Emmanuel Macron |
Deux quotidiens, un du matin et de droite, un du soir et de
gauche, tous deux antiMacron depuis toujours, pour des raisons différentes (le
premier, Le Figaro, doit montrer qu’il ne s‘agit soi-disant que d’opportunisme
pour piquer des voix à LR, quand le second, Le Monde, veut mettre en garde tout
ce qui est à gauche de l’échiquier, sur la trahison supposée de Macron envers
eux) ont fait leurs unes respectives le même jour sur la même problématique, le
virage à droite qu’aurait effectué Emmanuel Macron en l’accusant de siphonner
le programme de celle-ci pour des raisons bassement électorales.
Rappelons que Macron s’est fait élire en 2017 sur un
positionnement central voire centriste et qu’il a intégré dès le départ des
hommes et des femmes de droite dans son gouvernement et à des postes élevés
(ainsi son premier ministre, Edouard Philippe, vient de la droite et s’en
revendique toujours, tout comme son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire).
Mais, comme les hommes et les femmes de gauche, de Gérard
Collomb à Didier Guillaume en passant par Jean-Yves Le Drian, qui l’ont
rejoint, tous ont accepté de mettre en œuvre son programme présidentiel qui n’a
jamais été de droite mais largement inspiré d’un juste équilibre centriste.
Sans parler évidemment des hommes et des femmes du Centre
qui s’y retrouvaient comme l’ont expliqué alors des Jean Arthuis, des François
Bayrou, des François de Rugy.
Bien sûr, Macron, ainsi que tout leader politique et tout
hôte de l’Elysée, veut élargir son assise politique, à la fois à droite et à
gauche.
Et au moment où LR se radicalise et certaines de ses
personnalités rejoignent le RN des Le Pen, parler aux gens de centre-droit et
de la droite libérale est une évidence et n’a rien d’extraordinaire, d’autant
qu’il le fait depuis le début de son quinquennat.
Tout comme il veut parler à ces sociaux-libéraux dont il se
revendique d’être un d’entre eux, ces gens de centre-gauche et de la gauche
libérale qui sont en déshérence d’une affiliation politique depuis la
radicalisation de ce qui reste du PS.
Mais, au fait, quels sont les arguments sur ce virage à
droite?
On passera sur les «petites phrases» des «soutiens à
Macron», non-identifiés comme c’est devenue la triste règle, que les deux
quotidiens utilisent pour illustrer leurs propos et qui veulent faire passer le
Président de la république pour un abominable politicien opportuniste sans
vraie ligne politique, pour ne retenir dans notre analyse que les raisons
politiques avancées: la sécurité, la méritocratie, la responsabilité,
l’économie, l’immigration.
Ainsi, en matière de sécurité, la volonté d’assurer l’ordre
face aux gilets jaunes qui cassent et saccagent serait une mesure de droite,
notamment parce que le Premier ministre veut faire voter une loi anti-casseurs
qui s’inspireraient largement d’une proposition de loi faite par le chef de
file des sénateurs LR, Bruno Retailleau, un homme de confiance de Laurent Wauquiez.
Nos deux quotidiens, pour des raisons inverses, veulent
faire croire que la sécurité est une notion de droite.
Mais il faudra bien qu’un jour, ceux de droite cessent de se
gargariser d’être les seuls défenseurs de l’ordre et ceux de gauche cessent de
croire que la société est constituée uniquement de gentils bisounours, tout
maintien de l’ordre étant, par définition réactionnaire (d’autant que les
journalistes du Monde qui s’en prennent à Macron sur sa volonté de rétablir
l’ordre républicain, nous expliquent, pour dédouaner la Gauche, à longueur de
colonnes depuis des semaines que les violences viennent de l’extrême-droite,
voir de l’ultra-droite, dont on ne savait pas que le quotidien approuvait donc leurs
actes…).
Car, comme le rappellent sans cesse les centristes mais
aussi tous les vrais défenseurs de la démocratie républicaine, il n’y a pas de
liberté sans sécurité et aucune des valeurs démocratiques et républicaines ne
peut se passer de sécurité.
Dès lors vouloir assurer la sécurité et réprimer ceux qui
s’en prennent aux biens et surtout aux personnes est une attitude démocratique
et républicaine qui n’est ni de droite, ni de gauche.
De même quand on veut réprimer la violence à l’école qui est
de plus en plus aigüe de la part d’une minorité et empêche souvent à la
majorité de se consacrer à des études qui lui permettra de pouvoir se former en
tant que citoyens et individus ayant une ambition et des rêves à réaliser.
Quant à la méritocratie qui est au cœur du projet
socio-économique d’Emmanuel Macron, c'est-à-dire l’égalité des opportunités
afin de réussir au mieux son projet de vie par l’effort et grâce à ses
capacités (ce qui aura une conséquence bénéfique pour toute la société), elle
est essentiellement centriste et pas du tout de droite (qui privilégié la reproduction
sociale des élites) et de gauche (qui privilégie une dilution des compétences
et de l’excellence dans un égalitarisme borné).
Les deux journaux parlent aussi de ces mesures prises par le
pouvoir et qui viendraient de la Droite (paiement des heures supplémentaires,
la prime de fin d’année défiscalisée et des aides pour les salariés qui font un
long parcours en voiture pour leur travail).
D’une part, il n’y a rien de mal à adopter des mesures
positives d’où qu’elles viennent (c’est même une volonté toujours réaffirmée
des pouvoirs centristes) et, d’autre part, ces mesures qui permettent
d’augmenter le pouvoir d’achat sont plébiscitées par les Français qu’ils soient
de gauche ou de droite (l’abandon de la défiscalisation des heures
supplémentaires par François Hollande avait été critiqué en son temps par la
Droite et la Gauche).
Elles n’ont donc pas la connotation droitiste que veulent
lui donner Le Figaro et Le Monde.
A propos d’ouvrir un débat sur l’immigration et de ce que
doit être la France, on ne comprend pas très bien pourquoi ce serait une mesure
de droite comme nous le dit Le Monde sauf à supposer que les Français ne soient
pas capables d’apprécier, qu’ils soient de droite ou de gauche, la
problématique qui est prégnante dans la plupart des pays du monde et notamment
dans les démocraties occidentales.
Réfléchir sur ce qu’est et doit être la France et ce qu’elle
doit être dans sa diversité est, non seulement, indispensable, mais sans
connotation partisane.
Pour finir, Le Monde débute son article en rappelant que les
dix milliards mis sur la table par Emmanuel Macron pour répondre, entre autres,
aux demandes des Français qui soutiennent les gilets jaunes, avaient fait
naître l’espoir par certains du tournant «social» et de «gauche» du quinquennat
mais que les dernières mesures disent le contraire.
On peut bien sûr, saucissonner l’action politique en des
séquences qui n’auraient aucun lien entre elles puisque cela permet, dans une
mauvaise foi totale, de pouvoir critiquer ce que l’on veut, quand on le veut.
Or, le fait qu’il y ait eu ces mesures sociales (qui n’étaient
ni de droite, ni de gauche pour la plupart) et qu’il y ait maintenant ces mesures
économiques et sociétales qui se succèdent, montre bien que l’on est dans une vision
de l’équilibre, c'est-à-dire essentiellement centriste.
Il n’y a donc pas de virage à droite d’Emmanuel Macron, ni
par opportunisme, ni par dessein caché depuis son entrée en politique, mais
bien la volonté de gouverner avec le principe du «en même temps».
Cela se caractérise également par la volonté maintes fois
réaffirmée de continuer les réformes dont de nombreuses et importantes sont
programmées pour cette année 2019.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
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