jeudi 24 octobre 2019

Présidentielle USA 2020. La gauche peut elle faire réélire Trump?

Bernie Sanders & Elizabeth Warren
Bien sûr, Donald Trump peut se faire destituer avant la prochaine présidentielle au train où les révélations se succèdent à propos de ses agissements inconstitutionnels ou être si impopulaire et déconsidéré après ses multiples comportements et décisions illégales ou dangereuses pour le pays qu’il n’ose se représenter.
Mais si tel n’est pas le cas, la gauche, notamment celle du Parti démocrate, peut-elle le faire réélire?
Cette hypothèse n’est ni farfelue, ni même impossible parce que ce cas de figure s’est bien déroulé, en partie, en 2016 où les attaques frontales de la gauche démocrate et du prétendant socialiste à la primaire démocrate, Bernie Sanders (qui n’est pas membre du Parti démocrate) contre Hillary Clinton, portent une part de responsabilité dans la défaite de la centriste, ce que lui-même et ses partisans passent largement sous silence depuis mais qui est une faute politique lourde au vu de la présidence catastrophique de Donald Trump.
La gauche peut ainsi le faire réélire de deux manières.
La première est si les électeurs des primaires démocrates choisissent un candidat très «liberal» (comme Elizabeth Warren) ou socialiste (comme Bernie Sanders) pour représenter le parti lors de la présidentielle.
La deuxième est si, comme en 2016 pour Hillary Clinton, les extrémistes de gauche du Parti démocrate mènent une guette ouverte contre le candidat centriste (comme Joe Biden) qui sera choisi lors de la Convention démocrate de Milwaukee.
La première hypothèse, n’en déplaise aux soutiens d’Elizabeth Warren de Bernie Sanders, n’est pas encore à l’ordre du jour même si elle ne peut être écartée, le vote des primaires n’ayant pas commencé.
Parce que quelques sondages éparses et peu fiables, ont donné Warren en tête des intentions de vote pour la primaire démocrate, cela a suffit à ses admirateurs – dont certains médias de gauche français… – de décréter que la sénatrice du Massachussetts était désormais la favorite de ce scrutin.
Or, les derniers sondages fiables (CNN, Fox News, The Hill, Politico, Survey USA) donnent entre 8 et 15 points d’avance au centriste Joe Biden à la primaire (et 10 points et plus pour l’élection générale de novembre 2020, plus que tout autre prétendant démocrate).
Cependant, si tel était le cas, si Warren ou Sanders devaient représenter le Parti démocrate, il est évident qu’une déperdition beaucoup plus importante de l’électorat démocrate et «independents» centristes mais aussi de celui républicain modéré aurait lieu par rapport à la déperdition de l’électorat de gauche et d’extrême-gauche si un centriste était le candidat officiel.
La deuxième hypothèse est plus vraisemblable et inquiétante parce qu’elle s’appuie sur un précédent mais aussi sur une réalité plus prégnante aujourd’hui d’un électorat de gauche plus nombreux et plus sectaire, moins ouvert à voter pour des centristes qu’il considère souvent comme des gens de droite.
Même s’il s’agit de New York, ville traditionnellement très «liberal» (même si elle a élu nombre de maires républicains…), le meeting populaire d’Elizabeth Warren au Washington square park où plus de 20.000 jeunes sont venues l’acclamer et celui de Bernie Sanders dans le Queens où il a reçu le soutien de la représentante et égérie de la gauche de la gauche du Parti démocrate, Alexandria Ocasio-Cortez, sont des preuves de cette radicalisation dont on rappelle qu’elle a été voulue et provoquée par le Parti républicain dans sa radicalisation à droite et dans son refus total de collaborer avec les démocrates, notamment avec Barack Obama lors des huit années de sa présidence.
Néanmoins, le plus probable dans cette élection si particulière que sera la présidentielle de 2020, on peut supputer que le rejet de Trump fera que tous ses adversaires s’uniront et se retrouveront sur le vote du démocrate centriste qui sera face à lui (ce qui ne sera moins le cas pour un démocrate de gauche, comme on la dit).
Le procès en diabolisation du Centre par la gauche américaine qui assimile les centristes à des républicains habillés en démocrates aura sans doute un effet limité, voire nul parce que Trump qui, avec son discours populiste démagogue, avait fait semblant de s’intéresser au sort des plus défavorisés n’a été suivi d’aucune mesure économique ou sociale en leur faveur, pire, toutes les décisions prises par ce dernier ont bénéficié aux plus riches.
Cependant, on n’oublie pas dans cette équation qu’il n’a fallu que le déplacement de quelques milliers de voix ainsi que quelques milliers d’électeurs démocrates ne se rendant pas aux urnes pour faire gagner Trump grâce à un nombre de grands électeurs supérieurs alors même qu’il a perdu le vote populaire de près de trois millions de voix.
Reste que la responsabilité historique que porteraient l’aile gauche démocrate et les socialistes, s’ils faisaient perdre le candidat démocrate semble trop lourde pour que le scénario de 2016 se reproduise même si la vigilance doit être de mise.
L’autre problème avec la gauche, c’est sa capacité à faire perdre les prochaines élections législatives et sénatoriales de 2020 (couplées avec la présidentielle) au Parti démocrate avec, d’une part, un discours très à gauche et, d’autre part, la présentation de candidats qui ne peuvent pas gagner du fait de leur extrémisme politique.
Ce discours très à gauche risque fortement de décourager beaucoup d’«independents» centristes de se déplacer pour voter pour le parti mais aussi la grande majorité des républicains qui ne sont pas radicaux et qui souhaitent se débarrasser à la fois de Trump et d’élus populistes et extrémistes.
Quant à l’extrémisme de certains démocrates, il était déjà visible en 2018 avec les victoires emblématiques comme celle de la newyorkaise déjà évoquée Alexandria Ocasio-Cortez qui avait réussi à battre un élu installé de longue date lors des primaires puis à être élue à la Chambre des représentants lors de l’élection générale.
Mais, comme l’ont souligné les analyses des résultats, les «gauchistes» démocrates n’ont été élus que dans des circonscriptions où le parti est hégémonique, c'est-à-dire où un républicain n’a strictement aucune chance de gagner.
A l’inverse, les activistes de gauche – très présents dans les votes lors des primaires comme le sont les activistes de droite au Parti républicain – qui avaient permis à des candidats très «liberals» de s’imposer dans des primaires où l’élu au Congrès était républicain, ont été incapables de faire élire aucun de leurs poulains alors que les démocrates centristes ont réussi, pour leur part, à faire battre nombre de républicains dans ces mêmes circonscriptions.
D’où ce risque réel que le démocrates ne soient pas capables de gagner la majorité au Sénat en 2020 (avec le renouvèlement d’un tiers de ses membres) mais, surtout, de perdre celle à la Chambre des représentants.
Au vu de tout ce que l’on vient de dire, il faut s’attendre à ce que Trump et les républicains mettent en place une stratégie pour booster les chances de la gauche d’être face à eux et, par conséquent, de booster leurs chances de l’emporter…

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC


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