Par Jean François
Borrou
Dans cette rubrique, nous publions les points
de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du
CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser
la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un
journaliste proche des idées centristes.
Affiche de campagne, 1974 |
L’ancien président de la république a «ouvert» au Figaro
magazine sa bibliothèque où il parle de ses auteurs et de ses livres favoris.
Et l’on est agréablement surpris par ses choix: Confucius
(dont Alexandre Vatimbella nous a montré que pensée était un centrisme avant
l’heure (1)), Tocqueville (que tout libéral «avancé» se doit d’avoir sur ses
étagères) et Tolstoï dont le christianisme avait cette force de vouloir libérer
les humains et de les faire coopérer entre eux.
Problème: quand Giscard parle d’eux c’est presque toujours à
contre sens de ce qu’ils ont été et du message qu’ils voulaient faire passer et
avec le poids de toutes les idées reçues les concernant.
Ainsi, il parle du Confucius «officiel» celui instrumentalisé
tant par les empereurs du pays du milieu que par les empereurs rouges du PCCC.
Et il reprend sans ciller la propagande éhontée du maître de
la Chine, Xi Jinping, qui voudrait que son régime soit l’héritier du
confucianisme originel ce que tous les spécialistes de la Chine contestent avec
véhémence.
Quand il parle d’Alexis de Tocqueville c’est pour défendre
une vision conservatrice de ses écrits et de ses combats et non le penseur
visionnaire qui avait compris, malgré les dangers, que le régime démocratique
était l’avenir des sociétés européennes et était le présent de celle des Etats-Unis.
Quand il admire Tolstoï, c’est du comte oisif et
irresponsable qu’il parle et non de ce révolutionnaire de l’amour qui voulait
que l’on en vienne, dans les pays chrétiens, à la vraie mise en place du
message de Jésus, un combat qu’a porté la partie la plus éclairée de démocratie
chrétienne française originelle.
Dommage ou, plutôt, c’est normal.
Car Valéry Giscard d’Estaing n’a jamais été un vrai
centriste, c'est-à-dire un centriste de cœur, de conviction voire de raison.
Non, son centrisme est d’opportunité (non d’opportunisme
toutefois).
C’est qu’il a senti l’air du temps et que ses convictions
libérales (réelles celles là), l’ont amené à proposer une vision politique à
laquelle les centristes pouvaient, sinon souscrire en totalité, en tout cas
soutenir.
Ses avancées, ô combien nécessaires, en matière sociétale
(majorité à dix-huit ans, IVG, etc.) doivent surtout à une volonté de
modernisation du pays.
En réalité, Giscard été un homme de droite moderne qui avait
compris que la société de la deuxième partie du XX° siècle se devait d’être
réformée dans un sens libéral pour progresser.
Mais le poids de ses préjugés, de ses alliances et, surtout,
de son hubris bien connue ont été les fossoyeurs d’une entreprise qui manquait
d’une vraie pensée politique à long terme et profonde, et qui ressortait plutôt
d’une analyse trop superficielle des rapports de force politiques et de ce
qu’était réellement l’état de la société française en 1981 quand il fut battu,
à la surprise générale mais surtout à la sienne, par François Mitterrand.
Par comparaisons et rapprochements, les centristes ont fait
de l’ancien président de la république un des leurs mais, même si cela n’est
pas outrageusement scandaleux, cette volonté a plutôt brouillé le message
centriste qu’autre chose.
Jean-François Borrou
(1) Le Centre et le Centrisme, de la Révolution à Macron,
Editions du CREC, 2017
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