François Bayrou |
François Bayrou n’en démord pas, du Grand débat national et
du mouvement de foule des gilets jaunes va sortir «un nouveau projet national».
C’est ce qu’il a redit lors d’un entretien à la chaine CNews.
Un nouveau projet dont il n’indique pas le contenu mais qui
est, selon lui, indispensable pour faire de la politique autrement et parce que
«le moment que nous sommes en train de vivre, c'est le plus périlleux que
nous ayons connu depuis 50 ans, pour notre pays, pas seulement pour les grands
principes de la planète, pour notre pays, pour nos intérêts».
Cette dramatisation de la situation actuelle est désormais
une constante chez le président du MoDem et lui permet, notamment, de se poser en
une sorte de conscience d’Emmanuel Macron à qui il prétend, sans plus de réserves,
prodiguer moult conseils et visions politiques.
Dans cet entretien, Bayrou parle également des enjeux des
européennes en estimant qu’il faut un volontarisme, tel celui proposé par le Président
de la République pour faire bouger les choses et «retrouver la prise sur notre
propre destin» (celui des peuples de l’UE).
Extraits de l’entretien de François Bayrou
Dans sa lettre aux citoyens de l'Europe, Emmanuel
Macron propose une renaissance européenne, une souveraineté européenne. On
a envie de dire: ce n'est pas demain la veille.
Vous vous trompez.
Au Conseil des Ministres, Bruno Lemaire va présenter
tout à l'heure la taxe française contre les GAFAM, les géants mondiaux du
numérique. La France est seule, les autres européens se planquent, ils ont
peur.
Et alors, vous proposez que l'on se croise les bas et
qu’on laisse faire? C’est cela?
Vous dites: au fond, c'est très difficile donc il faut
renoncer.
C’est justement parce qu’on est tout seul et que les
autres ne veulent pas qu’il faut y aller?
Eh bien, voilà, c'est très difficile sans aucun doute.
La loi du monde, la loi de l'univers, on la connaît bien, c'est la loi des
intérêts et pas la loi des principes. En face de cette loi des intérêts, nous,
les Français, parce que c'est notre histoire, et parce que ce sont nos valeurs,
nous opposons des lois plus morales, si j’ose dire, en tout cas un horizon dans
lequel nous n'abandonnons pas les valeurs qui sont les nôtres. C'est exactement
ce que le Président de la République a dit dans cette tribune très importante
publiée dans tous les pays européens et dont vous avez vu qu'elle a des échos
dans tous les pays européens. Qu'est-ce qu'il dit? Il dit: La question des
peuples aujourd'hui, c'est la souveraineté. Comment retrouver la prise sur
notre propre destin.
C’est-à-dire la souveraineté nationale ou la
souveraineté européenne qui passe par la souveraineté nationale?
La souveraineté des peuples et, aujourd'hui, on ne
peut pas imaginer la souveraineté des peuples s'il n'y a pas cette construction
que nous avons faite ensemble qui est en face des empires sans scrupule,
empires j'allais dire sans loi et sans foi pour ce qui est de leurs intérêts. En
face des intérêts des empires, à ce moment-là, il faut que nous bâtissions, nous,
quelque chose qui nous permette de résister et de faire entendre et si possible
notre voix.
Mais en même temps, sans oublier les intérêts
nationaux. Là on voit que c'est le GAFAM…
Comprenez-moi, c'est la même chose. Le fait qu'il y a
d'immenses intérêts privés, ce dont on va parler ce matin au Conseil des ministres
c’est: puissances numériques de la planète, Google, Amazon, Facebook, etc.
Domination du monde.
Ces puissances-là, industrielles et financières et les
puissances des empires, de la Chine, des États-Unis, de tout ce qui se passe
aujourd'hui et de tout ce qui se met en place sur la planète, en face de cela,
nous n'avons qu'un recours, et ce recours c'est que les pays européens se
rassemblent et se rapprochent pour défendre ensemble l'essentiel.
Il n'est jamais trop tard pour le faire.
Ce n'est pas seulement qu’il ne soit pas trop tard,
c'est qu'il est urgent de le faire. C'est cette urgence-là. Vous voyez bien la
question des frontières, la question des vagues migratoires, la question des
mafias, comment vous voulez que l'on y résiste seul ?
Il y a un lien d’ailleurs entre les mafias et les
migrants. Il y a d'autres choses, sur les migrants, puisque vous y venez, il y
a peut-être un changement assez net à l'égard des migrants chez le Président de
la République. Il demande à tous les Européens de négocier un
nouveau Schengen, c'est-à-dire qu'est-ce qu’on met dedans?
C'est une chose très importante.
C'est ce que réclamait la droite il n'y a pas
longtemps.
Oui, ce que réclament les gens qui connaissent le
sujet. De quoi s'agit-il ? Nous pouvons constituer ensemble un espace qui
comprend les pays déterminés à lutter contre ces trafics parce qu'il y a
beaucoup de trafics derrière. Il y a d'immenses intérêts mafieux qui vendent du
rêve aux migrants et qui prospèrent sur leurs dos, quitte à ce qu'ils perdent
la vie, ils s’en moquent.
Donc il faut fermer les frontières et laisser les
migrants dans les mains des passeurs et des trafiquants?
Cet ensemble de pays souverains décidés à faire
respecter leurs lois, ils vont faire deux choses. D’abord défendre ensemble le
territoire qui est le leur, des frontières.
Il y a déjà Frontex.
Oui, et je ne suis pas sûr que cela suffise. Ensuite,
avoir pour l'asile la même loi, c'est-à-dire que l'on ne puisse plus se trouver
dans la situation où nous sommes aujourd'hui dans laquelle il suffit, à un
migrant qui se voit refuser le droit d'asile dans un pays européen, de passer
dans le pays voisin pour recommencer tout le processus.
Emmanuel Macron est Bayrouïste ou Bayrou est
macroniste ?
L'essentiel est que nous sommes sur les mêmes
orientations profondes. Je suis sûr que vous vous rendez compte, mais peut-être
on ne le dit pas assez, le moment que nous sommes en train de vivre, c'est le
plus périlleux que nous ayons connu depuis 50 ans, pour notre pays, pas
seulement pour les grands principes de la planète, pour notre pays, pour nos
intérêts. On est comme cela sous la menace de puissances qui veulent nous
imposer leurs lois, de puissances dont on considérait hier qu'elles étaient de
notre côté de la barrière.
Le grand débat a fini par mobiliser une grande partie
des citoyens qui avaient probablement besoin de se parler, d'échanger. Qui
perd, qui gagne dans ce grand débat ?
Je pense que c'est la France qui gagne. Vous voyez
bien ce qui s'est passé.
Même ceux qui critiquent?
Oui, vous en avez fait le reportage très souvent. On a
eu 30 ans pendant lesquels, chaque fois, il y avait une élection
présidentielle, les sujets profonds et les attentes du pays surgissaient, on
votait, un nouveau régime ou censé être nouveau se mettait en place et on
retrouvait exactement les défauts et les faiblesses d’hier.
Ce n’est pas ce qui va arriver ?
Je ne le crois pas.
Parce que vous pensez que, du grand débat, va sortir
quoi?
Du grand débat va sortir, formulé par le Président de
la République au nom du pays, un nouveau projet national.
Avec quoi dedans?
Laissez s'élaborer le projet.
Vous dites le pouvoir d'achat, vous dites la
ré-indexation des retraites ?
Il y a un aspect social. Qu'est-ce que la solidarité,
sans oublier ce que tout le monde sait que, pour la solidarité, il faut des
moyens, et les moyens sont ceux de la Nation. Alors, certains disent, à juste
titre, il faut accentuer sur la fraude fiscale, à condition qu'on l'identifie,
j'en suis d'accord. C'est au fond ce que l'on va dire au Conseil des ministres
ce matin avec cet impôt nouveau sur les GAFA, les grandes puissances numériques
de la planète et qui vont devoir payer, en France, puisqu'on n'a pas réussi à
mettre tout le monde autour de la table. Cela, un aspect social. Il y a un
aspect d'économie, il y a un aspect de démocratie. Les gens très souvent ont
dit pendant cette crise qu'ils ne se sentaient pas représentés.
Donc ils le seront?
Donc, il y aura des réponses de ce point de vue-là et
il y aura une grande réponse, j'espère, plus importante qui est: qu'est-ce que
la France défend dans le monde aujourd'hui? Parce que tous les pays sont
interpénétrés, tous se tiennent.
C'est ce que l'on dit depuis le début.
C'est déjà très bien qu’on le dise.
Au-delà de la philosophie, par exemple, il peut continuer
avec le même gouvernement?
Oui, si les orientations ou quand orientations seront
clairement fixées, c'est le Président de la République qui forme son
gouvernement et je ne crois pas qu'il soit bon de changer tout le temps de
gouvernement.
Il y a un papier dans l'opinion aujourd'hui, plutôt
favorable à François Bayrou qui dit que vous avez parfois des petits
tiraillements avec Édouard Philippe. Vous avez milité pour qu’il reste ou pour
qu’il s'en aille?
J'ai eu des divergences, tout le monde le sait, je les
ai exprimées en public, avec un certain nombre d'orientations publiques au
moment où elles ont été prises. Mais tout ceci est derrière nous. Nous sommes
aujourd'hui dans une situation dans laquelle le gouvernement, qui conduit une
action très importante, songez aux retraites, qu'il va bien va falloir traiter,
mérite le soutien de la majorité.
Les élections européennes, est-ce qu’il y aura une seule
tête de liste ou un trio?
Je crois une tête de liste. C'est la même chose pour
toutes les listes. On a beau dire: on met une équipe en tête.
On dit que vous aviez d'emblée milité en faveur
d'Agnès Buzyn. Elle a des compétences européennes?
Je pense que c'est une femme qui, par les
responsabilités qu'elle a exercées et aussi par la vie de médecin qui a été la
sienne, a quelque chose qui peut en effet parler au nom de la France mais il y
en a d'autres candidatures, on parle de Nathalie Loiseau.
Et vous, que dites-vous?
Je ne milite pas pour les uns ou pour les autres?
J'essaie de trouver, ou de recommander si je peux, l'équipe qui, non seulement
fera de la politique en Europe, mais parlera au nom des Français avec une
sensibilité que les Français reconnaîtront.
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