«Et moi, et moi, et moi», semblent dire en cœur les
manifestants revêtus de gilets jaunes qui s’en prennent avec hargne et
obscurantisme à un système dont ils veulent, «en même temps» qu’il les laisse
tranquille (pas d’impôts) mais qui les materne totalement (plus de dépenses
étatiques)!
Car ils ne disent pas «et nous, et nous, et nous», parce que
leur motivation est essentiellement leur intérêt personnel et non le bien de la
communauté, ni même celui de leur voisin s’il n’est pas identique au leur, on
le voit avec cette absence totale de tolérance vis-à-vis des opinions
contraires (avec des journalistes pris à partie parce qu’ils ne seraient pas
dans la «bonne ligne» éditoriale).
Nous voilà donc dans un mouvement de foule caractéristique
de la montée inquiétante et qui semble inexorable de ce que j’ai appelé, l’«autonomisation
égocentrique assistée irresponsable irrespectueuse insatisfaite» de l’individu.
De plus en plus prégnante elle fait de lui une bombe qui
risque, à tout moment, de faire imploser la démocratie républicaine représentative
pour laquelle il représente un défi libertario-hédoniste majeur.
Cette autonomisation non médiatisée par la responsabilité
personnelle et le respect de la dignité de l’autre, assise souvent sur un
manque de savoirs et des comportements puérils destructeurs pour le vivre
ensemble, crée l’atomisation des intérêts personnels qui ne se retrouvent plus
ou peu dans cet incontournable agrégat qui permet de donner une base commune
pour identifier et faire vivre des intérêts collectifs afin de fonder un
dessein collectif.
Absence donc de ce dessein indispensable à toute communauté
réunie mais montée en puissance de cette simple recherche immédiate de la
réalisation de ses désirs et de ses revendications personnelles sans se soucier
un seul instant des conséquences pour les autres, donc, in fine, pour soi
également.
Précisons que la fameuse «colère du peuple» martelée depuis
des années par les extrémistes et les populistes pour leurs combats
antidémocratiques et relayés trop souvent par certains médias complaisants, a
donné des idées à des cerveaux malléables et influençables, surtout à des
individus en pertes de repères qui cherchent des responsables extérieurs à leur
situation personnelle qu’ils ne trouvent pas à leur goût mais qui n’est souvent
que de leur responsabilité.
Quand ce n’est pas tout simplement une incapacité à analyser
réellement dans quel monde ils vivent.
Précisons immédiatement que l’individualisme n’est pas
responsable de cet état de fait mais bien sa perversion.
L’individualisme comme notion et comme mode de vie n’est pas
un comportement égocentrique, irresponsable et irrespectueux, bien au
contraire.
Pour qu’il existe réellement, il faut justement de la
solidarité et de la tolérance envers l’autre, de la responsabilité dans ses
actes et dans ses choix de vie et du respect pour la dignité humaine.
Suite aux agissements de ce «nouvel individu», la démocratie
républicaine est en danger de délitement, voire de disparition.
Elle peut d’abord devenir une «médiacratie médiocratique
démagogique populiste consumériste» puis un simple régime autocratique avant de
basculer dans le totalitarisme.
Cependant, cet individu autonomisé et atomisé, s’il prend
conscience de la nécessité d’un bien vivre ensemble, c'est-à-dire
l’indépassable coopération entre tous pour faire société, peut aussi façonner
positivement la nouvelle démocratie républicaine qui se mettra en place dans
les prochains temps si cette dernière parvient à surmonter ce défi d’un
comportement autolâtre et du «tout, tout de suite» dans une constante insubordination
de tout ce qui empêche cette recherche de la plus grande jouissance possible
égotiste.
Mais, ne nous le cachons pas, le combat sera rude, sans
répit et la victoire n’est pas inscrite, loin de là. Mais l’optimisme doit être
de règle si l’on veut sauver la démocratie républicaine, le meilleur système
que l’on peut mettre en place au regard des réalités humaines, système qui ne
pourra être dépassé que le jour (encore indéfinissable) où l’humain se sera
vraiment émancipé dans la responsabilité et le respect.
Et le spectacle que nous montre les gilets jaunes (après
d’autres mouvements du même acabit comme celui du Tea party aux Etats-Unis, né
en 2009) ressemble fort à cette autonomisation mortifère, bien loin de
l’individualisme responsable et de la nécessité d’un lien social assis sur les
valeurs et les principes démocratiques.
Nous ne sommes donc plus dans une théorie de ce qui peut
advenir mais bien dans la constatation de ce qui est, en tout cas, de ce qui
émerge.
Ce défi libertario-hédoniste porté par les gilets jaunes
doit être relevé par une démocratie républicaine sans peur et sans faiblesse
parce que les individus qui le portent sont bien incapables de proposer une
alternative crédible au système actuel.
C’est donc bien, en créant le chaos, la disparition de cette
démocratie républicaine qu’ils souhaitent et, comme la nature a horreur du
vide, c’est bien un régime autocratique voire totalitaire qu’ils veulent voir
prendre sa place, à moins que leur impotence ne leur permettre pas d’avoir une
vision lucide de leurs actions.
D’où le pullulement de toutes les charognards
d’extrême-droite et d’extrême-gauche qui instrumentalisent ce mouvement de
foule et que les démocrates se doivent, non seulement, de dénoncer mais de
combattre.
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