Face aux mouvements populistes de contestation (gilets
jaunes) ou politiques (RN, LFI, Debout la France, etc.), les centristes doivent,
en 2019, garder le cap qui fait leur spécificité: la réforme sans cesse remise
à l’ouvrage du pays pour qu’il soit toujours à niveau et en phase avec la
réalité tant intérieure qu’extérieure; le combat pour une Union européenne de
plus en plus intégrée et de plus en plus actrice de premier plan dans la
mondialisation.
Bien entendu, cela doit se faire sans perdre les valeurs
humanistes et le principe de juste équilibre qui guide leur action mais, non
plus, sans renoncement face à une pression de plus en plus forte de toutes les
forces conservatrices, réactionnaires, populistes et clientélistes qui se
mettent, comme cela se passe à chaque fois que l’on veut moderniser et faire
progresser la société dans son ensemble, en travers de leur route.
Car le pouvoir impose l’action, en tout cas dans la doxa
d’un Centrisme du XXI° siècle qui ne peut se satisfaire de gérer médiocrement
un appareil étatique manquant de dynamisme, voire parfois en déliquescence, et
en faisant constamment des compromissions (et non des compromis) qui se
paieront cash si l’indispensable mise à niveau de la France devait en pâtir,
les précédents le démontrant.
Face à cette équation, comment les différents acteurs
centristes vont-ils agir?
- Le Président et la
république et le Gouvernement
Face au feu constant de la critique politico-médiatique et à
l’outrance que celle-ci a prise plus que de mesure pour des raisons que nous
avons maintes fois évoquées et sur lesquelles nous ne reviendront pas ici,
l’exécutif a tenu bon une grande partie de l’année, semblant dans son denier
quart être plus hésitant, voire atteint de sidération devant des événements,
certes notables, surtout prétexte à une remise en cause de sa légitimité et de
son action par une improbable coalition de forces disparates qui désiraient
avant tout vouloir régler leurs comptes politiciens et idéologiques.
Les dernières interventions d’Emmanuel Macron ont été, de ce
point de vue, emblématiques d’une majorité qui s’est trouvée en porte-à-faux
avec l’ambiguïté de ce qui a fait, en partie, son succès, ce «en même temps» dont
on parle peu souvent (et que nous avons évoqué plusieurs fois) mais qui a mêlé
parfois de manière un peu démagogique, dès la campagne présidentielle de 2017,
un vrai discours de responsabilité et d’appel à des réformes avec des élans
emphatiques très populistes.
Reste que l’exécutif semble s’être ressaisi sur le cœur même
de sa mission qui a fait le succès du programme du créateur d’En marche!, une
réforme en profondeur du pays (ce qu’il a appelé «révolution» dans un ouvrage
du même nom).
Ainsi, les vœux du Président de la république pour la nouvelle
année ont été clairs sur la volonté de poursuivre l’action entreprise et de ne
pas céder aux extrêmes et aux démagogues qui se délectent du mouvement des
gilets jaunes pour leurs propres intérêts, tout en ouvrant la porte à un «débat
national», voire, peut-être, à un référendum sur les institutions.
Il est difficile de dire si l’agenda du Gouvernement sera
celui prévu et rappelé, d’autant que les réformes qui doivent être mises en
route (comme celle des retraites) peuvent générer de nouveaux troubles et que
les élections européennes de mai prochain, seront un rendez-vous qui pourrait,
en cas de mauvais résultat, déstabilisé l’action du pouvoir.
Sans oublier que si les économistes prévoient qu’après les
mesures prises par le Gouvernement en 2017 et 2018, le pouvoir d’achat des
Français va augmenter sensiblement en 2019, ils estiment également que la
croissance mondiale (donc aussi en France) va baisser et que les bourses
devraient connaître des moments difficiles (certains prévoyant même un crack de
grande intensité).
- LREM
Le parti présidentiel a connu nombre de soubresauts en 2018
mais a tenu globalement le coup, ce qui n’est pas rien si l’on n’oublie jamais
qu’il est fait, d’une certaine manière, de bric et de broc.
Comme pour tout parti au pouvoir, c’est l’agenda du
Président de la république, défini par son programme électoral et son projet
politique qui est sa feuille de route.
Si l’on a senti parfois quelques tensions vis-à-vis de celui-ci,
les oppositions ont été le fait d’individus isolés, certains sont partis, d’autres
ont été exclus.
2019, après la fin 2018 difficile, devrait sans doute être
un peu plus agité pour la cohésion de La république en marche d’autant qu’une
partie de ses députés ainsi que de ses responsables ont pris des positions et
ont tenus des propos très favorables à certaines revendications des gilets
jaunes.
Ils en ont profité, jusqu’à la tête de la formation avec le
nouveau délégué général, Stanislas Guérini, pour prétendre que ce mouvement de
foule avait une sorte de cousinage avec En marche!, deux mouvements qui
voulaient en finir avec le «vieux» monde.
S’il s’agit en partie d’une tentative de récupération (à
l’instar de toutes les autres formations politiques), c’est aussi une réalité
que nous avons développé ci-dessus en rappelant les ambiguïtés populistes
d’Emmanuel Macron.
De ce point de vue, on pourrait même prétendre que les
gilets jaunes ont pu exister parce qu’il y a eu l’élection de Macron, ce qui
n’est pas, pour des centristes, une gloire quelconque pour le chef de l’Etat…
Toujours est-il que l’exécutif devrait encore mettre
largement LREM a contribution pour faire passer ses mesures et ses réformes
mais, dans le même temps, devrait lui donner un peu plus d’autonomie afin,
d’une part, de se décharger de toute cette pression négative dont il est le
réceptacle 24 heures sur 24 et, d’autre part, pour se rapprocher d’une partie
de la population qui se sent abandonnée par les politiques.
Le tout est de savoir si La république en marche sera
capable d’accomplir cette dernière mission, elle qui s’enorgueillit d’être, à
la base, un «mouvement citoyen», donc proche des aspirations du Français moyen
et qui compte de nombreux élus venus directement de la société civile sans
passer par aucune case d’expérience politique d’aucune sorte.
C’est sans doute la volonté, à la fois, de l’exécutif et du
parti de pouvoir remplir ce rôle, nouveau pour ce dernier, de lien entre le «en
bas» et le «en haut».
En sera-t-il capable, personne ne le sait exactement.
- MoDem
Autre composante de la majorité présidentielle, le Mouvement
démocrate présidé par François Bayrou va devoir choisir son positionnement pour
2019 et en finir avec certaines ambiguïtés, largement mises sur la place public
par ce dernier, où l’on affirme être derrière un exécutif sans l’ombre d’un
doute tout en détaillant une liste impressionnante de critiques une fois la
chose dite.
C’est que ce n’est pas facile, ni pour Bayrou, ni pour ses
troupes, de se transformer d’une officine dont le fond de commerce était d’être
systématiquement contre le pouvoir en place quel qu’il soit (Mitterrand, Chirac,
Sarkozy, Hollande) en un parti de gouvernement, à la fois, responsable mais
aussi discipliné.
D’autant que le maire de Pau, tout content de faire le buzz
médiatique (un opposant à l’intérieur même d’une majorité présidentielle, les
journalistes adorent!), n’a pas ménagé ses efforts et ses effets pour être à la
hauteur de ce personnage qui vient donner constamment des leçons de gouvernance
au Président de la république et au Gouvernement.
Mais c’est un jeu dangereux qui pourrait être
perdant-perdant.
Car l’existence même du MoDem actuel tient en la présence
d’Emmanuel Macron à l’Elysée et à sa générosité envers la formation centriste.
Si l’une ou l’autre devait disparaître, rien ne dit que
l’existence du parti en tant que force politique nationale serait assurée.
Doit-on alors attendre un changement de cap dans la
stratégie de François Bayrou (qui
entraînera automatiquement celle de ses troupes) en 2019?
L’homme est trop imprévisible pour faire une prédiction en
ce sens.
Ce que l’on peut dire, c’est que, et l’exécutif, et la
majorité présidentielle, et le MoDem, et le Centre, et même Bayrou en seraient
bénéficiaires.
Mais cela n’entraînera pas automatiquement ce changement!
Peut être parce qu’il en est incapable, peut-être parce
qu’il a encore des ambitions pour l’Elysée (ou Matignon), peut-être parce qu’il
veut régler des comptes, peut-être parce qu’il ne croit pas en la réussite de
ce Président et de ce Gouvernement, mais le fait est là.
Gageons qu’un certain nombre de ses proches, tel Marc
Fesneau (l’actuel ministre des relations avec le Parlement), parviendront à lui
faire comprendre l’importance pour la réussite de la majorité présidentielle
(donc du MoDem) et surtout celle de la France, qu’il faut jouer en équipe et
éviter de marquer des buts contre son camp, surtout quand ils sont prémédités…
- UDI
Nous avons dit et redit ici que 2019 serait une année
charnière pour l’UDI et son président, Jean-Christophe Lagarde.
Comptant pour peu, encore une fois déstabilisée par des
départs, la formation centriste est inaudible médiatiquement (sauf pour
critiquer Emmanuel Macron) et surtout dans la population.
Il faut dire que son positionnement politique qui change au
grès des humeurs de son président n’est pas fait pour rendre intelligible son
message, si tant est qu’il y en ait un!
Justement, celui qui donne une certaine identité à l’UDI est
celui sur la volonté de construire une Union européenne largement fédéraliste
(encore que les derniers propos de Lagarde sur un positionnement
«nationaliste-européen» soit un peu obscur).
Voilà pourquoi, malgré tous les dangers, elle a pris, pour
une fois, un risque politique, en présentant sa propre liste aux élections
européennes avec à sa tête, évidemment, Jean-Christophe Lagarde dont le visage
a été l’objet d’un tractage et d’un affichage national plus de cinq mois avant
l’échéance électorale!
Mais cette décision pourrait bien être sa dernière: non
seulement les sondages sont catastrophiques (autour de 2% des intentions de
vote ce qui donne aucun député et pas de remboursement de frais de campagne)
mais la liste est devancée par celles de personnalités douteuses
(Dupont-Aignan, Lassalle) et de partis extrémistes anti-européens.
L’UDI a évidement la possibilité de retirer sa liste (ce qu’avait
fait en 2007 Hervé Morin alors à la tête du Nouveau centre, ancêtre de l’UDI,
lors de la présidentielle alors que les sondages ne lui donnait qu’1%
d’intentions de vote) et de former une liste «axe central» avec LREM, le MoDem
et les juppéistes, mais ce serait vu comme une marche arrière et un renoncement
peu propices à séduire des électeurs pour la suite.
Quant au positionnement politique face à la majorité
présidentielle, arguons que jusqu’aux européennes de mai prochain, le discours
sera très offensif à son encontre pour tenter d’exister et d’espérer rameuter
quelques centristes déçus de l’action d’Emmanuel Macron.
Reste à savoir pourquoi ils voteraient pour l’UDI.
- Mouvement radical
En 2019, le problème du Mouvement radical (issu de la fusion
entre le Parti radical et le Parti radical de gauche en 201) sera sa survie
même.
2018 a été une année blanche politiquement parlant mais le
mouvement s’est structuré dans les régions et les départements.
Cela n’est évidement pas suffisant pour qu’il puisse avoir
un avenir.
D’autant que les tiraillements entre les anciens radicaux
valoisiens (centre-droit) et les anciens radicaux de gauche (centre-gauche)
sont constants.
On le voit dans les prises de position des deux coprésidents
où Laurent Hénart (ancien président du Parti radical) est bien plus proche de
la majorité présidentielle que Sylvia Pinel (ancienne présidente des radicaux
de gauche).
Ou 2019 permet d’aplanir ces différences, de proposer un
vrai projet politique radical tout en offrant au mouvement une visibilité
politico-médiatique nécessaire, ou il disparaîtra, les radicaux nous ayant
habitué au cours de l’Histoire à ces réunions manquées et à ces scissions
répétées.
Disons-le clairement, nous parions plutôt pour la deuxième
éventualité.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
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