Joe Biden |
En tant que «frontrunner» (celui qui fait la course en tête)
qui domine largement pour l’instant la concurrence dans les sondages – tant
dans ceux qui concernent l’élection générale face à Trump que ceux des
primaires démocrates –, Joe Biden est l’objet évidemment des attaques les plus
violentes des républicains mais, tout aussi évidemment, de l’ensemble de ses
concurrents pour la nomination comme candidat du Parti démocrate à la
présidentielle de 2020.
Et sa longue carrière (plus que son âge) fait de lui un
candidat solide mais aussi très fragile!
Car il a traversé de nombreuses périodes politiques qui ne
sont plus «politically correct» dans les critères d’aujourd’hui et a pris des
positions au cours de son parcours qui sont devenues quasi-indéfendables
– notamment au Parti démocrate souvent gangrené par les
revendications communautaristes les plus extrêmes, voire les plus inacceptables
– ou entretenus des relations il y a plusieurs années qui désormais
peuvent être un lourd handicap.
Ainsi, il a déjà été attaqué pour avoir eu des gestes
affectifs trop appuyés à l’encontre de femmes, pour avoir travaillé avec des
opposants lors de compromis voire avec des membres de son propre parti qui ne
sont plus historiquement fréquentables maintenant, comme les dixies democrats,
ces démocrates qui régnèrent sur le Sud du pays de la fin de la Guerre de
Sécession à la fin des années 1960, où, pour la plupart de leurs électeurs, il
n’était alors pas question de voter pour un candidat du parti de Lincoln (le
Parti républicain en l’occurrence) et de l’abolition de l’esclavage, ce qui
faisait que les candidats d’extrême-droite, racistes et ségrégationnistes,
réactionnaires et violents se présentaient sous l’étiquette démocrate.
Mais, en vouloir à Biden d’avoir travaillé avec eux au début
de sa carrière politique, c’est en vouloir alors à tous les présidents
démocrates qui se sont succédés à la Maison blanche depuis 150 ans (dont
Franklin Roosevelt ou John Kennedy) sauf les deux derniers, Bill Clinton et Barack
Obama, tout simplement parce que ces candidats extrémistes ont tous, depuis la
révolution nixonienne du début des années 1970, rejoints les rangs du Parti
républicain dont ils sont désormais des élus quasiment inamovibles dans
certains Etats comme l’Alabama, la Louisiane, le Mississipi ou la Géorgie, par
exemple.
Mais il s’agit également de son programme centriste, qui
ressemble à celui d’Obama en 2008 et à celui d’Hillary Clinton en 2016.
Si celui-ci est à même de séduire les électeurs modérés du
Parti démocrate mais aussi du Parti républicain et de ramener du côté démocrate
beaucoup de cols bleus qui sont allés voter Trump en 2016 (par haine d’Hillary
Clinton et du fait qu’elle était une femme…), il va se heurter à tout ce que le
Parti démocrate compte d’activistes de gauche, de genre ou ethnique qui ont
réussi à phagocyter une partie de celui-ci ces dernières décennies et, surtout,
la dernière.
D’autant qu’il faut rappeler qu’en 2008, lors de la
présidentielle qui a vu l’élection de Barack Obama, cette frange gauche du
Parti démocrate avait mené une violente campagne contre le programme centriste
de celui-ci (et avait continué une guérilla pendant toute la durée de ses huit
années de présidence) et avait récidivé en 2016 à l’encontre du programme d’Hillary
Clinton (ce qui lui a peut-être coûté sa victoire dans les Etats où elle n’a
perdu que par quelques milliers de voix).
On l’a bien vu lors du premier débat entre les candidats à
la primaire démocrate où il a été la cible plus ou moins directe des autres
prétendants à l’investiture du parti pour la présidentielle de 2020 avec des
accusations qui faisaient fi des réalités politiques et sociologiques de
l’époque.
Pourtant, Biden tient toujours avec une avance de neuf
points du Donald Trump pour la présidentielle et une avance de quinze points
sur son poursuivant direct pour la primaire démocrate selon les deux derniers
sondages en date (NBC-Wall Street Journal pour la présidentielle, Politico-Morning
consult pour la primaire).
On y verra sans doute un peu plus clair après le
deuxième débat entre démocrates qui a lieu fin juillet à Detroit (Michigan).
Mais il est sûr que l’ancien vice-président de Barack
Obama sera encore la cible des autres candidats et qu’il va devoir jouer serré
pour ne pas se faire déborder par des attaques déstabilisatrices, à défaut
d’avoir du contenu, comme notre époque en est désormais remplie en politique et
qui peuvent briser net un parcours.
Sans oublier que Biden est considéré comme un gaffeur,
ce qui lui a déjà joué de multiples tours dans sa carrière.
Et puis, s’il demeure en tête, au fur et à mesure que
les primaires approcheront puis se dérouleront (leur début est
programmée pour le 3 février 2020 avec la première, celle du New Hampshire)
jusqu’à la Convention démocrate qui choisira le candidat du parti (qui
se tiendra du 13 au 16 juillet 2020 dans la ville de Milwaukee dans le
Wisconsin), il sera la cible, à la fois, à droite et à l’extrême-droite,
du Parti républicain et de Donald Trump en personne, et à gauche et à la gauche
radicale, d’au moins la moitié des prétendants démocrates avec en tête de liste
Bernie Sanders et Elizabeth Warren soutenus pas les activistes radicaux telle
Alexandria Ocasio-Cortez.
Dès lors, on peut prédire des moments très difficiles à Joe
Biden.
Néanmoins, s’il se sort de toutes les chausse-trappes
qui vont jalonner son parcours avec succès, il sera alors un candidat
particulièrement sérieux, capable de débarrasser les Etats-Unis
de l’indécent et scandaleux Donald Trump.
Mais, prédire aujourd’hui sa victoire lors des primaires
ne peut se faire avec assurance.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
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