que
nous communiquons autant pour dire ce qui est que pour le cacher, pour raconter
des histoires où se mêlent la réalité et notre interprétation de celle-ci agrémentée
de nos fantasmes et de nos croyances.
Ainsi, devant ce travail de Sisyphe, toujours recommencé et
sans fin, et cette cause que l’on peut dire «perdue», on doit pourtant
continuer à dénoncer le faux, à rechercher la réalité et le vrai dans l’information
citoyenne, celle qui permet à l’individu de savoir dans quel monde il vit et l’opinion
qu’il en a.
Il faut également permettre à tous, par l’apprentissage
constant, de pouvoir se mouvoir dans un monde de «post-vérité» qui a toujours
existé et qui existera toujours, où ce n’est plus le maire que l’on calomnie
mais le président de la république, où ce n’est plus l’amicale des boulistes
qui veut faire interdire l’association des amoureux des roses en accusant
celle-ci de diffuser sciemment le tétanos mortel mais les populistes qui
veulent détruire la démocratie en répandant toute sorte de mensonges à son encontre.
Sans oublier cette nécessité impérieuse de créer ce média
«de référence» et de service public, chargé de délivrer des faits ainsi que
toutes ces structures qui doivent permettre, à côté de la transmission du
savoir faite par l’école, d’apprendre à maîtriser et à décoder toutes les informations
que nous recevons.
Disons-le tout net, l’optimisme n’est pas de mise dans cette
tâche mais ce n’est pas une raison de ne pas se mettre au travail.