►Une vision essentiellement
démocrate-chrétienne
Pour une idéologie centriste, Gilbert Job, Editions L’Harmattan, 2019,
23,5€
Gilbert Job veut donner une assise idéologique au Centre.
Fort bien.
Mais son centre ressemble comme deux gouttes d’eau à la démocratie
chrétienne.
C’est si vrai qu’il fait démarrer son livre en évoquant le
Zentrum, parti allemand qui ne fut jamais centriste malgré son nom mais bien
démocrate-chrétien et de droite, un peu comme la CDU aujourd’hui, encore que
cette dernière est plus proche du Centre que ne le fut jamais de Zentrum.
Car si la démocratie chrétienne est évidemment une des
branches du Centrisme, elle n’en est pas, contrairement à ce que pense monsieur
Job, la créatrice et elle doit être mise sur le même pied d’égalité que le
libéralisme, le modérantisme et le radicalisme du XX° siècle.
L’auteur d’ailleurs considère dans le même esprit que le
principal parti centriste européen est le PPE (Parti populaire européen).
Voilà qui va contrarier toutes les formations de droite et fières
de l’être qui le compose (dont toutes celles qui se réclament d’une démocratie
chrétienne de droite) ainsi que les partis qui ont créé de leur côté le groupe
Renew Europe (sur les cendres de l’ALDE) qui, lui, réunit tous les partis
centristes de chaque pays de l’Union européenne dont en France LaREM, le MoDem,
l’UDI, le Mouvement radical alors que Les républicains, lui, est au PPE…
Dès lors, si monsieur Job prend comme référence le christianisme,
force est de constater qu’une pensée démocrate-chrétienne existe déjà depuis longtemps
comme nous le rappelle l’ouvrage de Pierre Letamendia (La démocratie chrétienne,
PUF, collection Que sais-je?).
D’ailleurs, ces nombreuses citations de papes et d’auteurs chrétiens
(Thomas d’Aquin, Jacques Maritain, Emmanuel Mounier, Charles Gide, Jean Fourastié,
Philippe Buchez) rappellent que, non seulement, il existe une doctrine sociale de
l’église mais qu’une pensée démocrate chrétienne pas seulement politique mais également
sociale et économique existe bien.
L’entreprise de monsieur Job est néanmoins intéressante mais
elle se limite trop souvent à vouloir trouver une inclination du Centre pour une
droite antilibérale et anticapitaliste et surtout de vouloir régler son compte au
marxisme abondamment cité dans le livre.
Dès lors, il parle d’un humanisme plutôt réducteur et oublie
ces idées fortes chez les centristes du consensus démocratique et du juste équilibre.
► Les clichés sur le
Centre ont la vie dure… même chez les universitaires!
Le rêve de la république du centre, Michel Winock in L’Histoire,
décembre 2019
On pouvait attendre d’un magazine qui s’est baptisé
«l’Histoire» et qui publie généralement des textes de qualité, un travail
sérieux sur le Centre et le Centrisme avec la publication dans ses colonnes
d’un article intitulé «Le rêve de la république du centre» ( que le magazine
intitule sur sa Une, «Le centre de madame de Staël à Emmanuel Macron»).
Bien sûr, le signataire de celui-ci, Michel Winock, aurait
du nous mettre immédiatement la puce à l’oreille quand on connait ses
convictions de gauche avouées.
Cependant, en tant qu’historien l’important n’est pas d’être
prisonnier des idées politiques auxquelles on adhère, enfin on l’espère et,
surtout, d’avoir une vue plus large.
C’est ce que l’on retrouve souvent chez des historiens qui
peuvent laisser leurs convictions de côté.
Las! ce n’est pas du tout le cas ici.
Car toute la démonstration de monsieur Winock est bien
sous-tendue par ses convictions dans une vision du Centre largement
caricaturale et, malheureusement, souvent mal documentée.
On se demande ainsi pourquoi faire démarrer le Centre à
madame de Staël et oublier dans la foulée que la majorité des députés de la
Révolution se situaient eux-mêmes au centre comme part exemple un Sieyès ou
Condorcet.
De même, pas une mention, pas une ligne sur Etienne Arago ou
Aristide Briand et la récupération bien connue et fatigante d’un Jules Ferry
par la Gauche ainsi que, de manière plus étonnante celle de Waldeck-Rousseau.
On ressort les poncifs sur Guizot et ceux sur l’existence
d’un «extrême centre» (un oxymore assez affligeant) qui serait une déviation
totalitaire du Centrisme (dans sa volonté d’incarner à lui seul tous les
citoyens ce qui permet à ses détracteurs de l’assimiler parfois au fascisme ou
à Marine Le Pen de se présenter comme «centriste»!).
Mais le plus dommage et peu «historique» dans cette
«histoire» du Centre depuis la Révolution jusqu’à Macron est la conclusion
éminemment polémique d’une situation contemporaine dont on se demande pourquoi
l’historien s’y aventure et qui affirme que le Centrisme tel que pratiqué par
Emmanuel Macron serait dangereux pour la démocratie car elle détruirait un
débat démocratique qui ne pourrait être réel qu’avec l’opposition entre la
Gauche et la Droite.
Quel réductionnisme!
Oui, on se demande ici où est le travail historique et si
monsieur Winock vit dans la réalité (où est l’absence de débat démocratique
depuis l’élection d’Emmanuel Macron?!) ou dans ses convictions partisanes qui
l’amènent à une certaine déshérence d’un travail sérieux (qui ne peut être
historique puisqu’il parle du présent…).
Soyons toutefois honnête et apprécions le fait que monsieur
Winock fait cette distinction essentielle entre être «au centre» et être «du
Centre», ce qu’oublient souvent nombre de ses détracteurs.
De même il a bien vu que le Centrisme en tant que pensée
politique ne s’est structurée que dans la seconde partie du XX° siècle même si
tous les éléments étaient déjà là depuis longtemps (depuis Confucius et
Aristote, Fénelon et Montesquieu).
Rassurons Michel Winock, il n’est pas le premier et ne sera
pas le dernier des universitaires à caricaturer le Centre et le Centrisme.
Il se situe seulement dans le droit fil d’un Maurice
Duverger.
En revanche, un René Rémond – auteur d’un ouvrage de
référence sur la Droite – avait d’abord commencé à nier l’existence d’un Centre
et d’une pensée centriste avant, par honnêteté intellectuelle, à revenir sur
cette opinion face à la réalité politique.
Si cette caricature du Centrisme peut être parfois imputée à
ces «centristes» plus opportunistes qu’autre chose (mais à droite et à gauche,
ce n’est guère mieux), il y a une sorte d’acharnement à vouloir démolir ce
Centre qui semble tant gêner ceux qui ne résument qu’en idéologues et en pensée
binaire et qui ne peuvent ou ne veulent que concevoir la politique comme un
terrain de lutte et d’affrontement sans merci entre la Gauche et la Droite.
Mais, comme nous le rappelons souvent ici, messieurs et
mesdames les contempteurs du Centre, n’oubliez pas que s’il existe un Droite et
une Gauche c’est bien parce qu’il existe, par définition, un Centre car on ne
peut être à droite et à gauche de rien!
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
- Pour une idéologie centriste, Gilbert Job, Editions
L’Harmattan, 2019, 23,5€
- Le rêve de la république du centre, Michel Winock in
L’Histoire, décembre 2019
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