Avant les élections de mi-mandat, deux Partis démocrates
semblaient s’affronter dans une sorte de guerre larvée plus ou mois feutrée
entre un centrisme et un socialisme (souvent plutôt une social-démocratie).
Cette guerre a été dépassée par la volonté d’infliger une
défaite à Donald Trump et au Parti républicain.
Maintenant que les démocrates ont remporté la Chambre des
représentants, quel va être leur positionnement et leur politique alors qu’ils
viennent d’en prendre concrètement le contrôle ce 3 janvier?
Même si plusieurs membres de l’aile gauche ont été élus,
nombre d’entre eux ont été battus alors que l’aile centriste a engrangé
beaucoup plus de victoires et qu’elle a permis de faire basculer la chambre du
côté démocrate (notamment en faisant gagner ces candidats dans des
circonscriptions républicaines).
C’est donc, tout naturellement même si elle a été victime
d’une fronde d’une petite minorité du noyau dur de la gauche du parti, que
Nancy Pelosi, l’élue de centre-gauche de San Francisco, a retrouvé son poste de
«speaker» (présidente) de la Chambre des représentants, seule femme a avoir
occupé ce poste jusqu’à présent.
Dans son discours après son élection, elle a repris les
fondamentaux progressistes et centristes du Parti démocrate, c'est-à-dire des
Etats-Unis, terre des opportunités et d’une classe moyenne prospère, citant
même Aristote «il est évident que la meilleure communauté politique est formée
par les citoyens de la classe moyenne… laquelle classe moyenne doit être plus
grande et plus forte que les autres classes.»
Car, a-t-elle ajouté, «la classe moyenne est la colonne
vertébrale de la démocratie.»
Elle a également affirmé que la lutte contre le
réchauffement climatique serait une priorité ainsi que l’assurance médicale et
les retraites, toutes choses que Donald Trump n’a cessé d’attaquer depuis sa
victoire à la présidentielle de 2016.
Si elle n’a pas cité nommément le populiste démagogue, c’est
bien le personnage (avec toutes les enquêtes que les représentants démocrates
vont mettre en route) et sa politique désastreuse, qu’elle visait en l’espèce.
Elle s’est même payée le luxe de citer Ronald Reagan, le
président préféré des républicains, sur la nécessité de ne pas fermer les
frontières pour critiquer en creux la politique d’immigration de Trump et sa
volonté de construire son mur entre les Etats-Unis et le Mexique.
Car si le programme des démocrates est de faire avancer
nombre de législations, notamment sociales et fiscales (tenter de mettre un
terme au scandaleux enrichissement des plus riches grâce aux législations
passées par les républicains depuis des années) pour lutter contre les
«injustices», mais aussi dans le domaine des infrastructures et du climat, leur
objectif est de s’attaquer à Trump, de tenter de l’incriminer pour ses multiples
malversations, voire de mettre en route une procédure de destitution (le fameux
«impeachment»).
Pour autant, les démocrates se veulent responsables et
pragmatistes.
Pour eux, l’essentiel est de faire avancer les choses et de
ne pas rester uniquement focalisés sur leur bataille contre Donald Trump même
si les électeurs américains qui ont voté pour eux attendent qu’ils contrôlent
ce président dangereux et incapable.
Ainsi, ils souhaitent tourner le dos à l’incapacité ces
républicains a faire voter nombre de mesures essentielles pour le pays, en
particulier en matière médicale et de mise à niveau des infrastructures parfois
en ruines ou proches de la décrépitude.
D’autant que dans deux ans, il y aura une élection
présidentielle qui sera d’une importance immense pour la démocratie américaine
et les démocrates veulent mettre toutes les chances de leur côté pour se
débarrasser définitivement d’un Trump qui déshonore la fonction et le pays avec
en démontrant leurs capacités à faire avancer le pays.
Et, à l’opposé de ce qu’affirment les tenants de l’aile
gauche du parti, c’est bien au centre que se gagnera cette élection et ce
combat pour la dignité d’une démocratie républicaine retrouvée.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC