C’est
une tribune inédite que vient de publier le quotidien Le Parisien puisqu’elle
est signée par des hauts responsables du Mouvement démocrate et de l’UDI, les
deux partis centristes pourtant concurrents.
Il
s’agit, d’une part, de Patrick Mignola, le président du groupe MoDem à
l’Assemblée nationale, de Jean-Christophe
Lagarde, le président de l’UDI et d’Hervé Marseille, le président UDI du groupe
Union centriste u Sénat.
Et,
nous apprend Le Figaro, cette tribune a été écrite, sinon avec l’aide de
François Bayrou, en tout cas avec son autorisation.
Ceci
est étonnant puisque le MoDem et l’UDI ne sont pas des alliés (sauf au Sénat afin
de constituer un groupe politique mais où ses membres ne votent pas souvent
dans le même sens), le premier étant dans la majorité présidentielle et le
second dans un entre-deux
assez nébuleux actuellement mais plutôt dans une «opposition constructive» comme
le soutiennent ses responsables.
De
même, les deux présidents, Bayrou pour le MoDem et Lagarde pour l’UDI ne
s’apprécient guère depuis qu’ils ont décidé de faire bande à part, chacun de
son côté, en 2007, le premier en créant le Mouvement démocrate, le second en
participant à la création du Nouveau Centre puis de l’UDI en 2012.
Mais
ce qui semble plus étonnant encore, c’est de se demander pourquoi le MoDem est
allé chercher l’UDI – qui ne fait donc pas partie de la majorité – pour signer ensemble une telle tribune
et pas LaREM?
Patrick Mignola a beau dire dans une interview à franceinfo,
«je suis sûr que La République en marche partage aussi cet objectif», en tout
cas, elle ne partageait pas l’envie de signer un texte commun de la sorte.
En outre, on ne voit pas ce que le Mouvement démocrate a à
gagner en signant un texte avec l’UDI qui, elle, peut avoir un intérêt, celui
de se rapprocher de la majorité par ce biais en vue des municipales et de
l’après-municipales.
Mais si l’UDI entre dans la majorité présidentielle se sera
au détriment du «dialogue exclusif» entre le parti de Macron et celui de Bayrou
auquel ce dernier tient tant.
Que
dit ce texte?
Que,
devant les menaces de la rue et la manifestation syndicale du 5 décembre
prochain, il ne faut rien de moins que le Gouvernement organise avec les
représentants des chefs d’entreprise et ceux des salariés, un «Grenelle du XXI°
siècle» où l’on parlera essentiellement de rémunération du travail et de son
ajustement avec la transition écologique, le tout afin de «lutter contre les inégalités».
On
est un peu partagé sur l’opportunité de ce texte après les nouvelles
dégradations du mouvement de foule des gilets jaunes hier dans les rues de
Paris et les appels à l’insurrection des partis d’extrême-gauche qui sont derrière la plupart
des syndicats qui ont appelé à manifester le 5 décembre.
S’agit-il avant tout d’une peur avec ce
rendez-vous, le
«Grenelle» qui aboutirait à céder à la rue de manière «légale» et «institutionnalisée»
en sauvant la face (ce qu’a fait en partie mais en partie seulement, le Grand
débat) ou d’une volonté réelle de créer un consensus dont on ne voit absolument
pas les syndicats que l’on vient de citer et ceux qui les soutiennent politiquement
le rechercher, leur but étant de mettre Emmanuel Macron dehors.
Dans
ce cas, il s’agirait d’une mauvaise interprétation des volontés de ces organisations,
ce qui ressemblerait à une faute politique.
Toujours
est-il que ce texte n’est
pas forcément une aide pour le Président de la République et le Gouvernement.
► Voici le texte de la tribune «Pour une conférence sociale
/ Lutte contre les inégalités»
La France serait à la
veille d'une nouvelle convulsion. Pourtant le Gouvernement et la majorité ont
traduit en actes, et en argent public, les mesures d'urgence sociale voulues
par le Président de la République. Baisse d'impôts sans précédent, baisse de
charges salariales, prime d'activité, prime Macron, heures supplémentaires
défiscalisées … Et pourtant, les Français souffrent toujours et peinent à
croire en un espoir collectif.
Les clignotants économiques ont beau passer au vert, le pays
reste démoralisé. Pire, il se morcelle en catégories corporatistes, territoriales,
et même cultuelles qui se vivent en compétition, parfois en confrontation.
Notre devoir est de répondre à cette dépression. Pour
dessiner, sans attendre le 5 décembre, le chemin vers un sursaut national. Le
gouvernement doit convoquer une grande conférence sociale. Elle devra
rassembler les forces vives, et en particulier les représentations patronale et
syndicale. Tendons-leur la main, sur le modèle de la mobilisation nationale
pour l'emploi et la transition écologique, qui tarde trop à se concrétiser.
Le 5 décembre, il n'y aura ni vainqueurs ni vaincus, il y
aura toujours un pays en proie au doute et des responsables politiques,
économiques et sociaux qui auront l'obligation d'apporter des réponses. L'Etat
a mis sur la table des solutions et des financements. Peut-être insuffisants,
ou imparfaits, ou mal répartis mais il a fait sa part du chemin. Plutôt que de
le laisser seul face à la rue, tous les acteurs sociaux doivent se retrouver
pour inventer la grande négociation collective, le Grenelle du XXIe siècle.
Il y a consensus sur les origines du mal: dans une
mondialisation désordonnée et surtout dérégulée, le capitalisme provoque plus
que jamais des inégalités grandissantes. Chaque Français sent bien que la
croissance générale profite principalement à quelques-uns, dans un phénomène
d'accélération exponentielle. C'est un phénomène mondial que nous devons
apprendre à maîtriser.
En dix ans, la rémunération du capital a augmenté 7 fois
plus vite que la rémunération du travail. Force – et gêne – est de constater
que, durant l'année des Gilets jaunes, les distributions de dividendes ont
battu leur record historique et que les émoluments des patrons du CAC 40 ont
crû de 14%. Qu'on soit de droite, du centre ou de gauche, cette seule
énonciation provoque l'indignation, explique la révolte. C'est donc le
rééquilibrage entre le prix du travail et celui du capital que cette conférence
sociale doit négocier.
Nous martelons tous, depuis des lustres, que le travail doit
mieux payer. Il faut le faire enfin. Le gouvernement a augmenté le pouvoir
d'achat en allégeant la feuille d'impôt, les entreprises et les syndicats
doivent s'accorder pour augmenter la feuille de paie. Car il s'agit bien sûr
d'argent pour vivre mieux et pouvoir participer au grand défi de la transition
écologique: manger mieux, se déplacer mieux, habiter mieux, nécessite d'être
mieux payé. Penser un capitalisme à visage humain est redevenu urgent. C'est ce
que nous demandons au gouvernement et aux représentants élus du monde patronal
et syndical : nous devons bâtir ensemble un élan national, qui réconcilie les
Français autour de la lutte contre les inégalités. Telles peuvent être les
prémices d'un projet qui rassemble la France.
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