Depuis toujours, il y a de notables différences selon les
instituts de sondage américains quant aux résultats de leurs enquêtes
d’opinion.
Une de ces raisons est que certaines sociétés ou
organisations qui les réalisent sont très proches de certains candidats ou
partis.
Ainsi, il y a des sondeurs républicains qui ont tendance à
gonfler le score des candidats du même parti (on rappelle que tous les résultats
sont «corrigés» et comportent des «marges d’erreur» qui permettent
l’appréciation subjective du sondeur).
Idem pour le Parti démocrate mais aussi, à l’intérieur même
de chaque camp, il y a des sondeurs qui sont plus proches des radicaux et
d’autres des modérés.
En ce qui concerne les primaires démocrates actuelles,
certains instituts et organisations sont plus proches de la gauche du parti,
d’autres de son aile centriste.
D’où des résultats qu’il faut prendre avec circonspections
sauf pour certains sondeurs qui ne sont pas idéologiquement engagés à moins que,
comme pour certains qui, comme partout dans le monde, veulent faire le buzz en
«corrigeant» un petit peu trop leurs résultats!
Deux exemples parmi les plus frappants de ces dernières
années nous viennent des élections de 2012 et de 2016.
En 2012, c’est le biais idéologique qui a permis à certains
instituts et certains médias (comme la très réactionnaire chaine d’infos, Fox
news qui a longtemps refuser d’annoncer les résutats officiels…) de prédire
puis d’annoncer le soir des élections la victoire du républicain Mitt Romney
alors même qu’il avait été battu à plate couture par Barack Obama!
En 2016, il s’agissait plutôt de faire le buzz (même si les
arrière-pensées idéologiques n’étaient pas absentes) en prédisant la victoire
de Donald Trump en nombre de voix.
Car si ce dernier l’a bien emporté, il l’a fait en ayant
près de 3 millions de voix de moins qu’Hillary Clinton, bénéficiant d’un
système électoral biaisé.
Or, à l’encontre de tout ce que les médias ont pu écrire,
ceux qui se sont trompés en 2016 n’étaient pas la quasi-totalité des sondages
au niveau national mais les quelques uns qui ont osé mettre Trump en tête!
En revanche, il y a bien eu des erreurs des sondeurs à cette
occasion concernant les enquêtes réalisées dans chaque Etat où les
imprévisibilités sont parfois nombreuses et importantes ce qui fait que les
sondages ont du mal à donner un résultat fiable.
Ainsi, nombre d’instituts et d’organisations n’ont pas vu la
victoire de Trump en Pennsylvanie, au Michigan ou dans le Wisconsin.
A leur décharge, celle-ci a eu lieu avec un nombre de voix très
peu importantes qui entre dans les marges d’erreur…
Toute cette longue introduction pour dire que la montée dans
les sondages de la sénatrice de Californie (mais aussi ancienne procureure de
l’Etat), la centriste Kamala Harris, depuis le premier débat entre candidats à
la primaire démocrate, doit être appréciée dans ce cadre d’incertitude générale.
Ainsi, les trois sondages réalisés après la primaire donnent
à Kamala Harris 11% d’’intentions de vote (Harris X), 12% (Morning consult) et
17% (CNN), des différences très importantes quant on sait que l’enquête
d’Harris X et de CNN se sont déroulées en même temps et ont un différentiel
énorme de six points!
Ce qui est plus intéressant au-delà de ces chiffres bruts
c’est que, dans les trois cas, Harris se positionne désormais en troisième
position (pour Morning consult et Harris X) et même en seconde position (CNN)
dans la course à l’investiture (le centriste Joe Biden, ancien vice-président
de Barack Obama, demeurant en tête dans les trois sondages).
Pour Morning consult, elle partage cette troisième place
avec la sénatrice du Massachussetts, Elizabeth Warren mais la devance pour
Harris X, alors même que les «experts» avaient affirmé que Warren la «liberal» très
à gauche l’avait emporté au cours de ce premier débat…
Pour CNN, elle devance même le sénateur du Vermont et
socialiste, Bernie Sanders de deux points.
On peut donc estimer, avec toutes les réserves d’usage, que
Kamala Harris vit son premier «momentum», terme américain signifiant une
séquence sondagière particulièrement favorable qui rythment les élections de
tous les pays démocratiques et peut concerner différents candidats qui peuvent
en vivre plusieurs au cours d’une campagne électorale (le mieux étant d’en vivre
une à la fin d’une campagne évidemment!).
Peut-on analyser ce momentum rationnellement?
Pour beaucoup d’observateurs, son attaque calculée et
agressive (elle l’a lancée en dehors même d’une discussion sur le sujet entre candidats)
contre les soi-disant ambiguïtés de Joe Biden sur les Afro-Américains (elle est
elle-même d’origine en partie indienne et afro-américaine) lui a permis de
faire le buzz et de montrer ses qualités de solidité et de fermeté, tout en jouant
sur la corde sensible de son enfance ségrégationnée.
Mais il serait injuste de dire que ce seul événement
médiatique lui permet cette montée soudaine dans les sondages.
Son discours est, à la fois, très offensif à l’encontre de
Donald Trump (dont elle réclame la destitution) et ses propositions en matière
économique, sociale et sociétale sont robustes avec une taxation des plus
riches et des grosses entreprises, une attention plus grande aux classes
moyennes et une aide aux plus pauvres, la défense des minorités attaquées de
toute part depuis l’élection de Trump, son combat contre les armes à feu les
plus dangereuses ainsi que ses prises de position humanitaires en faveur des
migrants.
Tout cela donne une certaine consistance à son programme même
si, selon plusieurs analystes, elle doit encore clarifier ce dernier en donnant
un sens plus explicite au pourquoi de sa candidature.
Quoi qu’il en soit, Harris doit maintenant capitaliser sur
ce momentum et être capable de garder cette dynamique ce qui, par exemple, n’a
pas été du tout le cas de Beto O’Rourke.
L’ancien représentant du Texas qui a fait une campagne
sénatoriale tonitruante face à un des extrémistes de droite les plus
réactionnaires du pays, Ted Cruz, ce qui lui avait permis de se faire connaître
du grand public et de lui donner beaucoup de crédit (malgré sa défaite finale),
a, lui, complètement dilapidé les gains de son «momentum» à l’occasion de
l’annonce de sa candidature.
Désormais, il se morfond dans les sondages autour de 2 à 4%
d’intentions de vote…
Un des éléments qui semblent néanmoins montrer que Kamala Harris
a changé de statut dans cette primaire sont les attaques nauséabondes dont elle
a été victime sur les réseaux sociaux après le débat et ses attaques contre Biden.
A noter que ce dernier lui a adressé, à cette occasion, tout
son soutien.
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