François Bayrou |
Pas encore collapsologue mais néanmoins à nouveau catastrophiste,
François Bayrou est sorti de son silence pour s’alarmer et tenter de faire partager
ses inquiétudes à ses compatriotes.
Ainsi, pour le président du Mouvement démocrate, la France
est un pays qui ne vas pas bien, qui vit dans le malaise permanent de la division
et dont «le climat politique n’est pas sain» mais plutôt «couvert et menaçant» excusez
du peu.
Pourtant, dans une contradiction qu’il n’a pas l’air de
réaliser, il estime qu’Emmanuel Macron fait tout pour «réconcilier» les Français.
Au cours de son intervention dans l’émission Questions
politiques sur franceinfo et France Inter, le leader centriste s’est également prononcé
pour un «plan B» à Paris, c'est-à-dire pour une autre candidature issue de la majorité
présidentielle et qui ne soit pas celles de Benjamin Griveaux – investi officiellement
par LaREM – et de Cédric Villani (il parait qu’il préfèrerait Agnès Buzyn ou… Jean-Louis
Borloo!).
► Voici les principaux propos de son intervention:
- Le climat politique n'est pas sain, n'est pas clair, mais
il mérite que l'on s'interroge et que l’on essaie de voir les lignes
directrices à suivre. Au fond, les deux questions sont liées. Pourquoi le temps
est-il couvert et menaçant ? Car les questions qui obsèdent le débat
politique sont aujourd'hui des questions mal maîtrisées, mal posées,
dangereuses dans leurs effets. On a l'impression que, perpétuellement, le jeu
politique consiste à jeter de l'huile sur le feu pour que flambent des
questions dont on peut penser assez souvent qu’elles ne sont pas les questions
profondes du pays. Elles veulent dire quelque chose, il ne faut pas se tromper,
on est devant des symptômes d'un malaise profond. C'est un malaise qui tient à
l'identité du pays et à cette maladie dont nous sommes affligés depuis si
longtemps et qui est pour moi si grave, qui est la rupture entre la base du
pays et le sommet de la pyramide. C'est à cette rupture qu'a voulu s'attaquer
l’élection de 2017, c'est une rupture que, l'on voit bien, le Président de la
République a présente à l'esprit, ne serait-ce que dans sa visite à Mayotte et
à La Réunion, mais c'est évidemment une question extrêmement centrale qu'un
pays qui ne se sent pas bien avec lui-même et pas bien avec le système de
gouvernement qui est le sien.
- Un pays qui va bien, c'est un pays qui se reconnaît dans
le mouvement qu'il suit. C'est un pays qui sait où il va, qui voit bien qu’il y
a des efforts à faire, qui consent à ces efforts, mais dont, au fond, qui ne
cesse de se réunir pour trouver la réponse à ces questions. Or la France est un
pays qui, depuis des décennies, ne cesse de se diviser sans trouver les
réponses à ces questions. Ce malaise-là est, pour moi, la question principale
du pays.
- C'est la définition même de la laïcité qui est mal perçue:
qu'est-ce c'est la laïcité? Vous savez c'est moi qui ai interdit le voile dans
les écoles. Par la circulaire de 1994 qui avait fait, à l'époque, du bruit. Pourquoi ?
Parce que l'école, c'est le lieu où l'on doit tous former un pays, une nation,
se souder, ne pas avoir des règles pour les uns et des règles pour les autres. C'est
le creuset où le pays se forme, mais on perd de vue quelque chose de tout à
fait essentiel. La laïcité, c'est la règle pour que l'on puisse vivre ensemble.
C'est la règle pour que l'on se respecte dans nos différences et pour que
triomphe le plus important qui est la compréhension mutuelle. Or, on s'aperçoit
qu'assez souvent, la laïcité est utilisée, non pas pour vivre ensemble, mais
pour vivre les uns contre les autres. Pour allumer des procès des uns contre
les autres. (…) Il y a des forces partout dans la société qui vont dans ce
sens-là.
- Dans l'école, comme dans tous les services publics, les
signes religieux que j'avais nommés ostentatoires sont interdits parce qu'on
est dans le cadre de l'action de l'État. Pour moi, ce sont des mères de
famille, c'est aux directeurs des écoles, c'est aux responsables des écoles par
circulaire de voir s'il y a prosélytisme ou si simplement c’est le quartier,
l'habitude.
- Je ne regarde pas des compatriotes musulmans comme
étrangers à la République.
- Ce n'est pas une personne voilée. Le voile intégral est
interdit dans l'espace public français depuis une loi que j'ai d'ailleurs
votée. Interdit pourquoi? Car nous avons dit: nous sommes la civilisation du
visage découvert.
- Ceux qui s'intéressent à l’histoire savent qu'il y a eu un
grand débat en 1905 où l'on voulait interdire les signes religieux dans
l'espace public en France. Ce sont de très grands législateurs, notamment de
gauche, qui ont dit: On ne peut pas aller dans ce sens-là car, comme on le sait
depuis la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, on a le droit de
manifester une conviction dans l'espace public pourvu qu'elle n'agresse
personne. Et, de ce point de vue, il a bien fait. Si nous ne nous accordons pas
sur des règles de droit assez solides, assez denses pour éviter que l'on aille
faire n'importe quoi… Imaginez que nos compatriotes musulmans se sentent tout
d'un coup discriminés par la puissance publique, par le mouvement de l'opinion,
qu'est-ce qui en résulterait ? Vous croyez qu'il en résulterait un
mouvement bienveillant de compréhension ? Pas du tout, il en résulterait
un durcissement sur les positions les plus rigides et parfois les plus
sectaires C'est exactement ce que nous devons éviter, ce n'est pas seulement
une question de sentiment, c'est une question de souci de l'avenir du pays.
- En quoi le modèle français issu de 1905 est-il en danger?
C'est extrêmement simple. À partir du moment où l’on n'accepte plus cette règle
simple qui est : la loi protège la foi, mais la foi ne fait pas la loi. Vos
convictions personnelles, que vous croyez à quelque chose ou que vous n'y
croyez pas, vous avez votre place dans ce pays et c'est parce qu'on a cette
protection-là que l'on peut ensemble construire un pays uni, premièrement,
mais, je le répète, la foi ne fait pas la loi. Ce n'est pas parce que vous avez
une conviction que vous devez à toute force imposer cette conviction aux autres
par la pression, par l'intimidation. Et le modèle français, c'est cela. Or vous
voyez bien que c'est doublement mis en cause. C'est mis en cause d'un côté par
ceux qui veulent que la loi ne protège plus la conviction et que l'on interdise
un certain nombre d'attitudes, de convictions au nom de sa propre opinion et,
de l’autre, il y a en effet des mouvements que l'on appelle communautaristes
qui sont des mouvements qui veulent qu'une conviction notamment religieuse
s'impose la société.
- Le débat démocratique devrait consister non pas à imaginer
que, parce que vous êtes majoritaire, vous pouvez imposer votre loi aux autres.
La démocratie, c'est aussi la protection des minorités. On est là chacun pour
défendre une opinion, mais pour souhaiter que cette opinion puisse entrer en
symphonie, si je pouvais faire de la musique, avec d'autres opinions. Nous
sommes une société pluraliste. Il est bon que nous le soyons et, ce qui est
inacceptable aujourd'hui, c'est qu'en effet on a l'impression que le pluralisme
n'a plus sa place et qu'il faut à tout prix forcer les autres à obéir à ce que
vous voulez. Ce n'est pas cela mon idéal en tout cas pour un pays.
- C'est normal que l'on veuille transmettre aux générations
qui viennent la société que nous avons aimée. Je pense que c'est un droit de
l’homme que de pouvoir transmettre et un certain nombre de nos compatriotes ont
le sentiment que, par des déstabilisations diverses et variées, ils ne pourront
plus transmettre la société qu'ils ont reçue, ils ne pourront plus transmettre
nos manières de vivre, ils ne pourront plus transmettre nos paysages, ils ne
pourront plus transmettre notre culture. Et il est normal qu'on les aide et
qu'on les défende de ce point de vue. En revanche, ce qui n'est pas normal,
c'est de faire croire que nous sommes au bord du précipice et que, parce qu’il
y a une vague d'influence ou d'inspiration musulmane qui est en train de
nous envahir, alors on ne pourra… Ce n'est pas vrai, ce n'est pas réel, ce
n'est pas la société dans laquelle nous vivons.
- Lorsque le Président de la République dit vigilance, il a
raison, c'est son travail sa responsabilité, c'est sa mission. En revanche,
vigilance, cela ne s'applique pas à d'autres. Je considère, moi, que nos
compatriotes musulmans sont aussi nos concitoyens ou autant nos concitoyens que
nos compatriotes catholiques, protestants, juifs ou athées, il n’y a pas de
différence à mes yeux. (…) En tout cas, de ce point de vue, notre
responsabilité, elle est simple, elle est de faire vivre les gens ensemble dans
la compréhension mutuelle sans laisser aucune dérive prendre le pas sur nos
principes.
- Je suis le responsable d'un mouvement politique. J'en ai
la charge. Je l'ai fait naître et même peut-être sauvé au moment où les choses
n'étaient pas faciles et, ce mouvement politique,
ce courant politique et moi-même, nous devons peser par nous-mêmes, pas du tout
en essayant d'être courtisans, ralliés, mais rien de tout cela. Nous devons
peser par nous-mêmes par la justesse de nos propositions et par la ligne
politique que nous portons.
-Je ne crois donc pas que cette élection [municipale] doive
être politisée au sens des étiquettes de partis politiques. C'est une élection
qui doit être politisée au sens des personnalités, des valeurs que celles-ci
défendent, de leur capacité à faire parler de leur ville ou à parler eux-mêmes
à cette ville et son avenir.
- Le Président de la République a pris une responsabilité
considérable, celle de réconcilier un pays tout entier avec la vie politique
qui est la sienne. Les Français étaient désabusés et désespérés de la vie
politique qu'ils avaient. Ils ont écarté les deux forces principales qui
exerçaient le monopole du pouvoir à deux, l'une après l'autre: «Si ce n'est pas
toi, ce sera moi». Comme vous le savez, c'est un combat que j'ai mené en pensant
qu'il était central. Ils ont constitué une majorité centrale pour le pays. Maintenant,
il revient au Président de la République de donner à chaque Français la lecture
des enjeux que nous avons devant nous et des lignes directrices qui doivent
être les nôtres. C'est une responsabilité qui n'est pas facile, mais il l'a
admirablement fait au moment des gilets jaunes. Au plus dur de la tourmente, au
plus agité, au plus dangereux, il a pris cette responsabilité et, les yeux dans
les yeux, il est allé parler pendant des dizaines d'heures avec des
milliers de Français pour que tout le monde comprenne simplement qu'il était en
phase avec l'inquiétude du pays. De ce point de vue, j'ai trouvé cela courageux
et juste. Maintenant, il faut entrer dans un nouvel axe.
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