Trump n’est pas le début mais la suite et peut-être l’aboutissement
d’un mouvement extrémiste et populiste né aux Etats-Unis au sein du Parti
républicain et autour de lui, que l’on peut faire remonter à Ronald Reagan
(voire à son mentor, Barry Goldwater), qui a connu une accélération sous George
W Bush et qui maintenant s’incarne en Donald Trump.
Dans le même temps, il y a eu la montée en puissance de
l’extrême-droite évangéliste et du mouvement du Tea Party qui agrégeait dans
ses rangs les populistes, les racistes, les extrémistes, des complotistes, des
membres des milices armées «citoyennes», bref toute la lie de la droite
radicale et de l’extrême-droite américaines qui n’ont rien à envier à leurs
consœurs européennes, ni dans leur violence, ni dans leur haine et leur hargne.
On oublie trop souvent qu’avant le «désastre» (une des ses
expressions préférées…) de Trump, il y a eu celui de George W Bush.
Pas seulement et peut-être pas principalement à cause de sa
guerre désastreuse en Irak où les seuls motifs étaient la vengeance, l’hubris
et un possible gain électoral, mais dans cette formidable dérégulation de
l’économie et du social mise en place sur le modèle reaganien (mais que Reagan
ne voulut ou put mener jusqu’à l’extrême) afin de permettre aux riches de
s’enrichir encore plus et de casser toutes les digues mises en place pour
empêcher que les inégalités sociales ne submergent le tissu économique et
social.
Les Etats-Unis étant la première puissance mondiale et la
première place financière, cette dérégulation a entraîné le monde dans une
spirale qui a abouti à la crise de 2007-2008 (que le centriste Barack Obama a
pu juguler grâce à ses décisions courageuses) mais surtout à une nouvelle donne
qui, elle n’a pas disparu avec la Great Recession (la Grande Récession en
rapport avec la Great Depression, la Grande Dépression des années 1930) et qui
a creusé les inégalités sociales de manière abyssale.
Donald Trump ne poursuit pas cette agressivité militaire
(sauf en paroles…) de Bush fils – que l’on peut néanmoins expliquer puisque
celui-ci était le président en place lors des attentats du 11 septembre 2001 –
mais a repris cette marche forcée vers l’enrichissement de ce que l’on appelé
les 1% les pus riches (et qui occasionna le mouvement Occupy Wall Street en
2011).
Aujourd’hui, cette situation fait le lit des populistes
ainsi que des extrémistes et a même permis, comble de l’ironie, à Trump de se
faire élire sur l’idée qu’il était le meilleur défenseur des pauvres et qu’il
serait le président du petit peuple!
Car, oui, Obama, concentré sur l’urgence absolue du
sauvetage de la démocratie républicaine et du système économique, avait
privilégié, dans un premier temps, des mesures pragmatiques qui avaient permis
aux principaux coupables de la crise (avec le gouvernement Bush) de s’en tirer
et de refaire du «business as usual» sans changer leurs comportements.
C’était dans une deuxième phase qu’il comptait s’attaquer
avec force aux inégalités et aux responsables des dysfonctionnements de la
démocratie sociale mais la perte de la majorité à la Chambre des représentants
en 2010 (puis au Sénat en 2014) l’ont empêché de le faire avec un blocage de
toutes ses initiatives en ce sens du Parti républicain, permettant à ces mêmes
inégalités de continuer à se creuser et au même Parti républicain de prospérer
sur ces inégalités dont il était le principal responsable!
Oui, un président néoconservateur (Bush) et un président
populiste (Trump), tous deux entourés de conseillers et de ministres radicaux,
voire extrémistes (le vice-président de Bush, Dick Cheney, n’avait rien à
envier au conseiller de Trump, Steve Bannon), ont créé et créent les conditions
du grand bordel que connaissent les démocraties et la montée des régimes
autoritaires et dictatoriaux (sans oublier celui du terrorisme).
En ce sens, la présidence de Trump est l’aboutissement d’une
stratégie politique consistant à diaboliser toute politique centriste ou au
centre avec l’aide des médias que l’on enfume malheureusement assez facilement
parce qu’ils ont envie de l’être (la crise des gilets jaunes en France en est
une preuve désespérante) où les extrémistes de tout bord s’en donnent à cœur
joie.
Mais, bien sûr, c’est aussi l’élément qui manquait jusqu’à
présent à ce mouvement populiste, démagogique, complotiste et autocratique: une
victoire dans, à la fois, la première puissance mondiale et la plus longue
démocratie de l’Histoire.
Tout ceci permet de faire deux constatations fondamentales.
La première est que, oui, la démocratie républicaine
représentative libérale sera toujours un système d’une très grande fragilité
parce qu’elle est une société ouverte qui doit faire confiance en ses membres
pour la protéger en partant du principe que celui qui a la liberté la préfère à
l’asservissement, principe qui, malheureusement, dans l’Histoire, ne se
confirme pas dans bien des cas.
Le deuxième est que l’idée selon laquelle un peuple «mieux
éduqué» serait de plus en plus attaché aux règles démocratiques ne se confirme
pas dans les comportements et les actes de la population d’un pays démocratique
et républicain.
Parce que la montée de l’autonomie de l’individu qui est
corrélée à la montée de la liberté (qui permet un approfondissement de
l’individualité) et à la longueur d’un régime démocratique, permet à celui-ci,
au lieu de devenir responsable de ses actes et de sa propre vie, de
s’affranchir des règles de la démocratie et de la république en utilisant ces
mêmes règles pour les détourner à son unique profit dans un comportement
essentiellement consumériste où règne l’égocentrisme, l’irresponsabilité et
l’assistanat…
C’est pourquoi ce peuple «mieux éduqué» est toujours aussi
sensible aux discours démagogiques, populistes et complotistes d’intrigants et
d’aventuriers de la politique.
Des exemples?
Donald Trump, Vladimir Poutine, Viktor Orban, Matteo
Salvini, Marine (et Jean-Marie Le Pen, Nigel Farrage, Santiago Abascal, Recep
Tayyip Erdogan, Jaïr Bolsonaro, Pablo Iglesias, Rodrigo Duterte, Luigi di Maio,
Heinz-Christian Strache, Jaroslaw Kaczynski…
Arrêtons-là pour nous éviter la nausée.
L’évocation de ces noms fait froid dans le dos à tous ceux qui
placent la devise de la république française en haut de leurs espoirs en un
progrès de l’Humanité.
Liberté, égalité, fraternité dans l’indispensable et
incontournable respect de la dignité humaine.
Alors, oui, actuellement, les graines d’autocratie, voire
pire, après avoir longuement germé, fleurissent un peu partout sur la planète
démocratique (et là où il y a encore des élections plus ou moins libres) mais
le combat humaniste garde sa grandeur et demeure une exigence, une nécessité et
un impératif pour tous ceux qui croient, comme les centristes, en un monde
perfectible et, oserais-je dire, meilleur…
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