1989 est cette année cruciale pour notre troisième millénaire
actuel où le monde a, tout à la fois, cru en la démocratie planétaire et vu ses
espoirs en la liberté universelle se fourvoyer.
Parce que 1989, c’est à la fois la chute du mur de Berlin,
le 9 novembre, mais aussi la terreur qui s’est abattue sur la place Tienanmen
de Pékin quelques mois auparavant, dans la nuit du 3 au 4 juin, tuerie d’une
barbarie inouïe dont nous fêtons le triste trentenaire aujourd’hui.
A l’espoir et à la joie de voir la libération des peuples à
l’Est de l’Europe, nous avons également expérimenté, dans la même année, le
désespoir et la douleur d’assister, impuissants aux massacres de ce peuple
chinois qui voulaient seulement goûter à l’ivresse de cette liberté chérie qui
soi-disant ne fait partie de «sa culture» (ce que tous les sondages sérieux,
c'est-à-dire non-trafiqués par la pouvoir communiste, disent sans aucune
contestation possible).
Mais même si la libération de l’Est de l’Europe de la chape
de plomb soviétique continua – la chute du mur est postérieure aux chars de la
honte –, c’est bien la révolution mondiale de la liberté qui s’est brisée ce 4
juin parce que les autocrates du PC chinois ont montré aux peuples encore sous
le joug de dictatures que ce mouvement vers la liberté n’était pas inéluctable,
ce qu’ont très bien compris très rapidement des régimes comme Cuba, l’Iran, la
Syrie, le Vietnam, etc. et que comprennent très bien d’autres aujourd’hui comme
la Russie, la Turquie, le Venezuela et toujours Cuba, l’Iran, la Syrie, le Vietnam…
Oui, Tienanmen n’est pas seulement l’écrasement du désir de
la démocratie en Chine mais bien la pierre angulaire sur laquelle s’appuient
tous les régimes autocratiques, dictatoriaux et totalitaires pour résister et
empêcher leurs peuples de les chasser du pouvoir et d’installer des régimes
démocratiques.
Sans parler des mouvements terroristes qui, eux aussi, ont
trop bien retenus la «leçon Tienanmen» comme Daesh, par exemple, en expliquant,
dans un bourrage de crâne aussi simpliste qu’efficace pour des personnalités
fragiles et ignorantes, que la «démocratie occidentale» était le diable.
Or, non seulement ce n’est évidemment pas le cas mais,
surtout, il ne s’agit pas d’un régime «occidental» mais d’une légitime demande
de vivre libre par tout individu vivant sur notre terre.
La Chine est devenue aujourd’hui le modèle de la société
totalitaire.
Intelligemment, le pouvoir «communiste» a su jouer profil
bas depuis l’élection de Donald Trump, les provocations incessantes de
personnages comme Poutine, Erdogan, Orban, Duterte, Assad ou encore Salvini
(liste non exhaustive!), pour avancer son «agenda».
Comme Narendra Modi en Inde qui a met en place une société
dominée par un nationalisme ethnique et religieux à l’ombre des frasques des
mouvements populistes extrémistes, Xi Jinping travaille à l’élaboration d’une
société policière de la surveillance des Chinois grâce aux instruments
traditionnels de toute dictature mais aussi de toutes les avancées
technologiques – sans parler de la présence d’une terrible et gigantesque
administration–, qui permettent un fichage de toute une population, le visionnage
de tous ses actes, physiques et intellectuels, dans la rue mais aussi chez
chaque citoyen grâce à des caméras et des micros, avec un système abjecte de punition
et de récompense.
Les «mauvais» citoyens, ceux qui, par exemple, ne traversent
pas sur les passages piétons et dont on publie la photo sur des écrans géants
de leurs quartiers avec leurs noms et leurs adresses, ne peuvent prétendre à un
emploi ou un appartement, les «bons», ceux qui par exemple, dénoncent leurs «mauvais»
voisins, peuvent plus facilement voyager et obtenir un crédit.
Sans même parler des prisonniers politiques qui croupissent
dans des camps de «rééducation» qui n’ont rien à envier à ceux de la période
maoïste (dont monsieur Xi est un admirateur) ou assignés à résidence et
victimes sans cesse de brimades.
Oui, c’est cela la Chine du XXI° siècle.
Oui, la victoire du totalitarisme sur la liberté, il y a
trente ans, place Tienanmen, voulue par Deng Xiaoping, a engendré une société
de la surveillance, de la traque, de la délation et de la mise au pas
systématiques, Cette société si redoutée au XX° siècle est en train de se
mettre en place grâce aussi au silence assourdissant des dirigeants des démocraties.
Et l’on se dit que si la révolte pacifique de Tienanmen
avait réussie…
Mais on se dit aussi que la Chine, qui ne fait plus mystère
de dominer le monde en devenant la première puissance mondiale, a vocation à
exporter son «modèle» de société (qui intéresse déjà bien des pays en Asie et
en Afrique).
C’est pourquoi, trente ans après, tout démocrate qui se
respecte, doit être solidaire de tous les dissidents chinois actuels ainsi que tout
aussi volontaire que les manifestants pacifiques de la place Tienanmen, afin
d’empêcher les maîtres de Pékin de parvenir à leurs fins.
Oui, ce monde est en train de prendre un virage de plus en
plus dangereux où les pires prédictions d’Orwell ou de Huxley ne sont plus des
fantasmes mais souvent des réalités présentes ou en devenir.
Peut être que je vois un peu trop le verre à moitié vide.
Alors, vivement le 9 novembre pour célébrer la chute du mur
de Berlin!
Tout en pensant à cette jeunesse écrasée sur le macadam face
à la cité interdite, lieu d’un pouvoir qui massacra tant de gens aux cours de
son histoire…
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