Stanislas Guerini & Emmanuel Macron |
Dans une interview au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung
(reproduite sur le site du mouvement), le délégué général de LREM, Stanislas
Guerini déclare qu’«Emmanuel Macron et les Gilets Jaunes sont les deux faces
d'une même médaille».
Cette affirmation, au-delà d’une volonté de récupérer le
mouvement de foule qui s’est faite jour très rapidement au sein de La république
en marche, nous rappelle les ambiguïtés d’un positionnement du Président de la
République et du parti majoritaire par rapport au populisme.
Car, en disant cela, Stanislas Guerini n’a pas tout à fait
tort et ne fait pas preuve uniquement d’opportunisme mal placé.
Ainsi, s’il dit qu’il «n'aime pas les émeutiers qui se sont
déguisés en gilet jaune pour casser» il explique qu’il est «reconnaissant à
ceux qui se sont levés sur les ronds-points dans tout le pays pour exprimer
leur colère de ne pas pouvoir gagner leur vie grâce à leur travail», des propos
que l’on pourraient retrouver dans la bouche de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon...
Pour lui, «ces gens se battent pour la même chose que nous:
plus de justice dans un pays où la devise ‘liberté, égalité, fraternité’ est
inscrite sur toutes les mairies – mais qui n'est pas capable de sortir de la
pauvreté les gens qui travaillent dur».
Et quand on lui demande si le projet macronien n’est pas
populiste, il répond:
«Nous ne nous définissons pas comme des populistes, mais
nous croyons que si vous voulez changer une société, vous devez impliquer les
citoyens. Je suis à la tête d'un mouvement politique que je définis toujours
comme un mouvement de citoyens.»
Un rappel aussi qu’en marche! s’est également bâtie autour de
l’idée qu’il fallait empêcher les extrémismes (et, en premier lieu, celui d’extrême-droite)
d’arriver au pouvoir en 2017.
D’où, évidemment de possibles ambiguïtés dont nous parlions
plus haut.
D’autant que les récriminations des gilets jaunes envers la
majorité présidentielle ne seraient qu’une sorte d’incompréhension.
Ainsi, si ces gilets descendent dans la rue c’est «parce que
nous n'avons pas encore été en mesure de présenter les résultats assez
rapidement».
Et de poursuivre:
«Les gens ne ressentent pas encore l'impact de nos
politiques dans leur vie quotidienne. Nous constatons que la situation
s'améliore au niveau macroéconomique. Le marché du travail s'améliore, mais les
individus ont toujours du mal à trouver du travail. Cela crée de fortes
tensions. Nous avons donc besoin, par exemple, d'allégements fiscaux encore
plus tangibles pour les citoyens.»
Le projet macronien, dans le fond de sa politique
progressiste et réformiste est, sans nul doute, centriste (ou, au minimum
centro-compatible).
En revanche, dans la rhétorique, dans la posture, dans son
envie d’«ailleurs» indéfinissable et qui ouvre la porte à toutes les interprétations,
il flirte dangereusement avec une pratique populiste qui n’est pas sans lien
avec la naissance du mouvement de foule des gilets jaunes qui a pu trouver de
la légitimité à contester un pouvoir qui l’invitait explicitement à rejeter
l’«ancienne politique» et des politiciens de l’ancienne garde loin de leurs
préoccupations.
C’est ainsi que Stanislas Guerini peut affirmer:
«Nous avons contribué à faire disparaître le concept de
gauche contre droite en politique, parce que nous avons eu le sentiment que ce
clivage n’était plus représentatif de l'état de la société française. Mais nous
ne sommes pas à blâmer pour le développement des extrêmes: les conservateurs et
les sociaux-démocrates en portent la responsabilité, au niveau européen
également où ils semblent s'être endormis. Cela a créé un sentiment
d'impuissance au centre. Et nous voulons pallier cela en remettant des
questions et des enjeux très concrets au centre de la politique.»
Or, le paradoxe de ce genre de propos avec la réalité à transformer
c’est que, pour pouvoir mettre en place ses réformes, Emmanuel Macron n’avait
pas d’autres moyens de se servir de cette «ancienne politique» parce qu’elle
est, à la fois, responsable et efficace si on l’utilise correctement.
Dès lors, c’est effectivement lui et sa majorité qui ont donné
une certaine légitimité aux gilets jaunes comme l’ont montré, non les manifestations
qui n’ont jamais réunies que peu de monde même au plus fort du mouvement, mais les
sondages qui donnaient une majorité de Français soutenant, non les émeutiers, mais
leurs demandes démagogiques du genre «moins d’impôt et plus de protection sociale».
Mais, à sa décharge, ce poujadisme latent dans la société française
ne demandait qu’à éclater une nouvelle fois en colère et en violence.
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