Emmanuel Macron |
Comme
il l’avait annoncé, Emmanuel Macron s’implique avant les élections au Parlement
européen du 26 mai.
Ainsi,
dans une interview à la presse régionale, il estime qu’il doit monter au
créneau pour défendre une Union européenne qui est «face à un risque
existentiel» du fait des nationalistes mais également des grandes puissances
comme la Chine ou les Etats-Unis ou de pays comme la Russie dont le but commun
est de détruire l’Europe.
Il déclare également qu’il réclamera, au lendemain des
élections, la tenue d’une «Convention fondatrice européenne» afin de «définir
la stratégie de l’Europe pour les cinq années à venir, y compris les
changements de traités».
On retrouve ici la fibre européenne du Président de la République
lorsqu’il n’était alors qu’un candidat à la présidentielle en 2017, ce qui montre,
s’il en était besoin, son attachement profond à l’Union européenne.
Voici l’interview d’Emmanuel Macron à la presse régionale:
- Pourquoi vous
sentez-vous obligé de monter au créneau dans cette campagne ? Il y a
alerte rouge ? La faute à vos candidats ?
Le projet de transformation profonde que je mène pour le
pays ne va pas sans une nouvelle étape du projet européen. Les Français m’ont
élu pour cela. Je ne peux donc pas être un spectateur, mais un acteur de cette
élection européenne qui est la plus importante depuis 1979 parce que l’Union
est face à un risque existentiel. Si, en tant que chef de l’État, je laisse se
disloquer l’Europe qui a construit la paix, qui a apporté de la prospérité,
j’aurai une responsabilité devant l’Histoire. Le président français n’est pas
un chef de parti mais il est normal qu’il s’implique dans des choix
fondamentaux.
- Ne craignez-vous
pas que ce vote se transforme en référendum contre vous ?
Je constate que toutes les autres listes en font un
référendum contre le président de la République et le gouvernement. Il ne
s’agirait pas que je sois le seul à ne pas pouvoir prendre la parole. Quand je
regarde les choses, le chômage est au plus bas depuis dix ans, le pouvoir
d’achat n’a jamais augmenté de cette manière depuis douze ans, l’investissement
productif repart, les emplois industriels sont recréés… Il n’y a pas à rougir
de notre bilan, même s’il faut aller plus loin. La question de ces élections
européennes est simple : voulons-nous la division face aux États-Unis et à la
Chine ou préférons-nous l’unité pour bâtir notre avenir européen?
- L’abstention
pourrait battre des records dimanche. Si tel est le cas, est-ce que ce sera un
échec personnel pour vous ?
Quand il y a de l’abstention, c’est un échec pour la
démocratie. Il y a un paradoxe : On a passé des mois à dire qu’il fallait
redonner de la vigueur à notre démocratie et l’on considérerait qu’il n’est pas
important d’aller voter? Décider de ne pas aller voter, c’est décider de donner
sa voix à ceux qui ne veulent que détruire. C’est ce qui s’est passé il y a
trois ans avec les Britanniques pour le Brexit. Pour exprimer son choix quel
qu’il soit, c’est le 26 mai ou jamais !
- Si la liste
Renaissance arrive derrière le RN, quelles conséquences cela aura sur la
politique française ?
Je ne me pose pas dans un tel cas de figure. Nous nous
sommes assoupis, comme si l’on n’avait pas réalisé qu’il y a cinq ans le parti
qui avait remporté les élections européennes, c’était le Front national. Est-ce
qu’ils ont réussi au niveau européen? Ils ont voté contre tout ce qui est dans
l’intérêt de la France. Leur projet affaiblit la France et divise l’Europe.
- Pourrez-vous être
moteur, réformateur, si vous n’arrivez pas premier en France?
Je n’ai pas l’esprit de défaite, j’ai l’esprit de conquête.
La France sera d’autant plus forte que nous ferons un bon score.
- Donc, vous ne nous
direz pas si cela vous conduirait à changer de Premier ministre…
Absolument pas. Je n’ai jamais fait de politique-fiction.
J’ai toute confiance en Édouard Philippe qui s’engage sans compter auprès des
pro-européens.
- Quel doit être le
premier chantier d’urgence auquel devra s’atteler le nouveau Parlement?
Je veux une Convention fondatrice européenne après les
élections. Que les chefs d’États et de gouvernement, avec le nouvel exécutif et
les responsables du Parlement, avec les citoyens prennent le temps de définir
la stratégie de l’Europe pour les cinq années à venir, y compris les
changements de traités sur lesquels ils veulent aboutir.
- Vous êtes favorable
à l’introduction de quotas pour l’immigration en France. L’êtes-vous à
l’échelle européenne?
On parle d’immigration légale, économique ou étudiante. Je
suis prêt à ouvrir ce débat comme je l’ai dit. En revanche, on ne peut pas en
instaurer sur le droit d’asile. C’est pour cela que je veux refonder Schengen,
y compris jusqu’au changement des traités si besoin. On ne protège pas
suffisamment nos frontières communes. Il n’y a plus de solidarité et trop de
différences entre nos droits d’asile. Je veux refonder complètement Schengen,
avec un espace plus petit si besoin, une meilleure protection des frontières
communes et une harmonisation des droits d’asile et un pilotage par un conseil
des ministres de l’Intérieur.
- Les convergences
sont difficiles sur le glyphosate, le carbone ou encore le charbon. Comment
avancer sur les questions écologiques?
Notre jeunesse européenne a une conscience aiguë de ces sujets.
Elle a décidé de s’exprimer et bouscule ses gouvernements, et c’est une chance.
J’ai moi-même beaucoup progressé sur ces sujets ces derniers mois en
l’écoutant. L’histoire nous jugera sur ce sujet. Je voudrais que l’on avance
sur la taxation commune du kérosène en Europe et que l’on ait une vraie
négociation internationale. Je veux aussi que l’on aille plus vite et plus fort
notamment sur les financements européens d’où l’idée de la Banque européenne du
climat. Enfin, il faut taxer en Europe les entreprises les plus polluantes et
mettre une taxe carbone aux frontières.
- Face à la réforme
annoncée de la politique agricole commune, les agriculteurs ont-ils raison de
s’inquiéter?
Nous avons besoin de la PAC qui assure aujourd’hui le revenu
de nos agriculteurs. Je ne veux pas que le Brexit conduise à réduire les
ambitions du modèle agricole européen. C’est un engagement que j’ai pris
vis-à-vis de nos agriculteurs. Je veux une souveraineté alimentaire européenne.
Nos agriculteurs ont raison de ne pas être d’accord avec le projet de réforme
qui a été mis sur table, et auquel je suis fermement opposé. Ils peuvent
compter sur mon soutien, mais il ne faut pas se tromper: plus nous aurons des
partis qui défendent un projet européen fort, plus nous aurons une politique
commune ambitieuse. Les nationalistes, qui défendent la renationalisation de
l’agriculture, sont contre la PAC. Renationaliser notre politique agricole
serait une erreur profonde pour nos agriculteurs.
- Vous êtes en
désaccord avec les Allemands sur de nombreux sujets… La mécanique est-elle
grippée?
Je ne pense pas qu’elle soit grippée, je pense qu’elle s’est
rééquilibrée. Nous faisons entendre notre voix. Avec le discours de la
Sorbonne, nous avons eu de vrais résultats. Sur le budget de la zone euro, la
défense, le droit d’auteur, la protection d’intérêts européens face aux grandes
puissances, les travailleurs détachés… Les Allemands ont accepté de vrais
compromis. Nous devons bâtir l’acte II de ce projet. Et ce nouvel acte doit
être marqué par l’ambition et la cohérence. À ce titre, la position française
rejetant un nouvel accord commercial avec les États-Unis est essentielle. On ne
peut pas imposer des règles plus dures à nos industriels tout en négociant un
accord avec les États-Unis qui ont décidé de ne plus respecter l’accord de
Paris. Ce serait faciliter l’importation de biens industriels produits dans des
conditions ne respectant pas ce que nous imposons à nos entreprises. C’est
déloyal.
- Mais ces désaccords
entre Français et Allemands ont rarement été aussi forts…
Vous avez oublié ce qu’étaient les grands temps du projet
franco-allemand. De Gaulle-Adenauer, Mitterrand-Kohl, Schrœder-Chirac : ces
trois grands tandems ont eu de vrais désaccords, qui ont permis de vraies
avancées. Avec Angela Merkel, nous nous respectons et nous travaillons très
bien ensemble, mais je ne crois pas à l’entente feinte et stérile, qu’il faille
gommer les différences quand elles existent. Si on ne dit pas les choses on ne
peut pas progresser. Mais on ne peut pas faire progresser l’Europe sur un
désaccord franco-allemand.
- Mais avec qui
allez-vous pouvoir faire alliance pour peser?
Je ne sais pas dire demain ce que sera l’état des forces
politiques sur le plan européen. Il y aura sans doute des forces d’extrême
droite qui seront à un niveau non négligeable mais divisées. Mon ambition c’est
que nous puissions être au cœur d’une nouvelle coalition de progrès et
d’avenir. L’Europe peut s’offrir tous les luxes sauf celui de la paralysie.
Soit, nous voulons nous diviser et nous devenons le théâtre de jeux d’influence
extérieurs, chinois, russes, américains, soit on décide de se ressaisir et
d’être souverainement nous-mêmes. Il faut être unis car c’est l’union qui fait
la force.
- Quels postes la
France doit-elle obtenir au sein des institutions pour espérer peser?
Je ne raisonne pas de cette manière. Je souhaite d’abord que
l’on ait des dirigeants aux postes clés qui soient forts et compétents. On a
trop souvent fait des compromis pour choisir les dirigeants qui feraient le moins
d’ombre autour de la table. Je ferai tout pour avoir le maximum de personnes
qui partagent la vision que j’évoque. Cela ne s’arrête pas à des questions de
nationalité.
- Qui est le plus
grand ennemi de l’Europe ? Trump, Poutine, ou les Européens eux-mêmes?
Est ennemi de l’Europe celui qui ne croit pas en son avenir.
Les nationalistes qui veulent la diviser sont ses premiers ennemis. Je suis un
patriote français donc européen. Et je vois pour la première fois une
connivence entre les nationalistes et des intérêts étrangers, dont l’objectif
est le démantèlement de l’Europe. Des lobbyistes comme Steve Bannon, proches du
pouvoir américain, le disent. Les Russes et quelques autres n’ont jamais été à
ce point intrusifs pour financer, aider les partis extrêmes. On ne peut être
que troublé. Il ne faut pas être naïf. Mais je ne confonds pas les États et
certains individus, même si les groupes d’influence américains ou les oligarques
russes affichent des proximités avec les gouvernements.
- Vous avez récemment
évoqué l’art d’être Français. Y a-t-il un art d’être Européen?
Il y a un art d’être européen, complètement. Umberto Eco
disait: «La langue de l’Europe est la traduction». L’art d’être Européen, c’est
d’abord l’art de s’entendre dans nos différences. Nous ne sommes pas un
continent d’homogénéité. Les langues européennes sont des harmoniques, avec,
aussi, des intraduisibles. Ce qui veut dire qu’il y a toujours des malentendus.
On l’a souvent dit avec la Chancelière en s’amusant: le mot dette, en Allemand,
a une connotation morale négative qu’il n’a pas en Français. Et puis, il y a
George Steiner, qui parlait de l’Europe des cafés. C’est un art de vivre,
l’Europe. Allez dans n’importe quelle rue de Naples, à Gdansk, à Cracovie ou à
Marseille, il y a cette manière d’être unique, cette sociabilité, ce rapport à
la place publique, à la discussion, au débat, qu’on ne trouve nulle part
ailleurs dans le monde.
- Vu des territoires,
l’Europe est parfois perçue comme une machine à exiger des réformes et des économies
pour parvenir au fameux 3% de déficit.
Ce n’est pas vrai. L’Europe est le cache-sexe de la lâcheté
des dirigeants nationaux ou parfois locaux. La réforme de la SNCF n’est pas
dictée par l’Union européenne, l’Europe n’exige aucune réduction de service
public. L’Europe n’est pas l’ennemi des territoires, au contraire, elle fait
partie de nos vies.
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