Guy Verhofstadt, président de l'ALDE |
Guy Verhofstadt, ancien premier ministre de la Belgique et actuel
président du groupe centriste ALDE (Alliance des démocrates et des libéraux
pour l’Europe), veut, dans un entretien au quotidien Le Figaro, que, face à la
montée des populistes dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, il faut
doter cette dernière d’un «pacte de démocratie» pour que tous ses membres
soient «chaque année, soumis à un examen de leurs pratiques en matière d’État
de droit».
De même, il estime que les centristes auront dans le
prochain Parlement européen plus de pouvoir du fait même que les groupes de la
Droite et de la Gauche vont perdre leur majorité dans l’hémicycle, ce qui leur
permettait jusqu’à présent de se partager le pouvoir.
Par ailleurs, il souhaite la formation d’une armée européenne,
une mesure très populaire chez les futurs électeurs de la liste Renaissance (LREM-MoDem) selon les sondages.
Enfin, il confirme qu’il y aura bien la création d’un
nouveau groupe central au Parlement européen qui naîtra de l’union entre les
membres actuels de l’ALDE (dont on rappelle que les députés européens du MoDem
et l’UDI en font partie) et La république en marche.
Extraits de l’entretien au Figaro:
- Où en êtes-vous des négociations avec Emmanuel Macron pour
la constitution d’un groupe central au Parlement européen?
Les contours de ce groupe seront connus après le 26 mai.
C’est à partir des résultats des élections européennes que nous le
constituerons. Il partira naturellement de la base de l’ALDE mais sera créé
avec La république en marche et a vocation à s’élargir à d’autres partis.
- Selon les sondages actuels, les socialistes et le PPE
devraient perdre beaucoup de sièges dans la nouvelle Assemblée. Allié à La
République en marche, votre groupe pourrait compter jusqu’à une centaine d’eurodéputés.
De nouveaux rapports de force sont-ils en train de se dessiner?
Depuis 1979, le Parlement européen a toujours été monopolisé
par les socialistes et les conservateurs. Cette polarisation a été source de
beaucoup d’inertie. Pour la première fois, ces deux partis vont perdre leur
majorité absolue et le centre de gravité va bouger. Notre groupe sera une
alternative à la montée des populistes en Europe tout en brisant le statu quo
et le monopole des deux partis historiques qui n’ont pas convaincu la majorité
des gens de la rue dans la manière dont ils cogéraient l’Union. Nous allons
changer la politique européenne.
- Il vous faudra pourtant travailler avec la droite
européenne, les socialistes et éventuellement avec les Verts. Comment
allez-vous faire?
Si l’idée est de continuer à se partager les postes sans
projet commun, alors la maladie européenne ne sera pas soignée. Nous
n’accepterons pas de former une majorité avec ces partis s’il n’y a pas un
accord préalable sur un programme commun. C’est en donnant aux citoyens
européens une vision d’ensemble de ce que l’on veut faire de l’Europe et en la
réformant, que l’on fera reculer les votes populistes, nationalistes et
eurosceptiques. Les listes transnationales auraient aussi permis de donner
davantage de clarté aux électeurs qui auraient alors voté pour choisir leur
Spitzenkandidat [candidat à la présidence de la Commission européenne]. Le PPE
[droite] s’y est opposé. Je le regrette.
- Quels sont, pour vous, les dossiers prioritaires de la
prochaine mandature?
Nous devons nous doter d’une armée européenne afin de peser
vraiment sur la scène internationale. Il faut bâtir une vraie politique
migratoire qui n’existe pas à ce stade. Je pense à la réforme du droit d’asile
bien sûr, mais aussi à la nécessité d’avoir un vrai système de migration
économique au sein de l’Union. L’Europe est dépassée par la Chine et les
États-Unis sur l’économie digitale mais elle pourrait parvenir à créer des
champions autour de l’économie verte. Nous devons aussi nous doter un véritable
budget de la zone euro et renforcer notre monnaie commune afin d’être en mesure
d’absorber une éventuelle nouvelle crise financière.
- Rien n’est possible sans les États membres. Or ils
bloquent souvent…
C’est pour cela qu’il faut revenir sur la règle de
l’unanimité et réduire à une quinzaine le nombre de commissaires. À partir du
moment où nous avons, comme c’est le cas actuellement, un commissaire par État
membre, nous ne sommes pas dans une Union mais dans une confédération d’États
basée sur la règle de l’unanimité où chacun doit être représenté. C’est aussi
cela qui crée ces mauvais résultats au niveau européen. Il est indispensable de
réformer les institutions. Mais rares sont ceux qui accepteront de rouvrir les
traités.
- Le PPE a suspendu le premier ministre hongrois, Viktor
Orban. Que comptez-vous faire avec le chef du gouvernement tchèque, Andrej
Babis, qui est accusé de détournement de fonds européens?
Monsieur Babis a un problème de conflit d’intérêts. Nous lui
avons demandé de se mettre en conformité avec ce que souhaite la Commission
européenne. Mais il n’y a rien de comparable avec M. Orban, qui change le
système judiciaire, ferme des universités, a la main sur les médias en Hongrie.
Si Viktor Orban n’a été que suspendu, c’est parce que le PPE veut conserver les
sièges du Fidesz après les élections. ALDE sait, quand il le faut, se montrer
plus clair envers ses membres. Nous avons d’ores et déjà fait savoir aux
libéraux roumains qu’ils ne pourraient pas siéger dans notre groupe après les
élections, en raison notamment de leurs positions sur la corruption.
- Faut-il sanctionner les pays qui ne respectent pas l’État
de droit?
Oui. De la même façon qu’il existe un pacte de stabilité, il
faut doter l’Union d’un pacte de démocratie. Nous avions proposé que tous les
pays de l’Union soient, chaque année, soumis à un examen de leurs pratiques en
matière d’État de droit. Le Parlement avait voté en faveur de cette
proposition. Mais la Commission ne l’a pas retenue. Ce pacte pour la démocratie
sera un des points prioritaires au moment de la constitution d’une nouvelle
majorité au Parlement européen.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires anonymes ne sont pas publiés ainsi que ceux qui seraient insultants ou qui ne concernent pas le Centre et le Centrisme.