François Bayrou |
Lors de l’«université de rentrée» de son parti, le
Mouvement démocrate, François Bayrou a clôturé, comme d’habitude, les débats
par un long discours au cours duquel il a évoqué la mémoire de Jacques Chirac,
gommant tous les désaccords politiques profonds qu’il avait eus avec l’ancien
président de la république pour se concentrer sur un hommage à ses réussites.
Il a également parlé, devant le Premier ministre,
Edouard Philippe, de l’agenda qui se présentait à la majorité présidentielle en
assurant ce dernier de la loyauté des troupes du MoDem.
On passera sur l’autosatisfaction qu’il a largement
développée sur sa soi-disant préscience des événements au cours de laquelle il a
prétendu, avec emphase et un brin de réécriture de l’histoire, qu’il avait
prévu la crise des gilets jaunes, devenue dans sa bouche, une grave crise
sociétale et politique alors qu’elle fut avant tout un mouvement de foule d’une
violence et d’une défiance envers la démocratie par des manifestants
instrumentalisés par des extrémistes et des populistes, que ceux-ci viennent
d’en haut ou de la base, cette dernière provenance ne leur donnant pas plus de
légitimité de parler et d’incarner le «peuple» comme on l’entend souvent dans la
bouche de certains responsables politique dont nombre de la majorité présidentielle.
Mais, justement, à propos de la démocratie, il s’est
lancé dans un large plaidoyer en sa faveur ainsi que dans la mise en garde face
aux dures attaques dont elle est l’objet en France et à travers le monde.
Une partie du discours (lire ci-dessous) d’une grande
justesse et rappelant cette attachement du Centrisme et des centristes pour ce système
politique.
► Extrait du discours de François Bayrou sur la démocratie
Les jours qui viennent ne seront pas de tout repos, pas
seulement parce que la France est la France et que la France est indocile, et
c'est très bien comme cela, mais car le monde est agité de forces puissantes.
Il est un poète que, je suis sûr, vous aimez, qui a grandi à Pau, qui est un
des plus grands de la littérature mondiale, qui s'appelle Saint John Perse et
qui l'a dit beaucoup mieux que qui que ce soit. Il a dit : «C'étaient de
très grands vents sur toutes les faces de ce monde, qui n'avaient d'aire, ni de
gîte… Ah ! Oui, de très grands vents sur toutes faces de vivants !».
Or, comme il arrive dans l'histoire des hommes, de très
grands vents se sont levés et ce sont, hélas, pour beaucoup d'entre eux, des
vents menaçants.
C'est très important de voir à quel moment de l'histoire
nous sommes. Nous avons vécu deux siècles en fait, deux progrès à peu près
continus de l'idée démocratique.
Bien sûr, il y a eu des guerres terribles avec des dizaines et
des dizaines de millions de morts pour barrer la route à cette idée, des
dizaines et des dizaines de millions de femmes et d'hommes martyrisés pour
barrer la route à cette idée, mais il ne faisait, au fond, pas de doute pour
personne que la démocratie était l'avenir de l'humanité, que c'était l'horizon
vers lequel on allait.
La démocratie, pour nous, c'est très important. J'ai formé
et présidé des mouvements politiques, ils avaient tous un point commun, il y
avait le mot démocratie dans leur titre :
- Union pour la démocratie française,
- Force démocrate,
- Mouvement démocrate,
- Parti démocrate européen, si important, je le dis aux
Députés européens, dans la période qui vient.
Pour nous, cela a une signification très précise et nous
aimons beaucoup faire référence à la formule de Marc Sangnier, grand philosophe
et, au fond, initiateur de cette famille, il disait ceci : «La démocratie,
c'est l'organisation sociale qui porte à son plus haut la conscience et la
responsabilité des citoyens».
Et, nous, nous croyons que c'est un projet de société, nous
croyons, nous, que chacun d'entre nous, membres du même peuple, peut prendre la
mesure des défis qui sont devant nous et s'associer à la résolution de ces
défis. C'est un horizon et c'est une idée optimiste, pour ne pas dire utopique,
mais nous croyons que le monde a, pour avancer, besoin d'utopie.
Or, aujourd'hui, partout le doute s'est installé. Ce n'est
pas seulement que l'on n'arrive pas à atteindre la démocratie, c'est que des
peuples, par milliards de citoyens, ont décidé que la démocratie n'était pas le
but à atteindre, que ce n'était pas cela qui devait faire rêver, que c'était,
au fond, une opinion qui pouvait être dépassée, combattue, surpassée par
beaucoup d'autres opinions et, si on m'avait dit dans ma vie que je verrais le
Premier Ministre britannique suspendre les travaux du Parlement britannique
pour faire plus facilement son affaire sur un sujet controversé et difficile,
je dois avouer que je ne l'aurais pas cru.
Je dis au passage à ceux qui sont historiens ou qui
s'occupent de sciences politiques que la décision que la Cour suprême
britannique a prise à l'unanimité de ses onze membres en disant que la décision
que Bois Johnson avait fait prendre à la Reine d'Angleterre était une décision
illégale, nulle et non avenue et la Présidente de la Cour suprême a dit : «C'est
comme si rien n'avait été écrit sur une feuille blanche».
Cette décision-là, tous ceux qui s'intéressent aux
constitutions au travers du monde, dateront ce jour-là comme la naissance ou l'entrée
de la Grande-Bretagne, du Royaume-Uni, dans un nouveau schéma institutionnel,
cette fois-ci définitivement fixé et nous avons vu cela de nos yeux et je dois
dire que, pour cette raison-là, nous avons été, moi en tout cas, remplis de
gratitude à l'égard des défenseurs de la démocratie britannique.
Vous voyez le Brésil, vous voyez Donald Trump, vous voyez ce
qui se passe autour de l'Iran, vous voyez la Russie, la Chine et, en prononçant
«vous voyez la Chine», je pense «vous voyez Hong-Kong», ce qui se joue à
Hong-Kong, c'est évidemment quelque chose qui concerne l'avenir de l'équilibre
politique de la planète et de milliards de citoyens.
Vous voyez l'Algérie, plus près de nous, ce qui se joue tous
les vendredis en Algérie, avec un peuple immense de citoyens ayant fait
l'option de la non-violence, refusant de tomber dans le piège de la violence,
manifestant aux yeux de tous leur volonté de résister à une oppression et, au
fond, à un arbitraire, cela ne concerne pas seulement le destin de ce pays ami
et tellement lié à nous, cela ne concerne pas seulement les citoyens algériens,
cela nous concerne tous et je voulais, de cette tribune, envoyer une pensée aux
démocrates algériens.
Partout dans le monde, la démocratie apparaît comme un
embarras pour les puissants et un obstacle pour la puissance aveugle. Or, est
arrivé le moment de rappeler que la démocratie, c'est d'abord la protection des
faibles, car malheur aux faibles si la démocratie est affaiblie. Ce sont eux
qui paieront les pots cassés en premier.
Or, la démocratie souffre d'abord de l'idée qu'elle est
impuissante. Elle souffre de l'idée qu'elle est incapable de résoudre les
problèmes à l'intérieur et qu'elle est incapable de trouver un équilibre pour
les résoudre sur la scène du monde, à l'extérieur.
Et les citoyens ne voient que des grands-messes qui ne
servent à rien, des débats dont ils ne comprennent pas le sens, des élections
qui ne changent rien, qui ne changeaient rien, une incapacité à prendre en
charge les attentes matérielles et les attentes morales, je n'ose pas dire
spirituelles, bien que je croie que ce soit exactement de cela dont il s'agit,
attentes de justice et attentes d'identité.
Alors, je dis cela, attentes d'identité, car nous allons
ouvrir des débats sur ce sujet et je trouve ces débats justes, courageux et,
pour tout dire, indispensables, parce que, lorsque des problèmes sont
identifiés par tous les citoyens et que l'organisation du pouvoir paraît ne pas
les saisir à bras-le-corps, alors se développe une défiance et cette défiance est
proprement mortelle.
Je regarde donc cette évolution du monde avec les menaces
qui viennent de partout et j'observe qu'il existe un pays dans le monde, une
voie dans ce pays qui résiste à cette dérive, à ce glissement continu vers
l'échec et vers l'impuissance, ce pays, c'est la France et, cette voix, c'est
celle du Président de la République française.
Je veux partager avec vous ce sentiment très simple :
j'ai été très fier au moment du G7, pas seulement parce que l'on était au
Pays Basque, que la lumière était magnifique et que les Pyrénées à
l'horizon, déployaient un feston qui rendrait inoubliable cet événement, pas
seulement pour cela, j'ai été très fier, car, aussi loin que je m'en souvienne,
ces grands événements, ces grandes messes, ces mises en scène, elles ne
débouchaient sur rien et, pire encore, sur rien de surprenant.
C'était du business as usual, comme disent les Anglais
et, pour une fois, grâce au Président Emmanuel Macron, on a vu le scénario de
l'impuissance écrit à l'avance démenti dans les faits, car un homme est allé
prendre par la main le chef d'État supposé le plus puissant de la planète et
des interlocuteurs qui sont parmi les plus incommodes, dangereux parfois, pour
essayer de les mettre en présence les uns des autres et de montrer à tous les
citoyens du monde qu'il y avait quelque chose à faire, car, au fond, les
positions politiques se divisent en deux.
Il y a les gens qui baissent les bras, car ils croient que,
finalement, au bout du compte, il n'y a rien à faire et il y a les gens qui,
comme nous le faisons ici et aujourd'hui, dans l'organisation de la démocratie
française, croient que l'on peut et on doit, si on est un citoyen, choisir de
changer le monde.
C'est de la résistance, mais ce n'est pas de la résistance,
comment dirais-je, bêtement, angélique, bisounours, c'est de la résistance
active, infatigable et, d'une certaine manière, ce simple geste et cette simple
journée prolongée lors de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations
Unies ont changé un peu encore, seulement un peu, mais c'est décisif, les
relations internationales.
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