L’individu est multiple, cela est un fait.
Chacun de nous – sans être pour autant schizophrène – vit
plusieurs existence à la fois qui s’entrechoquent et s’opposent, ce qui donne
souvent un magma de positionnements et de croyances d’où sortent nos
comportements parfois contradictoires voire opposés les uns aux autres.
Ainsi, en tant que travailleur (salarié ou indépendant),
nous voulons maximiser les profits (financiers ou non) de notre activité.
En tant que consommateur, nous voulons maximiser notre
pouvoir d’achat et notre capacité à avoir le plus et le mieux avec le moins
possible de dépenses.
En tant qu’électeur, nous jonglons entre nos convictions et
nos intérêts.
Et ceci est constant.
Prenons un exemple édifiant qui s’est imposé dans le débat
politique avec le mouvement de foule des gilets jaunes, la voiture (et, en
l’occurrence le prix de l’essence et, notamment, le montant des taxes, en
l’espèce celle de la taxe carbone).
Le salarié d’un constructeur automobile veut évidemment que
les voitures se vendent.
Mais en tant que conducteur-consommateur – qui doit
peut-être utilisé son véhicule pour se rendre à son travail –, il veut que
l’essence soit la moins chère possible.
Et en tant qu’électeur, il veut qu’on lui assure la sécurité
de conduire sans effet néfaste pour sa santé.
Dès lors, il veut – entre autres – que ceux qu’il choisit
pour nous gouverner, à la fois, s’occupe de l’industrie automobile pour son
emploi, de l’essence pour ses déplacements et de la qualité de l’air pour sa
santé et sauver, accessoirement, la planète (en réalité l’Humanité).
Et si cela est impossible de maximiser ses trois demandes et
qu’il faut des réformes plus ou moins drastiques pour parvenir au meilleur
choix possible, il va s’y opposer, revendiquer, manifester et, peut-être,
commettre des actes de violences, tout en écoutant les sirènes des populistes
démagogues qui lui promettent un paradis qui n’a jamais existé s’il se tourne
vers eux.
Un autre exemple, à deux bandes celui-là, est une constante
du comportement humain.
En tant que travailleur-contribuable, je veux payer le moins
d’impôt possible alors qu’en tant que consommateur de services publics et
bénéficiaire d’aides de la part de l’Etat, je veux en avoir le plus possible.
Ce cercle vicieux où chacun de nous se renvoie à lui-même la
balle en tant que travailleur-électeur-consommateur ou, plus simplement, en
tant que citoyen vivant dans une société humaine, est-il une malédiction
éternelle (ou jusqu’à l’extinction du genre humain)?
La réponse semble a priori guère optimiste.
Pourquoi, alors que l’être humain fonctionne de cette
manière depuis toujours, changerions nous ?
Cependant, au cours de l’Histoire et même si des
civilisations sont mortes du fait de l’inconséquence des comportements humains,
nous sommes aujourd’hui confrontés à un véritable défi quant à notre finitude.
En effet, grâce aux progrès de la connaissance et de la
science, aujourd’hui, nous savons.
Car même si le pire n’est pas sûr, nous sommes capables de
faire un état des lieux que nos ancêtres n’étaient pas outillés pour le faire
ainsi que des projections sur ce qui peut advenir avec la masse des données que
nous pouvons collectées.
Cela nous donne un avantage énorme sur nos prédécesseurs,
encore faut-il que nous soyons assez responsables pour en profiter.
Là aussi, une réponse peu optimiste semble s’imposer face à
notre irresponsabilité criante.
Celle-ci se manifeste par la volonté de faire d’abord
triompher nos intérêts personnels à court terme avant de nous préoccuper de
ceux de notre avenir et de notre descendance.
Il faut dire que nous sommes sûrs d’être là, vivant, dans ce
moment précis, mais peut-être pas dans celui d’après…
Bien sûr, si on interroge les gens sur le degré
d’implication dans les défis existentiels qui sont là ou se profilent, ils
répondront, comme les sondages en attestent, qu’ils sont fort inquiets et qu’il
faut agir.
Mais quand vient l’action, tout cette bonne volonté
s’étiolent et n’en restent que quelques uns qui, malgré ce que pensait
l’écrivain américain Henry Miller, ne seront pas assez nombreux pour changer le
monde en bien.
On le voit bien aussi dans les réformes – dont on ne
rappellera jamais assez qu’elles sont indispensables, un pays immobile est un
pays qui meurt – où, dans les principes, tout le monde semble d’accord mais où
dans l’application de ceux-ci, beaucoup de monde est opposé.
Tout ceci nous démontre que nous n’agissons réellement que
contraints et forcés.
C’est malheureux mais c’est une réalité.
Dès lors, il faut bien qu’il y ait, ce que l’on pourrait
appeler des éveilleurs de conscience ou tout simplement des lanceurs d’alerte
qui viennent nous donner des coups de pied dans les fesses pour que nous
bougions et agissions.
Et ces éveilleurs se retrouvent le plus souvent impopulaires
et rejetés quand ils prennent des décisions alors que dans les démocraties, ils
ont été élus pour les prendre (on retrouve là toute la contradiction dont je
parle depuis le début).
Ce qui n’est évidemment pas une situation facile, ni même
voulue car l’individu recherche d’abord à être aimé de ses semblables, non à
être cloué au pilori.
D’où, d’ailleurs, de nombreux reniements de la part de ces
responsables politiques qui fuient, tout autant, contre la difficulté que
contre le désamour.
Sur tout cela s’ajoute une autre réalité bien plus
insoluble, celle qui fait que dans les trois-quarts des pays de la planète, la
majorité des habitants veulent seulement vivre au jour le jour et sont prêts à
tout pour y parvenir, surtout en ne se souciant pas vraiment de l’avenir de la
planète alors même qu’ils n’en ont aucun.
Alors, bien sûr, comme le disent certains, ils sont aussi,
voire les principales, victimes des problèmes qu’il faut résoudre et, sans
doute, les principaux bénéficiaires de réformes qu’il faut mettre en place.
Mais aucun beau discours sur le sujet ne changera pas leur
unique but: survivre.
Du coup, le progrès technologique reprend une place centrale
dans les solutions à trouver pour nous garantir un avenir meilleur.
Un progrès technologique que l’on peut également utiliser
pour résoudre, en partie, l’opposition travailleur-consommateur-électeur dans
nos contrées.
Pour autant, ce
progrès ne peut pas tout malgré ce que certains affirment (souvent dans un
discours quasiment métaphysique où, tel un messie, il viendrait nous sauver de
nos inconséquences) c’est bien dans les décisions responsables et souvent difficiles
que se trouvent une grande partie des solutions.
Et point de reculade.
Ce n’est plus une option.
Le Centrisme, qui prône le juste équilibre, la réforme
permanente (comme mise à niveau par rapport à la réalité de la vie et non par
rapport à tel ou tel lobby comme on peut l’entendre) et la responsabilité, est
la pensée de ce changement du monde (et non d’un changement de monde autant
utopique que recélant des dangers énormes), le tout dans le respect de la
dignité humaine.
Mais, pour que cela marche, il faut un personnel politique à
la hauteur de la tâche.
Et, pour l’avoir, il faut aussi que les populations soient à
la hauteur de la leur.
Car, au lieu de prendre le réformateur pour le
bouc-émissaire de tout ce qui va mal, il conviendrait plutôt d’accompagner les
réformes nécessaires et indispensables avant que les faits nous obligent à leur
obéir avec ce temps de retard qui peut ne jamais être rattrapé.
Oui, les civilisations meurent mais aussi les espèces
vivantes.
Ne soyons pas l’une d’elles.
De notre propre faute.
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